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Récollection des Prêtres de ce début de carême

Des Vicariats Paul Dacoury-TABLEY et Jean-Pierre KUTWA

Avec l’imposition des Cendres le Mercredi 02 Mars 2022, nous sommes entrés en Carême. Les prêtres, dispensateurs de la connaissance de Dieu et ministres des sacrements, ont eux aussi besoin en ce début de Carême de se ressourcer spirituellement pour avoir la force de mener à bien leur mission de guides spirituels et aider les fidèles laïcs à ne pas défaillir en chemin.

Ce jeudi 03 Mars 2022, tous les prêtres du diocèse se sont retrouvés pour une recollection en Vicariat :

-       Vicariat Mgr. Jean Baptiste BOIVIN au Centre de Spiritualité des PALOTINS à la cité concorde, PK 18

-       Vicariat Mgr. Paul Dacoury TABLEY au Centre Saint Jean-EUDES d’Abatta

-       Vicariat Jean-Pierre cardinal KUTWA au Sanctuaire Marial National à Abidjan

Et

Le doyenné Pascal Acafou GRAH à la maison de formation de la fraternité franciscaine d’Ebimpé

 

 Le Bureau de la Communication du diocèse a choisi de faire le reportage de la recollection des Vicariats Bernard Cardinal YAGO et Jean- Pierre KUTWA au  Sanctuaire Marial National d’Abidjan.

Dès 9 h 00, les premiers arrivés ont récité le chapelet en procession à la Statue de la Vierge Marie. A la suite, l’abri du pèlerin a servi de cadre pour l’enseignement, donné à par le Père Ambroise MANDAH, professeur à l’UCAO. Le thème de cet enseignement est : ‘’ 40 jours au début avec le Maître : un temple de ressourcement pour un ministère plus fidèles et mieux ajusté’’

 

Programme

-       09h – 9h45 : chapelet

-       10h – 11h : Enseignement

11h – 12h : Messe

Enseignement

40 jours au désert avec le Maître : un temps de ressourcement pour un ministère plus fidèle et mieux ajusté

Introduction 

« Il s’assit. Ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire » (Mt 5, 1-2)

C’est par ces mots que commence le sermon sur la montagne dans l’Evangile selon saint Matthieu au chapitre 5. Certes le contexte dans lequel Matthieu place cette phrase est différent du nôtre ce matin. Mais ces mots me semblent tout de même bien appropriés, pour introduire notre méditation ; dans la mesure où nous sommes ici, nous aussi, pour écouter le Maître nous instruire en vue de parvenir à une intimité plus forte avec lui en tant que chrétiens. Par ailleurs, la mise en parallèle des textes synoptiques qui rapportent la vocation et l’institution des 12 apôtres, le texte de Luc en particulier, suggère et autorise à penser que ces disciples qui, de la foule d’auditeurs réunis, approchent Jésus de plus près au début du Sermon sur la montagne, sont ceux que le Maître avait introduits dans son intimité quelque temps auparavant, ceux qu’il voulait, ceux qu’il a appelés chacun par son nom pour demeurer avec lui puis être envoyés pour annoncer la Bonne Nouvelle.  (Cf. Mt 10, 1-5, Mc 3, 13-19 et Lc 6, 12-16).

Nous sommes de cette race-là, nous aussi. Nous sommes de ceux qui ont été appelés par leur nom pour être aimés, formés et envoyés. A ce titre, nous pouvons considérer le type d’occasion qui nous réunit ici aujourd’hui comme un de ces moment d’intimité avec le Maître où il désire nous ouvrir son cœur pour en laisser sourdre des grâces propres à nous fortifier en vue du combat spirituel, en vue d’un meilleur engagement pastoral en tant que prêtres. Il s’agit pour chacun de mettre cette demi-journée à profit pour recharger ses accus, pour booster davantage son zèle, ce zèle peut-être un peu amorti par le temps et la routine, pour relancer son ardeur à servir le Seigneur en servant ses frères.

Bien sûr, ce ne sont pas mes pauvres mots humains qui arriveront à nous faire accéder à la communion recherchée avec le Maître ainsi qu’aux richesses spirituelles que nous pouvons emporter de cette rencontre. C’est la grâce de Dieu en premier, cette grâce qui, comme dit l’oraison, « prépare à recevoir ses grâces. » Ce sont également nos propres dispositions intérieures, notre propre désir de ressourcement, notre propre volonté d’aller à Dieu avec nos cœurs, nos charismes et nos personnes à offrir mais également avec nos fardeaux d’hommes et de pasteurs, nos appréhensions, nos projets, nos fragilités et nos déficits à lui présenter, simplement, étant entendu que notre Maître tient toujours sa grâce à la disposition de ceux qui lui ouvrent leur cœur.

Inutile dans ce contexte, de rappeler et de souligner l’importance qu’il y a à observer le silence extérieur au cours de cette demi-journée en vue d’une véritable rencontre intérieure avec le Seigneur Jésus-Christ. Inutile d’ajouter que cette rencontre dans l’intimité du cœur doit aboutir, si du moins ce n’est pas déjà fait, aboutir à l’issue de cette demi-journée, à des résolutions qui seront nos boussoles et nos garde-fou tout au long de ces 40 petits jours de carême et tout au long de notre vie ; puisque le carême est un entrainement pour la vie et que notre vie de chrétien, en tant que marche vers la résurrection avec le Seigneur, est pour ainsi dire, un carême permanent.

Quand mes deux ainés, les pères Henri NDIMON et Emmanuel ZABSONRE, responsables des deux vicariats épiscopaux Jean-Pierre KUTWA et Bernard YAGO m’ont fait l’honneur de conduire ce temps de partage sans me donner de consigne particulière sur le thème de la récollection, je ne suis pas allé chercher bien loin. J’ai simplement essayé de me référer au modèle, à la source biblique du Carême, à savoir les 40 jours de Jésus au désert et les activités qui ont meublé ce temps d’intimité avec le Père. Et à partir du texte de Matthieu qui rapporte l’événement, j’ai formulé le thème de la façon suivante : « 40 jours au désert avec le Maître : un temps de ressourcement pour un ministère plus fidèle et mieux ajusté »

Il s’est donc agi pour moi, tout simplement de lire le texte, d’essayer de le commenter, c’est-à-dire d’en faire ressortir les éléments qui me parlaient, les mots et expressions qui m’interpellaient. Et c’est le fruit de cette méditation que je souhaite partager avec vous afin de l’appliquer à notre vie en tant que chrétiens et tant que prêtres. Les confrères biblistes voudront bien excuser mon interprétation libre des textes de référence. Je ne me suis pas placé dans une perspective d’étude biblique comme on le fait à l’école mais dans celle d’une lecture cœur à cœur. Le texte est archi connu. Je vous propose tout de même de commencer par le lire. Une lecture ne sera pas de trop pour raviver dans notre esprit ce que nous savons déjà et peut-être mettre en relief, certains points importants. Par la suite, cette réflexion se fera en deux points :

  • Un commentaire du texte
  • Une application des tentations spécifique de Jésus à notre vie de prêtre.
  1. 1.      Commentaire de la parole de Dieu : Mt 4, 1-11

De ce passage, j’ai retenu quelques éléments autour desquels je souhaite concentrer notre méditation. Et je les partage en deux groupes : d’un côté le désert, la faim et les tentations qui entrent dans la sphère des épreuves ; de l’autre : la docilité à l’Esprit, le silence, la prière, le jeûne, la patience et l’endurance qui sont au contraire de l’ordre des moyens dont on peut user pour faire face à l’adversité et en triompher. Bien entendu, certaines de ces réalités sont, non pas mentionnées en toutes lettres dans le texte mais suggérées par le contexte.

Le désert, c’est le lieu mais aussi le temps de l’épreuve, c’est notre vie en tant que confrontée à ses fragilités, à ses limites. C’est le passage à vide où dépouillé de toutes les sécurités illusoires, de tous les artifices ronflants et livré à son néant, l’homme fait l’expérience du peu de chose qu’il est en réalité et est du coup appelé à s’abandonner aux soins, au soutien, aux mains, à la prise en charge d’un autre. Cet autre qui peut le prochain mais qui en dernière instance est Dieu lui-même.

La faim dans ce passage, c’est le symbole du manque, c’est-à-dire de toutes les formes de carence qui marquent nos vies, nous amoindrissent dans notre être-homme et nous empêchent de nous sentir pleinement comblés de ce que nous espérons pour être totalement heureux. La faim, c’est ce qui fait de l’homme un être-de-désir, d’un désir jamais pleinement satisfait. Elle se manifeste de mille et une façons et dans tous les secteurs de la vie humaine, depuis le matériel jusqu’au psychique et au spirituel.

Les faims humaines dans leur ensemble sont de nature à nous fragiliser quand elles ne sont pas assumées, maîtrisées ; à nous livrer comme des proies faciles au tentateur par la relativisation de nos convictions, par des constructions fallacieuses qui justifient relativisent ou excusent à l’avance, nos écarts. Inutile de nous étendre sur les tentations. Nous savons tous ce que c’est : l’envie de faire ce qu’on sait pertinemment interdit, ce qui est objectivement mal et reconnu comme tel par toutes les personnes normales.  

La docilité à l’Esprit, permet, dans le quotidien de la vie et notamment quand se présentent les épreuves, d’éviter les pièges, d’éviter les écueils pour aller droit son chemin, conduit par la main de Dieu. Le silence quant à lui, permet de se retrouver avec soi-même, intimement, pour s’écouter et se découvrir soi-même ; pour entendre toutes les voix qui sollicitent l’homme : celle de Dieu et celles du monde ; pour détecter ses vieux démons qui tirent vers le bas. Il permet de repérer de quel côté provient leur voix, de percevoir par quel bout il nous accroche et donc de préparer l’esquive avec la grâce que Dieu donne.

Jésus a dû faire cet exercice au début et tout au long de son ministère pendant les longues nuits de veille, les longs moments de prière et de colloque avec son Père. C’est ce qui le rendait si fort en tant qu’humain, si fort pour braver et vaincre le mal sous toutes ses formes. Nous ne pouvons pas faire l’économie de cet exercice qui s’impose à nous pour nous connaître nous-mêmes afin de mieux maîtriser nos petits côtés pour que nos qualités libérées profitent davantage à notre mission.

La prière va de pair avec le silence. Nos silences ne peuvent être peuplés de Dieu que s’ils sont irrigués par ce flux spirituel qui nous met en contact avec le divin. Autrement, ils peuvent rapidement tourner à l’ennui, à l’oisiveté qui comme chacun sait, est la mère de tous les vices. Si le silence n’est pas habité par Dieu, il le sera forcément par le monde. L’esprit alors vagabonde et nous emmène très loin de nous-mêmes, très loin de ce que nous sommes, de ce que nous devrions être pour nous faire concevoir et enfanter le mal.

Nos prières, nos méditations, nos exercices spirituels se limitent malheureusement trop souvent au formel, à un formel amorphe et sans vie, quand il nous arrive de les faire. Nous avons toujours des excuses : la pastorale, le monde à recevoir jusque tard dans la nuit, les homélies et autres interventions qu’il faut parfois veiller pour écrire, les mille et une choses qui font le menu de la vie trépidante du prêtre et le détail de son programme quotidien jamais maîtrisable et jamais maîtrisé. Nos prières, quand nous les faisons, se limitent à liturgie des heures ; à un office des lectures simplement lu et lu à la hâte ; à des laudes rapidement expédiées au pas de course : le zèle pastoral nous bouscule, la journée doit commencer sans tarder ; elle se terminera certainement sans vêpres, tellement il y a d’occupations à gérer, des occupations qui nous mangent et nous absorbent littéralement. La prière du milieu du jour ? les complies ? On ne sait même plus où cela se trouve dans le bréviaire. Et pourtant c’est nous qui enseignons que même avec les meilleures intentions, l’activité sans le soutien de la prière se mue vite en un activisme creux. On peut se demande si nous y croyons nous-mêmes… 

Le jeûne, c’est la faim assumée, la faim acceptée et vécue comme un lieu de ressourcement où l’on s’aguerrit, où l’on se fortifie, où l’on acquiert une plus grande maîtrise de soi pour considérer à leur juste valeur les choses de la vie et relativiser ce qui en général fait courir le monde. Il est évident qu’on souffre moins du manque qu’on accepte que de celui qu’on n’accepte pas. Si je considère que le dernier IPhone en date est pour moi une nécessité vitale, ne pas le posséder sera forcément pour moi un grand problème. Si je le considère comme un téléphone au même titre que les autres, alors je n’envierai pas, je ne jalouserai pas mon frère qui l’a. Mon djomolo me suffira largement.

Est-ce que nous assumons notre état non pas de misère mais de pauvreté, de pauvreté librement choisie ? Est-ce que nous nous sommes habitués à jeûner de toutes ces choses encombrantes, ces choses absorbantes qui pourrissent la vie aux hommes de notre société de consommation ? Juste une question… En tout état de cause, il nous faut de la patience, de la persévérance, de l’endurance. Il nous faut apprendre à gérer nos manques sans les regarder comme des catastrophes. Il y a plus important dans la vie, c’est notre intimité avec le Seigneur et la poursuite de sa mission. Et tout cela, nous pouvons l’apprendre à l’école de Jésus et l’acquérir dans l’intimité avec lui à travers le parcours des 40 jours au désert.

Quand je lis les textes qui rapportent cette séquence de la vie de NSJC, notamment chez Matthieu et Luc qui donnent un peu plus de détails que Marc (Mt 4, 1-11, Lc 4, 1-13 // Mc 1, 12-13) je les vois, je les conçois comme un résumé de notre vie, un condensé symbolique de notre parcours terrestre, du baptême à l’entrée bienheureuse dans l’éternité promise. Le texte commence en effet immédiatement après le baptême (Mt 3, 13-17) ; ce baptême où Jésus vient d’être déclaré Fils bien aimé du Père. Et il finit (le texte) par cette mention énigmatique : « des anges s’approchèrent et ils le servaient. » Tout se déroule donc entre ces deux pôles : entre l’élection ou plutôt la révélation en tant que Fils de Dieu et le service des anges (qui n’a lieu qu’au ciel). Entre ces deux pôles, Jésus est livré au monde et surtout à ses épreuves. Il doit les affronter et se déterminer à rester Fils de Dieu, c’est-à-dire à garder la fidélité au Père coûte que coûte ou se tracer une voie propre qui risque à tous les coups d’être jonchées de concessions de bas-étage, de compromis difficilement conciliables avec ses engagements fondamentaux relatifs à sa vocation, de compromissions avec un monde dont on sait que les desseins divergent absolument de ceux de Dieu.

Pour la circonstance, prenons notre situation à nous notre à partir de l’ordination, pour la rapprocher de celle du Seigneur et la mettre en parallèle avec celle-ci. Nous sommes livrés au monde nous aussi à partir de cet engagement qui nous configure au Christ médiateur ; cet engagement qui aux yeux du monde, nous identifie à lui. Notre ministère peut être appréhendé comme un combat aux côtés du Maître, pour faire reculer au fil du temps, le royaume des ténèbres en vue d’instaurer celui de la Lumière. Il va de soi, dans cette perspective, que les compromis et compromissions, les concessions, les positions de oui et non à la fois, les situations biaisées, toutes ces choses que Jésus a vaincues au cours de son séjour au désert, ne peuvent ni nous servir ni nous aider à réussir la mission. C’est en prenant Jésus pour guide et pour modèle que nous ne serons pas des poids morts dans l’équipe qu’il a mise en place mais des agents capables, avec la grâce que Dieu donne, d’apporter leur pierre à l’édification du royaume.

Or, comment Jésus a-t-il résisté aux attraits du monde ? Comment a-t-il vaincu les tentations ? Que dit notre texte à ce sujet ? D’abord, le texte dit qu’il n’a pas fui l’épreuve ici représentée par le désert. Il l’a affrontée et s’est aguerri à son contact. Ensuite, le texte nous suggère que s’il est sorti victorieux de cette confrontation, c’est pour avoir été docile à l’Esprit. Enfin le texte nous laisse deviner toute la patience et l’endurance que Jésus a dû s’imposer 40 jours durant. On imagine aisément que personne ne lui mettait la pression pour rester en ces lieux inhospitaliers pour souffrir inutilement, en apparence du moins. En dehors de sa volonté de se retrouver avec lui-même pour se connaître et opérer ses choix fondamentaux dans un cœur à cœur avec le Père, personne ne l’avait contraint à aller au désert et personne ne le contraignait à y rester. Mais quand on veut quelque chose, on en prend les moyens et c’est ce qu’il a fait. Prendre les moyens, c’est accepter les conditions, c’est endurer les aspérités qui s’imposent. Quand on veut atteindre un but on s’impose le temps nécessaire. Et qui parle de temps, parle de patience et de persévérance. 

Quelle que soit la version considérée, il est dit que Jésus a été conduit au désert par l’Esprit, pour y être tenté, c’est-à-dire pour faire face à son destin, sans biaiser, sans faux-fuyant ; pour faire face à l’adversité ambiante qui oblige l’homme à faire des choix de vie, des choix dans la vie, entre les solutions de facilité et l’endurance qui fortifie et humanise davantage. On ne peut pas toujours esquiver l’épreuve. On ne peut pas toujours choisir de la fuir. On ne peut pas ; simplement parce que la vie ne nous en donne pas toujours l’occasion ni le choix. Un jour ou l’autre, il faut l’affronter. On ne peut pas toujours se fuir soi-même, se donner l’illusion d’être fort sans s’être confronté à la réalité. Le champion qui n’affronte jamais d’adversaire pour évaluer sa résistance et se mettre à niveau ne fera pas le poids le jour où le combat s’imposera à lui. Il faut passer par-là, perdre la face dans le pire des cas mais se fortifier et tirer des leçons de vie, des leçons pour la vie.

Nous, c’est l’Esprit qui est notre force. C’est lui qui nous fait triompher. Comme dit le psaume : « Avec Dieu nous ferons des prouesses et lui piétinera nos adversaires. » (Ps 60, 12) Ce serait folie et pur orgueil que d’aller à l’affrontement avec les forces du mal en ne comptant que sur nos propres capacités de résistance ou de résilience. Cela va de soi. A Paul il a été dit : «ma grâce te suffit. Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » (2Co 12, 9) Et nous pouvons prendre cette parole pour nous aussi dans la mesure où comme Jésus, comme Paul, nous nous laissons conduire par l’Esprit.  

  1. 2.      Les trois tentations de Jésus dans la vie du prêtre

Le texte de Matthieu qui nous sert de référence nous dit que Jésus a été tenté trois fois. La première fois, le tentateur s’est adressé à lui en ces termes : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à ces pierres de devenir des pains. »

C’est la tentation de la facilité, des chemins de traverse pour sa satisfaction personnelle : on ne veut s’imposer aucune restriction, encore moins souffrir d’un quelconque manque. On veut tout avoir et tout de suite. C’est le mal de notre siècle : droit à tout, tout de suite ; devoir de rien, jamais. Et malheureusement ces choses se retrouvent aussi dans nos rangs :

-          Untel est nommé dans une paroisse cossue ? On voit derrière du favoritisme, des pratiques obscures du genre : lourdes enveloppes, cartons de vins, de champagne et de liqueurs, menus cadeaux généreusement offerts aux vicaires généraux et autres membres influents de la curie qui ont le pouvoir de bien placer leurs clients ou de peser lourd sur les décisions. Si nous en sommes là, à ces pratiques moyenâgeuses, alors, nous sommes tombés bien bas, nous sommes perdus, égarés, nageant dans la pure simonie.

-          Untel a une belle voiture, un nouveau portable dernier cri, un bien quelconque qui tape à l’œil ? on veut aussi les avoir, non pas par nécessité mais par convoitise, désir malsain. On l’envie, on le jalouse. Du coup, on n’aime plus les nôtres qui nous rendent pourtant les mêmes services. On leur trouve tous les défauts.

-          Untel a de bonnes relations ? On est prêt, si l’occasion se présente à tout mélanger, à défaut de pouvoir lui prendre sa place, par les propos faussement innocents, de petits paroles assassines bien ajustées quand ce n’est pas carrément une campagne de dénigrement en règle.

-          Untel réussit bien son ministère pastoral ? On trouvera toujours à redire au lieu de chercher à apprendre de lui pour en faire autant sinon mieux.

Bref, chemin de traverse, chemin de facilité. Tout avoir, tout de suite et sans effort : nous versons dans ce travers bien trop souvent, d’une façon ou d’une autre et c’est vraiment dommage.

Quand j’étais jeune prêtre, un aîné reprochait à ma génération cette course effrénée à la possession, à l’accumulation de bien dans un esprit de concurrence avec les plus anciens. C’est vrai, il avait raison. Cet esprit est absolument nocif : nocif à l’équilibre personnel, nocif à l’ambiance de la communauté, nocif au ministère pour lequel nous avons été institués, nocif au témoignage de vie à rendre à la face du monde et des fidèles qui nous regardent vivre, ces fidèles que nous devons édifier par notre vie. Mais ce n’est pas une question de jeunesse. On peut aussi vieillir dans le mal. Moi qui suis aujourd’hui un vieux père, je peux vous l’assurer. Nous sommes tous logés à la même enseigne ; ou pour parler comme Mgr Boniface ZIRI, ce que je dis là, ne concerne pas pour prêtres d’ici, mais ceux d’un pays lointain, lointain, lointain dont je ne connais même pas le nom.

Nous savons ce que saint Jacques dit à ce sujet : « D’où viennent les guerres, d’où viennent toutes ces batailles entre vous ? N’est-ce pas précisément de vos passions qui guerroient dans vos membres ? Vous convoitez et n’arrivez pas à posséder, alors vous tuez. Vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à obtenir. Alors, vous bataillez et vous faites la guerre. » (Jc 4, 1-2)

Les prêtres que nous sommes n’irons pas jusqu’à tuer par convoitise. Je ne crois pas – encore que, je ne sais pas. Cela, dit-on, se passe ailleurs dans ce pays lointain dont je ne connais pas le nom – Ce dont je suis sûr par contre, c’est que le choix de la facilité ouvre sur de nombreux autres maux qui nuisent fortement à l’intégrité de la mission. Pour n’en rester qu’à quelques-uns, citons par exemple la malhonnêteté, l’opacité dans la gestion des biens qui nous sont confiés pour l’ensemble de la communauté paroissiale, la calomnie…

Pour la deuxième tentation, le texte dit ceci : « Le diable le place au sommet du temple et lui dit : si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : il donnera pour toi des ordre à ses anges et ils te porteront sur leurs mains pour t’éviter de heurter du pied, une quelconque pierre. »

Ici, c’est la tentation du paraître. Il faut qu’on montre qu’on est là, il faut qu’on en jette. Peu importe que toute cette agitation soit inutile, peu importe qu’il n’y ait aucun contenu, peu importe que la brillance extérieure repose sur du vent ou un gouffre insondable de dettes. L’important c’est de paraître, de sorte à attirer le regard des gens, à susciter leur admiration, à exciter leur envie ; de sorte à devenir le sujet de leur conversation. La vie à la Douk Saga quoi ! Avec le parfum qui traîne derrière jusqu’à un kilomètre et embaume les lieux visités une heure après le passage de celui qui le porte. On dit : « Qui va se négliger ? » Et on se justifie : « Il vaut mieux faire envie que pitié. »

C’est fou ce que nous nous sommes laissés contaminer par le monde et le courant évangélique en ce domaine, depuis la tenue vestimentaire jusqu’au style de prédication en passant par les gadgets, les fréquentations, les maisons hors de prix que nous nous construisons à grands frais, les menus de nos tables, la qualité de nos vins, etc... On ne reconnaît plus en nous voyant vivre, le prêtre pauvre imitateur du Christ pauvre qui n’avait pas pierre ou reposer la tête. Vatican II nous a autorisés à laisser la soutane pour être dans le peuple. Aujourd’hui, notre style nous place au-dessus du peuple, parmi les élites. Cela a commencé par les bergers aux cortèges impressionnants et au protocole digne des ministres de la république ; ces bergers et autres modérateurs toujours en costards, sapés comme les pasteurs évangéliques, comme les Alph LUKAU, Raoul WAFO et autres Marcello TUNASI. Et tout en les critiquant, en fustigeant leur mégalomanie, nous les avons peu à peu rejoints, insensiblement. On n’a jamais vu des prêtres faire autant attention à leur profil, à leur étiquette que nous aujourd’hui.

Est-ce l’influence des réseaux sociaux qui nous servent à longueur de journée les modèles exhibitionnistes des Eudoxie YAO, des MAKOSSO et autres Gédéon de la TCHETCHOUVA ? Est la libération de nos propres rêves de grandeur jusque-là contenues ? Rappelons-nous, notre Maître a toujours été discret. Rien de démonstratif. Au contraire, il a toujours fui tout ce qui pouvait le mettre en exergue, tout ce qui pouvait mettre en lumière sa gloire avant l’heure et fait taire les démons qui voulaient révéler son identité de Fils de Dieu. Ici, dans ce passage, nous le voyons fidèle à cette option. Ce qu’il répond au démon tentateur, c’est littéralement ceci : « Je ne veux rien me prouver à moi-même ni rien faire pour inaugurer mon ministère par une entrée tonitruante dans la vie publique. » Bien sûr, en faisant ce choix, Jésus aurait impressionné ses contemporains. Il se les serait attachés peut-être à moindre frais. Mais ce n’est pas à son message qu’ils se seraient attachés ni à sa personne. Ce serait au merveilleux qui est en lui. Il a donc choisi d’aller au plus difficile. Nous ferions tous bien d’en faire autant. Chercher à être efficaces et à attirer par le travail et non par un creux paraître.

La troisième tentation : le texte dit : « Le diable l’emmène sur une très haute montagne, lui fait voir tous les royaumes de la terre et leur gloire et lui dit : tout cela je te le donnerai si tu te prosternes devant moi pour m’adorer. »

La tentation du pouvoir, de la gloire, de la puissance, de la richesse matérielle. Ce sont là les aspirations qui font courir le monde, qui sont à l’origine de tous les coups bas, de tous les envoûtements, de toutes les tueries. Quand elles s’introduisent chez nous, c’est la catastrophe.

Le pouvoir chez nous ou mieux l’autorité, rime avec le service. Quand un prêtre quel que soient sa position et son grade – vicaire aumônier, curé, vicaire épiscopal ou général, évêque… - perd de vue cette exigence fondamentale du ministère, il devient forcément un monstre froid, sans sentiment, sans retenue et sans limite. Et cela nous arrive malheureusement, suivez mon regard… suivez-le vers ce pays lointain dont je ne connais ni le nom ni la situation géographique. Tout paraît bon à un tel prêtre pour parvenir à ses fins, parce que le prêtre mauvais, le prêtre méchant est pire que le laïc mauvais. C’est alors la porte ouverte à la brimade, à l’oppression des faibles, confrères ou laïcs ; la porte ouverte à l’adhésion aux sociétés occultes, ces sociétés où comme chacun sait, on piétine la croix en signe de négation de la foi du Christ.

Il paraît qu’il y a des prêtres et même des évêques qui vont se perdre dans ces repaires du diable. Qu’est ce qui peut les y amener sinon la soif du pouvoir, la soif de puissance ? On se demande à quoi tout cela peut bien servir quand on est prêtre ! Nous les prêtres, devrions inspirer le respect, pas la peur, la terreur encore moins. Mais parfois, à voir les relations curés-vicaires, vicaires économes-curés, évêques-prêtres, prêtres-laïcs, à voir comment des blancs-becs traitent des vieillards qui ont l’âge de leurs grands-parents, on reste songeur, on se pose des questions de fond.

Et une fois que la puissance est là, le pouvoir est là, l’argent est là, il ne reste qu’une chose pour que le tableau soit complet : les plaisirs mondains : le sexe, le luxe, les plaisirs de la table, des yeux, des oreilles et tout le reste de ces choses qui souvent ne confessent pas le nom de Dieu.

Au début de l’aventure des vicaires économes, on racontait que deux jeunes confrères étaient connus pour être des habitués de la rue princesse : ils casquaient pour offrir du champagne à volonté à tout venant. Ils travaillaient sur les danseuses des bars. Ils étaient les boss, les véritables babatchè des lieux. Et le comble, c’est que tous les deux étaient de puissants vicaires économes ! troublante coïncidence, n’est-ce pas ? D’autres dit-on, allaient plutôt se rincer les yeux en zone 4 dans ces bars où les serveuses travaillent nues.

Qu’est ce qui peut emmener des prêtres dans ces endroits sinon l’oubli, la perte de la conscience de leur identité et l’excès de richesses mal acquises ? Mes frères, nous sommes des prêtres. Que nous soyons pécheurs, cela se comprend dans la mesure où nous ne sommes que des hommes. Mais nous ne devons pas être des traitres à la cause du Christ. Or, malheureusement, certains de nos choix et de nos actes sont en telle contradiction avec notre vocation qu’ils nous placent dans la position de véritables Judas. Il faut y penser et y penser à temps pour ne pas porter la responsabilité de devenir un écran entre le Seigneur et son peuple.

Conclusion :

J’arrive ici à la fin du partage que j’avais à faire avec vous. Le carême est l’occasion qui nous est offerte de nous regarder dans le miroir de l’Evangile tout entier, dans le miroir de ce texte des tentations de Jésus qui est, je l’ai dit, un condensé de notre parcours en tant que pasteurs. Nous avons des choix quotidiens à faire. Il faut que nous les fassions toujours en ayant à l’esprit que nous avons été appelés et configurés au Christ, en ayant à l’esprit que nous avons une identité que nous devons tenir et manifester coûte que coûte. Les chutes peuvent arriver ; les faiblesses, limites et fragilités, on les connaît, on les gère du mieux possible entre échecs et réussites. Nous ne serions plus des hommes si nous n’en avions pas. Mais dociles à l’Esprit, nous sommes sûrs de tenir le cap et de vaincre avec le Christ pour être un jour servi par les anges à la table de son royaume. Que Dieu nous y aide.

 

HOMELIE 

La première lecture de ce jour nous ramène au désert, à l’origine de la constitution du peuple d’Israël. Après la traversée de la Mer Rouge, le temps est venu pour le peuple de faire un choix qui l’engage et détermine son avenir :

-          Etre avec le Dieu qui l’a libéré, demeurer son peuple.

-          Choisir un autre chemin.

Moïse, le porte-parole de Dieu met devant le peuple, la charte d’alliance et l’instruit sans complaisance des avantages et des inconvénients de chacune des alternatives :

-          Etre avec le Dieu libérateur, c’est la vie assurée

-          Choisir un autre chemin, c’est la mort assurée

La liberté, ce n’est pas le pouvoir de faire tout et n’importe quoi ; C’est la capacité de se déterminer pour des choix constructifs. En l’occurrence, c’est prendre l’option de vivre à l’ombre du Seigneur, dans l’intimité de Dieu. Il faut se méfier des choix qui offrent une trop grande liberté et un bonheur facile et rapide.

« Choisis donc la vie, dit le texte, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui. C’est là que se trouve ta vie. »

En ce qui nous concerne, le choix est déjà fait. Il s’agit à présent d’en tirer les conséquences et d’en vivre toutes les implications. Choisir la liberté, une liberté dégagée de toute contrainte, peut paraître alléchant au départ. Mais gare à la fin !

Avec le Seigneur, les chemins de nos vies sont rarement pavés d’or. Cela peut même être franchement dur parfois. Et Jésus ne l’a jamais caché à ceux qui choisissent de le suivre. Il ne l’a caché ni par l’exemple de ses propres souffrances ni dans son enseignement : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive… »

Exit les théologies de la prospérité, exit l’évangile sans croix ni sacrifice. La vie qui n’accepte pas de passer par là, la vie qui n’accepte pas d’intégrer cette dimension, s’exclut aussi de l’héritage de l’éternité bienheureuse : « Car celui veut sa vie la perdra mais qui perd sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvegardera. »

Rions donc le Seigneur. Que nous comprenions et intégrons ceci une bonne fois : quelles que soient les épreuves de la vie, c’est près de lui que se trouve le véritable bonheur ; Que jamais nous ne cherchions le nôtre ailleurs, là où Dieu n’est pas mais toujours à son ombre quel qu’en soit le prix.

A lui la gloire pour l’éternité.