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JOURNEE DE SANCTIFICATION AU VICARIAT BERNARD CARDINAL YAGO

Chaque année, lundi saint, les prêtres de l’Archidiocèse d’Abidjan se retrouvent pour la journée de sanctification. Le vicariat Bernard cardinal YAGO, composé des doyennés Père Nicolas OBO, Père Macaire DANHO, Père Bernard GOUEL et du Père Raymond HALTER, a choisi le SEAMEN’S club au port d’Abidjan pour sa journée de sanctification qui s’est achevée par des agapès.

Le programme de la journée est le suivant :

8h30 : Arrivée – Installation

9h : Chapelet

10h : Enseignement

11h : Méditation – Confession

12h : Messe

13h : Déjeuner – sport

 

La récitation du chapelet a été dirigé le père Alain ATTHO, vicaire à la paroisse Notre Dame du Perpétuel Secours de Treichville.

Le père Alexandre KOUASSI, professeur de droit canon au grand séminaire d’Anyama a donné un bel enseignement axé sur le modèle du saint curé d’Ars : Saint Jean-Marie VIANNEY.

Après le temps de méditation et de confessions individuels, la messe, présidée par Monseigneur Pierre Claver Yesssh et prêchée par le père conférencier a clôturée la partie spirituelle de la journée.

Pour la suite, c’est le préau du SEAMEM’S club qui a accueilli les prêtres pour un repas fraternel. Le père Jean Stanislas AKPOSSAN, participant, fêtait son anniversaire de naissance ; il a reçu les félicitations de la part de ses confrères.

L’on a également prié pour Monseigneur Jean – Pascal Thaddée Séka SEKA qui fêtait lui aussi son anniversaire de naissance.

Père Jean-Baptiste DIAHOU

 

Père Alexandre Kouassi                                                                         Lundi 11 Avril 2022

   Professeur de Droit canonique

Grand Séminaire St Cœur de Marie

                     Anyama

 

Lundi de la Semaine Sainte

 « La maison fut rempli de l’odeur du parfum… »

Ce geste de Marie, sœur de Lazare, versant un parfum de grand prix sur les pieds de Jésus, est un des passages les plus émouvants de l’Evangile… L’onction de Béthanie, en ce début de la Semaine sainte, est comme un geste prophétique de la mort et de l’ensevelissement de Jésus. Mais quel contraste entre le jugement de l’apôtre Judas et celui de Jésus !

Le geste de Marie est pour Judas un geste absurde et condamnable. Ce parfum avait une grande valeur. On aurait pu le vendre trois cents pièces d’argent que l’on aurait données aux pauvres. Quelle hypocrisie de la part de Judas ! c’était un voleur nous dit le texte. Tenant la bourse des pauvres, il gardait tout pour lui.

Hélas ! A notre époque, certains chrétiens, et même certains clercs, ne tiennent-ils pas le même raisonnement quand on décore une église par des vitraux, des statues de valeur ou que l’on achète de riches ornements pour les cérémonies liturgiques ou même encore des objets nécessaires pour le bon fonctionnement de nos communautés ? A côté de ceux-là, il y a aussi ceux qui comme Judas tiennent la bourse de la paroisse, curés ou vicaires, qui gardent souvent pour eux seuls ce qui serait ou pourrait être destiné à la communauté. Oui trop souvent certains parmi nous ont la main trop fermée, manifestant un égoïsme incompréhensible, mangeant tout seul au point même de s’étouffer et ils ne s’en rendent pas compte. À côté des premiers dont nous parlions, l’expérience pourtant prouve que Dieu rend largement pour les pauvres les dépenses faites en son honneur. Le saint curé d’Ars si pauvre trouvait que rien n’était trop beau pour Dieu.

Face au geste généreux de Marie, Jésus quant à lui, non seulement l’accepte, mais il proclame qu’elle a accompli une œuvre pieuse à son égard en vue de sa mort prochaine et de son ensevelissement. Car, pour les Juifs, c’était une œuvre charitable de faire la toilette des morts et d’embaumer leurs corps. Bien plus, selon les évangélistes Mathieu et Marc qui rappelle eux aussi l’onction de Béthanie, Jésus ajouta : « Partout où sera proclamé l’Evangile, dans le monde entier, on rappellera le geste de cette femme en mémoire d’elle ». C’est sans doute ce qu’a voulu signifier saint Jean lorsqu’il dit : « L’odeur du parfum remplit la maison… » Oui, depuis plus de deux mille ans, le souvenir de ce parfum continue à embaumer l’Eglise. Et aussi le souvenir de Marie.

Chers confrères, pendant cette Semaine Sainte, multiplions les actes d’amour envers Jésus, en vivant au mieux les cérémonies liturgiques que nous célébrerons, en allant passer quelques moments avec Lui au pied du tabernacle et surtout en le recevant saintement dans nos cœurs. Avec cette certitude que des plus humbles gestes d’amour se dégage un parfum qui remplit l’Eglise et le monde !

 

JOURNEE DU SACERDOCE

Vicariat Episcopal Bernard Cardinal YAGO

THÈME : « Avec saint Jean-Marie Vianney, sanctifions-nous dans le sacerdoce du Christ ». 

INTRODUCTION

Mgr Pierre-Claver YESSOH N’GUESSAN, Vicaire Général de l’Archidiocèse d’Abidjan,

Révérend Père Emmanuel Zambsonré, Vicaire épiscopal et archiprêtre du Vicariat Episcopal Bernard Cardinal YAGO,

Révérend Père Emmanuel KONAN, Curé de la paroisse saint Antoine du Port,

Chers aînés dans le sacerdoce, chers confrères,

C’est toujours avec un honneur mêlé à une grande anxiété que l’on accepte toujours d’animer une retraite spirituelle, une récollection qui regroupe des ecclésiastiques. La première raison est relative au sentiment que nous avons déjà fait le tour de presque toutes les questions spirituelles, et en second lieu, l’activisme qui anime nos vies de clercs et qui nous empêche d’être parfois attentifs à nous-mêmes.

Une retraite spirituelle, une journée de récollection devrait plutôt être un moment de repos en tous les sens :

-          Repos spirituel pour faire le bilan du chemin parcouru avec le Christ dans son Église qui chemine dans le monde,

-          Repos physique pour récupérer de toute la pastorale accomplie jusque-là, en mettant une fin, un tant soi peu, à toutes activités.

Révérends pères cette journée que nous offre aujourd’hui l’Eglise n’est pas tant d’apprendre des choses nouvelles, mais de méditer sur la teneur de notre engagement sacerdotal. Il s’agit de revisiter l’appel de Dieu à notre égard, l’actualité de notre réponse qui doit alors entrer dans la perpétuité de la fidélité au Christ.

La Semaine Sainte ouverte avec le dimanche des Rameaux et de la Passion nous donnera de vivre au début du Triduum pascal le Jeudi Saint, jour où le Christ Jésus institua l’Eucharistie ainsi que le sacerdoce ministériel.

Chaque année, ce Jour est grand pour tous les chrétiens mais surtout spécial pour nous, prêtres. C’est la fête des prêtres. C’est le jour où naît notre sacerdoce, qui est participation à l’unique Sacerdoce du Christ Médiateur. Nous sommes chacun, invités ce jour à concélébrer l’Eucharistie avec notre évêque et à renouveler autour de lui et avec lui les promesses de nos engagements sacerdotaux au service du Christ et de son Église. À la suite des premiers disciples, nous venons communier au Corps et au Sang du Christ dans la liturgie du soir qui renouvelle la Cène. Enfin, nous recevons du Sauveur le testament de l’amour fraternel qui devra inspirer toute notre vie, et commencer à veiller avec lui pour nous unir à sa Passion.

Ce sacerdoce ministériel est aussi notre vocation et une grâce pour nous. Il marque toute notre vie du sceau du service le plus nécessaire et le plus exigeant qui soit, le salut des âmes. Nous y sommes entraînés par une multitude d’aînés, entre autres, le saint curé d’Ars qui demeure très présent à la mémoire de l’Eglise.

C’est pourquoi chers pères, je souhaiterai que nous méditions ce matin sur un thème qui nous ramène à l’essence même de notre ministère, de notre vie de prêtre, en nous appuyant sur la vie de notre saint patron, le saint curé d’Ars : « Avec saint Jean-Marie Vianney, sanctifions-nous dans le sacerdoce du Christ ».

Il s’agira pour nous de réfléchir à partir de la vie du saint curé d’Ars, afin de voir quel renouveau nous pouvons opérer dans notre vie de prêtre. Notre vie reflète-t-elle davantage le visage du Christ ?

Notre méditation tournera autour de deux axes majeurs :

- Nous parlerons d’abord de la figure de saint Jean-Marie Vianney qui est une figure hors pair pour nous dans le sacerdoce.

- Dans un deuxième temps, nous proposerons quelques pistes pouvant conduire à une identité du prêtre permettant de vivre le ministère spécifique du prêtre et sa solidarité avec les pécheurs.

 

 

 

  1. La figure du Curé d’Ars.

1.1.            Saint Jean Marie Vianney, exemple hors pair

Nous remercions tous le Christ, le Prince des Pasteurs, pour ce modèle extraordinaire de vie et de service sacerdotal que le saint Curé d’Ars présente à toute l’Église et, avant tout, à nous, les prêtres.

Combien d’entre nous se sont préparés au sacerdoce, ou exercent aujourd’hui leur difficile charge de curé, de prêtre, en ayant sous les yeux la figure de saint Jean-Marie Vianney ! Son exemple ne saurait tomber dans l’oubli. Par sa vie et par son action, il a constitué, pour la société de son temps, comme un grand défi évangélique qui a porté des fruits étonnants de conversion.

Je voudrais aujourd’hui nous inviter à méditer sur notre sacerdoce devant ce pasteur qui a illustré à la fois l’accomplissement plénier du ministère sacerdotal et la sainteté du ministre.

Vous savez que Jean-Marie Baptiste Vianney est mort à Ars le 4 août 1859, après une quarantaine d’années de dévouement épuisant. Il avait soixante-treize ans. À son arrivée, Ars était un petit village obscur du diocèse de Lyon, aujourd’hui de Belley. À la fin de sa vie, on y accourait de toute la France, et sa réputation de sainteté, après son rappel à Dieu, a vite attiré l’attention de l’Église universelle. Saint Pie X le béatifia en 1905, Pie XI le canonisa en 1925, puis, en 1929, le déclara saint patron des curés du monde entier. Lors du centenaire de sa mort, Jean XXIII écrivit l’encyclique Sacerdotii nostri primordia pour présenter le Curé d’Ars comme modèle de vie et d’ascèse sacerdotales, modèle de piété et de culte eucharistique, modèle de zèle pastoral, et cela dans le contexte des besoins de notre temps. Ici, je voudrais seulement attirer notre attention sur quelques aspects essentiels, afin de nous aider à mieux redécouvrir et à mieux vivre notre sacerdoce sur les traces de ce dernier.

1.2.            Sa volonté tenace de se préparer au sacerdoce

Le Curé d’Ars est d’abord un modèle de volonté pour ceux qui se préparent au sacerdoce. Bien des épreuves successives auraient pu le décourager : les effets de la tourmente révolutionnaire, le manque d’instruction de son milieu rural, la réticence de son père, la nécessité de prendre sa part du travail des champs, les aléas du service militaire, et surtout, malgré son intelligence intuitive et sa vive sensibilité, sa grande difficulté à apprendre et à mémoriser, et donc à suivre les cours de théologie au Séminaire de Lyon. L’authenticité de sa vocation étant cependant reconnue, à 29 ans il put être ordonné. Par sa ténacité à travailler et à prier, il triompha de toutes les obstacles ou limites, comme plus tard, dans sa vie sacerdotale, pour préparer laborieusement ses sermons ou poursuivre le soir la lecture d’ouvrages de théologiens et d’auteurs spirituels. Il était animé depuis son jeune âge par un grand désir de "gagner des âmes pour le bon Dieu" en étant prêtre, et il était soutenu par la confiance du curé voisin d’Écully qui, ne doutant pas de sa vocation, prit en charge une bonne partie de sa préparation. Quel exemple de courage pour ceux qui, aujourd’hui, connaissent la grâce d’être appelés au sacerdoce !

1.3.            La profondeur de son amour du Christ et de son amour des âmes

Le Curé d’Ars est un modèle de zèle sacerdotal pour tous les pasteurs. Le secret de sa générosité se trouve sans aucun doute dans son amour de Dieu, vécu sans mesure, en constante réponse à l’amour manifesté dans le Christ crucifié. Il fonde là son désir de tout faire pour sauver les âmes rachetées par le Christ à un si grand prix, et les ramener à l’amour de Dieu. Retenons une de ces phrases lapidaires dont il avait le secret : « Le sacerdoce, c’est l’amour du Cœur de Jésus ». Il revenait toujours dans ses sermons et ses catéchismes à cet amour : « O mon Dieu, j’aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer . . . Je vous aime, ô mon divin Sauveur, parce que, vous avez été crucifié pour moi . . . parce que vous me tenez crucifié pour vous ».

À cause du Christ, il cherche à se conformer, à la lettre, aux exigences radicales que Jésus propose dans l’Évangile aux disciples qu’il envoie en mission : prière, pauvreté, humilité, renoncement à soi-même, pénitence volontaire. Et, comme le Christ, il éprouve pour ses ouailles un amour qui le conduit à un extrême dévouement pastoral et au sacrifice de lui-même. Rarement un pasteur a été à ce point conscient de ses responsabilités, dévoré par le désir d’arracher ses fidèles à leur péché ou à leur tiédeur. « O mon Dieu, accordez-moi la conversion de ma paroisse : je consens à souffrir ce que vous voudrez, tout le temps de ma vie ».

Chers confrères, nourris du Concile Vatican II qui a heureusement situé la consécration du prêtre dans le cadre de sa mission pastorale, cherchons le dynamisme de notre zèle pastoral, avec saint Jean-Marie Vianney, dans le Cœur de Jésus, dans son amour pour les âmes. Si nous ne puisons pas à la même source, notre ministère risquerait de porter bien peu de fruits !

 

1.4.            Les fruits étonnants et multiples de son ministère

Précisément, dans le cas du Curé d’Ars, les fruits ont été étonnants, un peu comme avec Jésus dans l’Évangile. À Jean-Marie Vianney, qui lui consacre toutes ses forces et tout son cœur, le Sauveur, en quelque sorte, donne les âmes. Il les lui confie, à profusion.

D’abord sa paroisse - comptant seulement 230 personnes à son arrivée -  sera profondément changée. On se souvient que, dans ce village, il y avait beaucoup d’indifférence et très peu de pratique religieuse chez les hommes. L’évêque avait averti Jean-Marie Vianney : « Il n’y a pas beaucoup d’amour de Dieu dans cette paroisse, vous en mettrez ». Et assez vite, bien au-delà de son village, le curé devient le pasteur d’une multitude qui arrive de toute la région, des diverses parties de la France et des autres pays. On parle de 80 000 personnes pour l’année 1858 ! On attend parfois plusieurs jours pour le rencontrer et se confesser. Ce qui attire, ce n’est pas tellement la curiosité ni même une réputation justifiée par des miracles, des guérisons extraordinaires, que le saint voudrait cacher. C’est bien plus le pressentiment de rencontrer un saint, étonnant par sa pénitence, si familier de Dieu dans la prière, remarquable par sa paix et son humilité au milieu des succès populaires et surtout si intuitif pour correspondre aux dispositions intérieures des âmes et les libérer de leur fardeau, surtout au confessionnal. Oui, Dieu a choisi comme modèle des pasteurs celui qui paraissait pauvre, faible, sans défense et méprisable aux yeux des hommes. Il l’a gratifié de ses meilleurs dons de guide et de médecin des âmes.

Même en reconnaissant la grâce particulière au Curé d’Ars, n’y a-t-il pas là un signe d’espérance pour les pasteurs qui souffrent aujourd’hui d’un certain désert spirituel ?

1.5.            Les diverses approches apostoliques, orientées vers l’essentiel

Jean-Marie Vianney se consacrait essentiellement à l’enseignement de la foi, à la purification des consciences, et ces deux ministères convergeaient vers l’Eucharistie. Ne faut-il pas voir là, aujourd’hui encore, les trois pôles du service pastoral du prêtre ?

Si le but est assurément de rassembler le peuple de Dieu autour du mystère eucharistique avec la catéchèse et la pénitence, d’autres approches apostoliques, suivant les circonstances, sont aussi nécessaires : parfois c’est une simple présence, durant des années, avec le témoignage silencieux de la foi dans les milieux non chrétiens ; ou encore une proximité des personnes, des familles et de leurs soucis ; c’est une première annonce qui essaie d’éveiller à la foi les incroyants et les tièdes ; c’est le témoignage de charité et de justice partagé avec les laïcs chrétiens, qui rend plus crédible la foi et le met en pratique. De là, toute une série de travaux ou d’œuvres apostoliques, qui préparent ou poursuivent la formation chrétienne. Le Curé d’Ars lui-même s’ingénia à prendre des initiatives adaptées à son temps et à ses paroissiens. Cependant, toutes ses activités sacerdotales étaient centrées sur l’Eucharistie, la catéchèse et le sacrement de la réconciliation.

  1. Le sacrement de la réconciliation

C’est sans aucun doute son inlassable dévouement au sacrement de pénitence qui a révélé le charisme principal du Curé d’Ars et fait à juste titre sa renommée. Il est bon qu’un tel exemple nous entraîne aujourd’hui à redonner au ministère de la réconciliation toute la place qui lui revient et que le Synode des Évêques de 1983 a si justement mise en évidence.

Le Curé d’Ars veillait d’abord à former les fidèles au désir du repentir. Il soulignait la beauté du pardon de Dieu. Toute sa vie sacerdotale et ses forces n’étaient-elles pas consacrées à la conversion des pécheurs ? Or c’est au confessionnal que se manifestait par-dessus toute la miséricorde de Dieu. Il ne voulait donc pas se dérober aux pénitents qui venaient de toute part et auxquels il consacrait souvent dix heures par jour, parfois quinze ou plus. C’était sans doute pour lui la plus grande de ses ascèses, un "martyre » ; physiquement d’abord, dans la chaleur, le froid ou l’atmosphère suffocante, moralement aussi, car il souffrait lui-même des péchés accusés et plus encore du manque de repentir. "Je pleure de ce que vous ne pleurez pas". À côté de ces indifférents, qu’il accueillait de son mieux et essayait d’éveiller à l’amour de Dieu, le Seigneur lui donnait de réconcilier de grands pécheurs repentants, et aussi de guider vers la perfection des âmes qui en avaient soif. C’était là surtout que Dieu lui demandait de participer à la Rédemption.

Pour nous, nous avons redécouvert, mieux qu’au siècle dernier, l’aspect communautaire de la pénitence, de la préparation au pardon, de l’action de grâce après le pardon. Mais le pardon sacramentel demandera toujours une rencontre personnelle avec le Christ crucifié par l’intermédiaire de son ministre. Malheureusement, souvent, les pénitents ne se pressent pas avec ferveur au confessionnal, comme au temps du Curé d’Ars. Or, là même où un grand nombre, pour de multiples raisons, semble s’abstenir totalement de la confession, c’est le signe qu’il est urgent de développer toute une pastorale du sacrement de réconciliation, en faisant redécouvrir sans cesse aux chrétiens les exigences d’une relation vraie avec Dieu, le sens du péché où l’on se ferme à l’Autre et aux autres, la nécessité de se convertir et de recevoir, par l’Église, le pardon comme un don gratuit de Dieu, et aussi les conditions qui permettent de bien célébrer le sacrement, en dépassant les préjugés, les fausses craintes et la routine . Une telle situation requiert en même temps que nous demeurions très disponibles pour ce ministère du pardon, prêts à y consacrer le temps et le soin nécessaires, et, je dirais même, à lui donner la priorité sur d’autres activités. Les fidèles sauront ainsi le prix que nous y attachons, comme le Curé d’Ars.

Certes, comme l’écrivait Jean-Paul II dans l’exhortation post-synodale sur la pénitence, le ministère de la réconciliation reste sans doute le plus difficile et le plus délicat, le plus fatigant et le plus exigeant - surtout lorsque les prêtres sont en petit nombre. Il suppose aussi, chez le confesseur, de grandes qualités humaines, pardessus tout une vie spirituelle intense et sincère ; il est nécessaire que le prêtre recoure pour lui-même régulièrement à ce sacrement.

Nous devons nous-mêmes être toujours convaincus, que ce ministère de la miséricorde est l’un des plus beaux et des plus consolants. Il nous permet d’éclairer les consciences, de leur apporter le pardon et de leur redonner vigueur au nom du Seigneur Jésus, d’être pour elles médecin et conseiller spirituel ; il demeure "la manifestation irremplaçable et le test du ministère sacerdotal".

  1. L’Eucharistie : offrande de la messe, communion, adoration

Les deux sacrements de réconciliation et d’Eucharistie restent étroitement unis. Sans une conversion constamment renouvelée et l’accueil de la grâce sacramentelle du pardon, la participation à l’Eucharistie ne parviendrait pas à sa pleine efficacité rédemptrice. De même que le Christ commençait son ministère par "Convertissez-vous et croyez à l’Évangile", de même le Curé d’Ars commençait généralement chacune de ses journées par le ministère du pardon. Mais il était heureux d’orienter ses pénitents réconciliés vers l’Eucharistie.

L’Eucharistie était bien au centre de sa vie spirituelle et de sa pastorale. Il disait : "Toutes les bonnes œuvres réunies n’équivalent pas au sacrifice de la messe, parce qu’elles sont les œuvres des hommes et la sainte messe est l’œuvre de Dieu”. C’est là qu’est rendu présent le sacrifice du Calvaire pour la Rédemption du monde. Évidemment, le prêtre doit unir le don quotidien de lui-même à l’offrande de la messe : "Qu’un prêtre fait donc bien de s’offrir à Dieu en sacrifice tous les matins" ! "La sainte communion et le saint sacrifice de la messe sont les deux actes les plus efficaces pour obtenir le changement des cœurs".

Aussi la messe était-elle pour Jean-Marie Vianney la grande joie et le réconfort de sa vie de prêtre. Il prenait grand soin, malgré l’afflux des pénitents, de s’y préparer silencieusement durant plus d’un quart d’heure. Il célébrait avec recueillement, exprimant bien son adoration aux moments de la consécration et de la communion. De façon réaliste, il observait : "La cause du relâchement du prêtre, c’est qu’on ne fait pas attention à la messe" !

Le Curé d’Ars était particulièrement saisi par la permanence de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. C’était généralement devant le tabernacle qu’il passait de longues heures d’adoration, avant le lever du jour, ou le soir ; c’est vers lui qu’il se tournait souvent durant ses homélies, en disant avec émotion : "Il est là !" C’est encore pour cela que lui, si pauvre, dans son presbytère, n’hésitait pas à dépenser beaucoup pour embellir son église. Le résultat appréciable, c’est que ses paroissiens prirent vite l’habitude de venir prier devant le Saint-Sacrement, découvrant, à travers l’attitude de leur curé, la grandeur du mystère de la foi.

Au regard d’un tel témoignage, nous pensons à ce que le Concile Vatican II nous dit aujourd’hui au sujet des prêtres : "C’est dans le culte eucharistique que s’exerce par excellence leur charge Sacrée". Et, le Synode extraordinaire de décembre 1985 rappelait : "La liturgie doit favoriser et faire resplendir le sens du sacré. Elle doit être imprégnée de révérence, d’adoration et de glorification de Dieu . . . L’Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne".

Chers confrères, l’exemple du Curé d’Ars nous invite à un sérieux examen de conscience : quelle place faisons-nous, dans notre vie quotidienne, à la messe ? Est-elle, comme au jour de notre ordination - ce fut notre premier acte de notre ordination - ce fut notre premier acte de prêtres ! - le principe de notre action apostolique et de notre sanctification personnelle ? Quel soin mettons-nous à nous y préparer ? A la célébrer ? À prier devant le Saint-Sacrement ? À y entraîner nos fidèles ? À faire de nos églises la Maison de Dieu où la présence divine attire nos contemporains qui ont trop souvent l’impression d’un monde vide de Dieu ?

  1. La prédication et la catéchèse

Le Curé d’Ars tenait encore à ne négliger en rien le ministère de la Parole, absolument nécessaire pour prédisposer à la foi et à la conversion. Il allait jusqu’à dire : « Notre Seigneur, qui est la vérité même, ne fait pas moins de cas de sa Parole que de son Corps ». On sait le temps qu’il consacrait, dans les débuts surtout, à composer laborieusement ses prédications du dimanche. Par la suite, il en vint à s’exprimer plus spontanément, toujours avec une conviction vive, claire, avec des images ou des comparaisons tirées de l’expérience quotidienne, très suggestives pour ses fidèles. Ses catéchismes aux enfants constituaient aussi une partie importante de son ministère, et les adultes se joignaient volontiers aux enfants pour profiter de ce témoignage hors pair, jailli du cœur.

Il avait le courage de dénoncer le mal sous toutes ses formes sans complaisance, car il y allait du salut éternel de ses fidèles « Si un pasteur reste muet en voyant Dieu outragé et les âmes s’égarer, malheur à lui ! S’il ne veut pas se damner, il faut que, s’il y a quelque désordre dans sa paroisse, il foule aux pieds le respect humain et la crainte d’être méprisé ou haï ». Cette responsabilité était son angoisse de curé. Mais, généralement, "il préférait montrer le côté attrayant de la vertu plus que la laideur du vice", et s’il évoquait - en pleurant parfois - le péché et le péril pour le salut, il insistait sur la tendresse de Dieu offensé, et le bonheur d’être aimé de Dieu, uni à Dieu, de vivre en sa présence, pour lui.

Mes chers pères, vous êtes bien convaincus de l’importance de l’annonce de l’Évangile, que le Concile Vatican II a mise au premier rang des fonctions du prêtre. Vous cherchez, par la catéchèse, par la prédication et sous d’autres formes qui intègrent aussi les médias, les réseaux sociaux, internet, à toucher le cœur de nos contemporains, avec leurs attentes et leurs incertitudes, pour éveiller et nourrir la foi. Comme le Curé d’Ars et selon l’exhortation du Concile, veillez à enseigner la Parole de Dieu elle-même, qui appelle les hommes à la conversion et à la sainteté.

  1. L’IDENTITÉ DU PRÊTRE

2.1.            Le ministère spécifique du prêtre

Saint Jean-Marie Vianney apporte une réponse éloquente à certaines remises en question de l’identité du prêtre qui se sont manifestées au cours des cinquante dernières années ; il semble d’ailleurs que l’on arrive à des positions plus équilibrées.

Le prêtre trouve toujours, et de façon immuable, la source de son identité dans le Christ Prêtre. Ce n’est pas le monde qui fixe son statut, au gré des besoins ou des conceptions des rôles sociaux. Le prêtre est marqué du sceau du Sacerdoce du Christ, pour participer à sa fonction d’unique Médiateur et Rédempteur.

Alors, à cause de ce lien fondamental, s’ouvre au prêtre le champ immense du service des âmes, pour leur salut dans le Christ et dans l’Église. Service qui doit être inspiré complètement par l’amour des âmes, à la ressemblance du Christ qui offre sa vie pour elles. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, qu’aucun de ces petits ne se perde. "Le prêtre doit toujours être prêt à répondre aux besoins des âmes", disait le Curé d’Ars "Il n’est pas pour lui, il est pour vous". Dans ce contexte, je voudrais attirer notre attention à plus de présence sur nos paroisses. Trop souvent, nous vaquons à nos propres affaires qu’aux affaires religieuses. Notre présence laisse croire que nous nous limitons aux seules célébrations eucharistiques. (Plainte de la présence des fidèles dans les communautés) exple Ôfité

Le prêtre est pour les laïcs : il les anime et les soutient dans l’exercice du sacerdoce commun des baptisés - si bien mis en relief par le Concile Vatican II - qui consiste à faire de leur vie une offrande spirituelle, à témoigner de l’esprit chrétien dans la famille et dans la prise en charge des choses temporelles, et à participer à l’évangélisation de leurs frères. Cependant, le service du prêtre et d’un autre ordre. Il est ordonné pour agir au nom du Christ-Tête, pour faire entrer les hommes dans la vie nouvelle ouverte par le Christ, leur dispenser ses mystères - Parole, pardon, pain de Vie -, les rassembler en son Corps, les aider à se former du dedans, à vivre et à agir selon le dessein salvifique de Dieu. En somme, notre identité de prêtres se manifeste dans le déploiement "créatif " de l’amour pour les âmes, communiqué par le Christ Jésus.

Les tentatives de laïcisation du prêtre sont préjudiciables à l’Église. Cela ne veut aucunement dire que le prêtre peut rester loin des soucis humains des laïcs : Il doit en être très proche, comme Jean-Marie Vianney, mais en prêtre, toujours dans une perspective qui soit celle de leur salut et du progrès du Royaume de Dieu. Il est le témoin et le dispensateur d’une vie autre que la vie terrestre. Il est essentiel à l’Église que l’identité du prêtre soit sauvegardée, avec sa dimension verticale. La vie et la personnalité du Curé d’Ars en sont une illustration particulièrement éclairante et vigoureuse.

2.2.            Sa configuration intime au Christ et sa solidarité avec les pécheurs

Saint Jean-Marie Vianney ne s’est pas contenté en effet d’accomplir rituellement les actes de son ministère. C’est son cœur et sa vie qu’il cherchait à conformer au Christ.

La prière était l’âme de sa vie : prière silencieuse, contemplative, généralement dans son église, au pied du tabernacle. Par le Christ, son âme s’ouvrait aux trois Personnes divines, auxquelles il remettra "sa pauvre âme" dans son testament. "Il conservait une union constante avec Dieu au milieu de sa vie extrêmement occupée". Et il ne négligeait ni office ni chapelet. Il se tournait spontanément vers la Vierge.

Sa pauvreté était extraordinaire. Il se dépouillait littéralement pour les pauvres. Et il fuyait les honneurs. La chasteté brillait dans son regard. Il savait le prix de la pureté pour "retrouver la source de l’amour qui est Dieu". L’obéissance au Christ se traduisait, pour Jean-Marie Vianney, par l’obéissance à l’Église et spécialement à l’évêque. Elle s’incarnait dans l’acceptation de la lourde charge de curé qui souvent l’effrayait.

Mais l’Évangile insiste spécialement sur le renoncement à soi-même, sur l’acceptation de la croix. Bien des croix se présentaient au Curé d’Ars au cours de son ministère : calomnies des gens, incompréhensions d’un vicaire ou des confrères, contradictions, et aussi une lutte mystérieuse contre les puissances infernales, et parfois même la tentation du désespoir au sein d’une nuit spirituelle.

Toutefois, il ne se contentait pas d’accepter ces épreuves sans se plaindre ; il allait au-devant de la mortification, en s’imposant des jeûnes continuels et bien d’autres rudes façons de "réduire son corps en servitude", comme dit saint Paul. Mais ce qu’il faut bien voir dans cette pénitence dont notre siècle a malheureusement peu l’habitude, ce sont ses motifs : l’amour de Dieu et la conversion des pécheurs. Ainsi, il interpelle un confrère découragé : "Vous avez prié, vous avez gémi, mais avez-vous jeûné, avez-vous veillé ?"  On rejoint ici l’interpellation de Jésus aux Apôtres : "Cette espèce de démons ne se chasse que par la prière et le jeûne".

En définitive, Jean-Marie Vianney se sanctifiait pour être plus apte à sanctifier les autres. Certes, la conversion reste le secret des cœurs, libres de leur démarche, et le secret de la grâce de Dieu Par son ministère, le prêtre ne peut qu’éclairer les personnes, les guider au for interne et leur donner les sacrements Ces sacrements sont bien des actes du Christ, dont l’efficacité n’est pas diminuée par l’imperfection ou l’indignité du ministre. Mais le, résultat dépend aussi des dispositions de celui qui les reçoit, et celles-ci sont grandement favorisées par la sainteté personnelle du prêtre, par son témoignage perceptible, comme aussi par le mystérieux échange des mérites dans la communion des saints. Saint Paul disait : "Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Église". Jean-Marie Vianney voulait en quelque sorte arracher à Dieu ces grâces de conversion, non seulement par sa prière, mais par le sacrifice de toute sa vie. Il voulait aimer Dieu pour ceux qui ne l’aimaient pas et même accomplir en grande partie la pénitence qu’ils ne faisaient pas. Il était vraiment le pasteur solidaire de son peuple pécheur.

Chers frères prêtres, ne craignons pas cet engagement très personnel - marqué par l’ascèse et inspiré par l’amour - que Dieu nous demande pour bien exercer notre sacerdoce. Souvenons-nous de la récente réflexion des Pères synodaux : "Il semble que dans les difficultés actuelles, Dieu veuille nous enseigner plus profondément la valeur, l’importance et la place centrale de la croix de Jésus-Christ". Dans le prêtre, le Christ revit sa Passion, pour les âmes. Rendons grâce à Dieu qui nous permet ainsi de participer à la Rédemption, dans notre cœur et dans notre chair.

Pour toutes ces raisons, saint Jean-Marie Vianney ne cesse d’être un témoin, toujours vivant, toujours actuel, de la vérité sur la vocation et sur le service sacerdotal. On se souviendra de la façon convaincue dont il a su parler de la grandeur du prêtre et de sa nécessité absolue. Les prêtres, ceux qui se préparent au sacerdoce et ceux qui y seront appelés, ont besoin de fixer les yeux sur son exemple et de le suivre. Les fidèles eux-mêmes saisiront mieux, grâce à lui, le mystère du sacerdoce de leurs prêtres. Non, la figure du Curé d’Ars ne passe pas !

CONCLUSION :

Révérends pères, puissent ces réflexions raviver notre joie d’être prêtres, notre désir de l’être plus profondément ! Le témoignage du Curé d’Ars contient encore beaucoup d’autres richesses à approfondir.

Nous entendons le Christ nous redire comme aux Apôtres "Personne n’a de plus grand amour que celui qui livre sa vie pour ses amis . . . Je ne vous appelle plus serviteurs . . ., je vous appelle amis". Devant Celui qui manifeste l’Amour dans sa plénitude, nous renouvelons nos engagements sacerdotaux, prêtres et évêques.

Prions les uns pour les autres, chacun pour son frère, et tous pour tous. Demandons au Prêtre éternel que le souvenir du Curé d’Ars nous aide à raviver notre zèle à son service. Supplions l’Esprit Saint d’appeler pour l’Église beaucoup de prêtres de la trempe et de la sainteté du Curé d’Ars : à notre époque, elle en a un aussi grand besoin, et elle n’est pas moins capable de faire éclore ces vocations. Et confions notre sacerdoce à la Vierge Marie, Mère des prêtres, à laquelle Jean-Marie Vianney recourait sans cesse avec une tendre affection et une totale confiance. C’était pour lui un autre motif d’action de grâces : "Jésus-Christ, disait-il, après nous avoir donné tout ce qu’il pouvait nous donner, veut encore nous faire héritiers de ce qu’il a de plus précieux, c’est-à-dire sa sainte Mère”.