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HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CLOTURE DU CONGRES EXTRAORDINAIRE DU CLERGE 2021


Basilique Notre Dame de la Paix
Yamoussoukro le 11 juillet 2021

Excellence Mgr Paolo BORGIA, Nonce Apostolique en CI, 
Excellence Mgr Ignace DOGBO BESSI, Archevêque de Korhogo et Président de la Conférence des évêques catholiques de CI,
Excellences les Archevêques et évêques de CI,
Mesdames et Messieurs les membres du Corps préfectoral,
Distinguées autorités politiques,
civiles, coutumières, militaires et religieuses,
Révérends Pères,
Révérendes sœurs,
Chers frères et sœurs en Christ,

        Le Congrès extraordinaire du clergé, ce cadre de réflexions et d’échanges sur la vie et le ministère du prêtre en Côte d’Ivoire, qui referme ses portes aujourd’hui par cette messe solennelle, arrive bien à son heure, comme le nécessaire pendant qui complète merveilleusement, la célébration des 125 ans de l’Eglise catholique en Côte d’Ivoire, qui a eu lieu le 25 janvier dernier à Grand Bassam, dans le sud de notre pays ! De Grand Bassam, terre d’accueil des premiers missionnaires, fille aînée de l’Eglise catholique en Côte d’Ivoire, l’évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, a parcouru monts et vallées, villes et villages, hameaux et campements, et continue de tendre ses bras à toute la Côte d’Ivoire pour la gloire Dieu et pour le bonheur des habitants de notre pays !

 

Le fait pour nous de nous retrouver ici à Yamoussoukro, dans le centre de notre pays, un peu comme à équidistance entre les quatre points cardinaux, alors que s’achèvent les travaux du Congrès extraordinaire du clergé, ne peut pas être le fait d’un simple hasard. En effet, le centre, c’est le lieu où convergent ou mieux, le lieu d’où rayonnent les activités, les actions diverses ! Symboliquement, on peut voir dans notre déplacement jusqu’au centre du pays, la distance déjà parcourue en 125 ans, mais également et pour tenir compte des autres contrées du pays, la distance qu’il nous reste à parcourir !

Si la distance parcourue jusque dans un passé récent a été impulsée par les missionnaires venus d’ailleurs, celle qui nous reste à parcourir sera assurément l’œuvre du clergé local, vieux aujourd’hui de 87 ans et dont Monseigneur René KOUASSI, notre premier de cordée, est le porte étendard ! Qu’il repose en paix avec nos illustres devanciers et que de là-haut, ils intercèdent pour les nouvelles générations !

125 ans d’évangélisation ! 87 ans que la providence divine a donné à la terre de Côte d’Ivoire, son tout premier prêtre ! Il faut reconnaître avec beaucoup de lucidité que même si l’appel reste le même, que le ministère sacerdotal demeure unique ontologiquement,oui il nous faut reconnaître que le contexte n’est plus le même, que les mentalités ont changées, que la société ivoirienne en mutation constante a évoluée. Il s’imposait alors à la génération présente, un aggiornamento de la vie et du ministère du prêtre en Côte d’Ivoire, qui le mette face aux situations qui interpellent sa vie, une vie donnée à la suite du Christ qui continue encore aujourd’hui, d’appeler et d’établir pour son Eglise, des pasteurs. 

1-  Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis… (Jn.15, 16)

Excellences,
Chers confrères dans le sacerdoce ministériel,

Au terme de ce congrès extraordinaire du clergé, il s’agit dorénavant pour nous prêtres, de prendre davantage conscience de ce que nous avons reçu, de ce que nous sommes fondamentalement et de ce que nous sommes appelés à devenir et à révéler au quotidien, c’est-à-dire, notre identité profonde d’appelés à la suite du Christ, une identité sur laquelle nous devons veiller pour ne pas édulcorer notre être sacerdotal. Comme le stipule le Directoire pour le clergé que je cite, ‘‘par l'ordination sacramentelle, réalisée par le moyen de l'imposition des mains et de la prière consécratoire prononcée par l'Évêque, il se produit dans le prêtre ‘‘un lien ontologique spécifique qui unit le prêtre au Christ, Prêtre Suprême et Bon Pasteur’’.

L'identité du prêtre, par conséquent, découle de sa participation spécifique au Sacerdoce du Christ, par laquelle le sujet ordonné devient, dans l'Église et pour l'Église, image réelle, vivante et transparente du Christ Prêtre, ‘‘une représentation sacramentelle du Christ Tête et Pasteur’’. Grâce à la consécration, le prêtre ‘‘reçoit le don d'un "pouvoir" spirituel qui est participation à l'autorité avec laquelle Jésus-Christ, par Son Esprit, guide son Église’’.

Cette identification sacramentelle avec le Prêtre Suprême et Éternel, insère spécifiquement le prêtre dans le mystère trinitaire et, à travers le mystère du Christ, dans la Communion ministérielle de l'Église pour servir le Peuple de Dieu.’’ Fin de citation.

        Image réelle, vivante et transparente du Christ Prêtre, dans l'Église et pour l'Église, le prêtre a donc une responsabilité qui est grande et qui le situe dans une position où il doit davantage révéler le visage du Christ au monde, ce monde dont ‘‘nous avons pu entendre avec davantage de clarté le cri, souvent silencieux et réduit au silence, de nos frères victimes d’abus de pouvoir, d’abus de conscience et d’abus sexuel de la part de ministres ordonnés’’ comme disait le Pape François dans sa lettre aux prêtres à l’occasion des 160 ans de la mort de Saint Jean Marie Vianney.

        Oui, les temps sont vraiment parvenus à la maturité pour que les prêtres retrouvent en Jésus-Christ leur identité, et en cette identité, le sens et le style de leur mission car c’est en Lui que se trouvent leur être et leur agir.

        Chers confrères,

Dans la première lecture de ce jour, le royaume d’Israël, séparé de celui de Juda, est en pleine prospérité matérielle. La religion semble aussi à l’honneur. Or voici qu’Amos, simple paysan venu de Juda, le royaume frère ennemi, ose dénoncer l’injustice et la décadence morale de la cour des grands…et cela, en plein milieu de culte officiel. Il critique un culte qui ne fait que masquer les tares du pays. Qui donc est ce paysan qui s’arroge un tel droit, éclate Amazias, prêtre de Béthel. Qu’il aille prêcher chez lui ! Mais Amos oppose sa vocation divine : il n’a besoin d’aucun mandat officiel, car c’est le Seigneur Lui-même qui l’a saisi pour en faire son prophète.

Nous aussi, de par notre ordination sacerdotale, le Seigneur nous saisit pour faire de nous ses prophètes, et nous envoie porter sa voix à nos concitoyens ! Cela suppose donc une prise de conscience plus accrue de ce que nous sommes devenus par appel du Seigneur ! La crise dans laquelle nous sommes n’a que trop duré ; autant nous sommes fatigués de ces chrétiens qui ne sont intéressés que par leur intérêt personnel chaque fois que le vent tourne, autant eux aussi le sont des prêtres carriéristes, fonctionnaires au service des sacrements et sur qui on a beaucoup à dire !  Dès lors, nous devons prendre l’engagement d’être vraiment des porteurs du Christ.

A ce titre, là où l’injustice sera érigée en système, là où se joue le destin d’un être humain, quel qu’il soit, tous, évêques, prêtres, nous devons être capables de dire une parole. Comme Amos, osons dénoncer les injustices qui minent nos sociétés sans oublier la décadence morale dans laquelle elle baigne. Sachez-le : nous ne devons plus nous taire. Notre responsabilité à nous aujourd’hui, c’est de faire en sorte qu’advienne pour notre beau pays, déchiré et balafré par tant de crises à répétition, une ère nouvelle d’amour vrai, de fraternité et de paix retrouvée. Cela est possible, si nous savons garder le contact avec Jésus le Bon berger. Ainsi fera-t-il de nous des bergers selon le cœur de Dieu.

2-   Je vous donnerai des bergers selon mon propre cœur  (Jér. 3:15).

Excellences,
Chers confrères dans le sacerdoce ministériel

Vous avez reconnu dans ce verset de la lettre de Jérémie, les propos introductifs de l’Exhortation apostolique post-synodale Pastores Dabo Vobis, propos par lesquels ‘‘Dieu promet à son peuple qu’il ne le laissera jamais sans bergers pour les rassembler et les guider’’… Et l’Exhortation de poursuivre en affirmant que ‘‘par la foi, nous savons que la promesse du Seigneur ne peut échouer. Cette promesse même est la raison et la force sous-jacentes à la joie de l’Église devant la croissance et l’augmentation des vocations sacerdotales qui ont lieu maintenant dans certaines parties du monde.’’

On peut lire dans la même Exhortation que ‘‘dans l'Église, la confiance totale dans la fidélité inconditionnelle de Dieu à sa promesse va de pair avec la grave responsabilité de coopérer à l'action du Dieu qui appelle, de contribuer à créer et à maintenir les conditions dans lesquelles le bon grain, semé par Dieu, peut prendre racine et porter des fruits abondants. L'Église ne cessera jamais de prier le Maître de la moisson afin qu'il envoie des ouvriers à sa moisson (cf. Mt 9,38) ; elle proposera aux nouvelles générations un projet de vocation clair et courageux ; elle les aidera à discerner l'authenticité de l'appel de Dieu et à y répondre avec générosité ; elle apportera une attention particulière à la formation des candidats au presbytérat.’’

Frères et sœurs en Christ,

Une vieille formule nous faisait dire : Seigneur, donne-nous des prêtres ! Seigneur, donne-nous beaucoup de prêtres ! Seigneur, donne-nous beaucoup de saints prêtres ! Peut-être faudra-t-il remettre cette prière au goût du jour. Bien dès fois, vos critiques et remarques même si elles sont fondées, ne produisent pas toujours l’effet escompté ! C’est le Seigneur Lui-même qui veut garantir pour son peuple, non seulement la pérennité du sacerdoce mais également veiller à la qualité des bergers qu’Il donne pour conduire son peuple. Je reste convaincu qu’en le priant avec foi et sincérité, notre Eglise de Côte d’Ivoire aura les prêtres selon le cœur de Dieu. Je vous exhorte donc à prier pour vos prêtres, pour la gloire de Dieu et le salut du monde ! 

3-  Pour la gloire de Dieu et le salut du monde… 

Chers confrères dans le sacerdoce,

Cette phrase, c’est la réponse du peuple de Dieu quand, avant la prière eucharistique, nous prêtres, nous les invitons à prier ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise ! Cette réponse traduit non seulement le souhait du peuple de Dieu mais également ce que l’Eglise attend de nous les pasteurs de ce peuple : tout, pour la gloire de Dieu et le salut du monde !

L’évangile de ce jour qui est le prolongement de celui que nous avons entendu dimanche dernier nous relate les recommandations de Jésus à ses disciples pour la mission. Envoyer les disciples deux par deux favorise le soutien mutuel et assure la qualité du témoignage. Les premiers missionnaires chrétiens ne devaient donc pas s’embarrasser de bagages inutiles, mais rester disponibles pour accomplir la mission reçue de Jésus. Quels sont nos bagages inutiles à nous aujourd’hui ?

Par ailleurs, les instructions que Jésus donne aux disciples soulignent à la fois la nécessaire liberté et la totale insécurité des envoyés. Rien, sauf un bâton et des sandales, c’est-à-dire, ce qui sert à marcher. Tout le reste serait pesant. Et dans l’hospitalité trouvée, c’est le départ qui compte. Il faut savoir partir.Pour les disciples,la maison, c’est le chemin. La maison qui accueille ouvre sa porte, laisse entrer et partir : elle aussi devient chemin. Le fruit du départ, c’est la conversion, la libération des hommes possédés par leurs ‘‘démons’’, leurs attaches, leurs richesses, leurs maladies. Sommes-nous encore libres aujourd’hui ? Quels sont nos esclavages à nous ?

‘‘Secouer la poussière de ses pieds’’ signifie que les disciples quittent ce territoire sans rien devoir à ses habitants. Ce geste prend acte du refus de ceux qui n’accueillent pas la Bonne Nouvelle. Non vraiment, le Christ se proposera toujours à nous, sans jamais forcer personne, respectant toujours encore notre liberté et notre volonté. Alors question : que faisons-nous de notre liberté ? Sommes-nous prêts à tout soumettre à Jésus, nos projets, nos ambitions, notre travail, et lui laisser le soin de choisir ce qu’Il pense être le mieux pour nous ?

Frères et sœurs,

Aujourd’hui, c’est nous tous que le Christ envoie sur les chemins du monde, à tel enseigne que chacun de nous devrait pouvoir dire : je dois être le Christ sous les apparences du médecin, de l’enseignant, de l’homme politique, de l’ouvrier, de l’élève, de l’étudiant etc. Cependant, pour évangéliser, nous avons à être désencombrés de nous-mêmes et surtout respectueux des frères vers qui Dieu nous envoie, car, Dieu ne veut pas faire la rédemption du monde tout seul et sans nous.

Voulons-nous que la paix revienne dans notre pays ? Alors soyons le Christ, là où se joue la justice des hommes. Voulons-nous une jeunesse acquise aux valeurs morales de probité, alors parents, soyons le Christ là où se jouent leur éducation. Voulons-nous d’une économie dont les fruits participent au bien-être de tous et non d’un groupe de copains, alors soyons le Christ sous les apparences de ceux qui ont le pouvoir de décider et d’influencer positivement les programmes économiques.

Aujourd’hui plus qu’hier, l’évangélisation est un devoir pour tout chrétien et aucun chrétien digne de son baptême, n’a le droit d’échapper au dur mais combien magnifique devoir d’évangéliser. Sachons-le, Dieu a un message pour notre monde, pour notre pays, pour nos communautés, pour nos familles et c’est à chacun de nous, à la suite des disciples, qu’il appartient de le faire entendre.

Hier en prescrivant aux disciples de n’emporter ni pain, ni sac, ni argent, le Christ mettait en garde ses disciples contre la tentation de l’argent. Et cela vaut pour nous aujourd’hui. En effet, que ne ferait-on pour avoir de l’argent aujourd’hui ? Beaucoup parmi nous sont devenus des experts en fraude, en vol, en tricherie, en mensonge et tout cela pour quelle raison ? D’abord et avant tout, nous sommes invités à ne pas faire des biens matériels et de l’argent le centre de notre vie. Osons poser les bonnes questions : pourquoi réalise-t-on des films stupides et immoraux ? Pour abrutir et corrompre le monde ? Pourquoi vend-on des armes à nos états sous développés pour ne pas dire nos pays pauvres très endettés ? Quelle vraie motivation se trouve derrière certaines revendications ? Ayons le courage de le dire : le dieu argent !

C’est à nous tous, prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs du Christ, qu’il appartient de faire en sorte que nous revenions à des valeurs plus évangéliques ; c’est là notre responsabilité à tous !

Pour terminer, je me permets de reprendre les paroles du Directoire : ‘‘…l’Eglise sait que le don de Dieu exige une réponse généreuse et unanime : tout le peuple de Dieu doit inlassablement prier et travailler pour les vocations sacerdotales. Les candidats au sacerdoce doivent se préparer consciencieusement à recevoir et à vivre le don de Dieu, persuadés que l'Église et le monde ont un très grand besoin d'eux. Ils doivent se passionner pour le Christ Bon Pasteur, modeler leur cœur sur le sien et, à son image, être prêts à parcourir les routes du monde pour proclamer à tous le Christ Chemin, Vérité et Vie.’’

Qu’il en soit ainsi pour notre Eglise de Côte d’Ivoire, que je remets entre les mains de la Vierge, Notre Dame des Apôtres ! Que Marie, Notre Dame de la Paix intercède pour chacune de nos familles, pour notre pays ! Que Jésus, le Bon Pasteur nous prenne tous en grâce et nous bénisse, aujourd’hui, demain et dans les siècles sans fin !

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ
Archevêque métropolitain d’Abidjan