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HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DES ORDINATIONS DIACONALES 1Tm3, 8-13/ Mt 13, 24-43 Cathédrale Saint Paul Plateau Abidjan le 8 juillet 2017

Excellence,
Révérends Pères,
Révérends frères,
Révérendes sœurs,
Chers parents des ordinands de ce jour,
Frères et sœurs en Christ,

Par la cérémonie de ce jour où certains de nos fils sont choisis comme diacres pour le service de l’autel et de celui de leurs frères et sœurs, voici que s’achève le temps de la formation académique dans une certaine mesure. Il est donc fini pour eux, le temps du séminaire avec son règlement, ses activités et ses horaires bien rythmés !  Dans quelques instants, ceux qui ont été choisis pour intégrer la longue liste des serviteurs vont recevoir les attributs de leur nouvelle fonction. Que toute la gloire revienne à Dieu qui ne s’arrête pas à la faiblesse de ses créatures en leur confiant, comme dans des vases d’argile, le trésor le plus précieux qu’Il puisse posséder !

 

Chers fils, chers ordinands,

Ai-je besoin de vous rappeler que la cérémonie de ce jour n’est pas un couronnement, puisque vous aspirez à devenir prêtres de Jésus-Christ ? Et si le diaconat auquel vous êtes admis est certes transitoire, parce que reçu en vue du sacerdoce, il n’en demeure pas moins qu’il marque un tournant décisif dans votre vie puisque, vous aurez désormais pour mission d’aider l’évêque et ses prêtres dans le service de la Parole, de l’autel et de la charité, toute chose que vous ne pouviez faire auparavant. C’est ici que je voudrais vous féliciter à votre tour pour avoir accepté de vous laisser instruire et façonner mais surtout pour la responsabilité qui sera pour ainsi dire déposée sur vos épaules. N’ayez pas peur, car la grâce de Dieu précède toujours celui qu’Il appelle.

Pour vous aider à mieux appréhender votre future mission, je vous invite à vous approprier les conseils que Saint Paul adresse à Timothée et à les garder comme un trésor de grande valeur, dans un monde qui veut mesurer l’efficacité de l’intervention de Dieu en fonction de critères purement humains, un monde dans lequel l’œuvre de Dieu renvoie inévitablement l’homme à sa propre responsabilité.

Chers fils, chers ordinands,

Vous aurez sans doute remarqué dans l’évangile que nous venons d’entendre que les trois paraboles sont toutes relatives à une germination, à une croissance. Germer et faire germer les autres, croître et faire croître les autres, telle doit être votre devise en entrant aujourd’hui dans l’ordre des diacres et plus tard dans celui des prêtres. Mais avant, il est bon que vous sachiez que le monde tel que vous le voyez nous présente des communautés humaines et mêmes chrétiennes dont le cœur est dur et piétiné comme un chemin. Ces communautés sont pleines de pierres, d’épines et de ronces. Mais il y a sous tout cela, de la bonne terre qui ne demande qu’à produire du fruit.

Ce monde, c’est également celui de l’engourdissement après le premier accueil, des séductions de la richesse et du pouvoir, c’est celui où les difficultés concrètes se multiplient, où l’attitude des croyants se diversifie et invite à un travail de ‘‘jardiniers.’’ Toujours et toujours encore, il vous faudra retirer épines, ronces et pierres. De toutes sortes de façons, le Seigneur vous invite à préparer le terrain. Lui, Dieu, féconde et donne la croissance. Il vous faut donc être patient en ayant la même foi du semeur : la terre où nous vivons peut être une terre sainte ! Et Dieu peut faire encore des miracles….

Frères et sœurs,

Dans la première parabole de l’évangile, les personnages qui jouent le rôle le plus actif, ce sont les employés du maître du champ. Reconnaissons que ce sont de bons ouvriers, pleins d’ardeur. Ils prennent tant à cœur les intérêts de leur employeur, qu’ils sont prêts à se charger d’un travail difficile ; ne savent-ils pas clairement ce qui est bon et ce qui est mauvais ? Pourquoi donc faut-il que le propriétaire réprimande ce qu’il déclare finalement comme un dangereux excès de zèle ?

A l’analyse de cette parabole, nous remarquons que ce sont surtout les serviteurs qui sont étonnés de découvrir l’ivraie mais pas le maître. Ce dernier sait bien que la terre est imparfaite et décevante, que les aléas des intempéries peuvent détruire les plus belles récoltes. Il n’ignore pas que ses serviteurs peuvent parfois faire des erreurs ou même que lui-même peut faire l’objet de malveillance, et qu’un voisin jaloux de lui peut lui faire du tort.

Le message que véhicule cette première parabole, c’est que Dieu n’ignore pas l’existence du mal. Il sait parfaitement que le bien et le mal coexistent. Il est même le premier à souffrir du mal qui existe dans la création. N’oublions pas qu’il a payé le plus lourd tribut à la souffrance : la mort de son propre Fils. Alors pourquoi semble-t-il laisser prospérer le mal ? Le sujet de la seconde parabole nous en donne la réponse.

Chers fils,

Dans la seconde parabole, le sujet, c’est la graine. Elle est à peu près inapparente. En réalité, elle est riche de possibilités insoupçonnées, elle qui deviendra un véritable arbre, amplifiant manifestement ce qu’on peut attendre d’une simple graine de moutarde. C’est qu’en réalité, le véritable sujet de l’action, c’est Dieu qui fait jaillir l’inattendu. Lui, n’a pas procédé à la façon dont voulait le faire les ouvriers. Il a accepté le temps. Il a fait confiance à l’homme, et cette façon de faire grâce, a permis au royaume de germer.

L’invitation qui vous est faite ainsi qu’à nous tous ici, c’est de croire qu’en tout homme, Dieu met toujours des possibilités insoupçonnées à l’image de la graine. C’est à nous qu’il appartient de faire en sorte que ces possibilités puissent être révélées au grand jour, de faire en sorte que chacun de nos frères puissent laisser jaillir de sa vie ce qu’il a et ce qu’il y a de meilleur, ce que Dieu a enfouit en lui.

Rappelons-nous l’entretient de Jésus avec Nicodème : ‘‘à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le royaume de Dieu’’. Aujourd’hui, cette nouvelle naissance à laquelle nous sommes tous invités, cet ensemencement, la communion eucharistique les réalise. Les hosties qui viennent du ciboire sont les grains de la parabole sortant du cœur de Dieu et rendus visibles à nos yeux ! Dès lors, il nous faut laisser Dieu agir !

C’est ici qu’intervient la femme, dans la troisième parabole. Au contraire des ouvriers plein de zèle, elle représente la vraie sagesse. Elle connaît la capacité du levain. Alors elle fait son travail, et elle attend que la pâte lève ! Quelle leçon donnée à tous ceux et toutes celles qui sont pressés de voir enfin venir le jour du Seigneur ! Quelle leçon donnée à ceux qui travaillent sans se laisser modeler sur l’attitude même de Dieu. Quelle leçon donnée à ceux qui accomplissent leur mission en voulant forcer l’histoire ! A la vérité, l’attitude ultime de celui qui est engagé dans l’œuvre divine, c’est la confiance en la force de la grâce !

Chers fils,

Ce à quoi le Seigneur vous invite, c’est en définitive à faire votre travail et à attendre que la pâte lève ! Cela peut paraître difficile et vous pouvez avoir du mal à y croire. Ne craignez pas. Dieu est avec vous dans la vie, cette vie complexe, cette vie confuse où sont mêlés le péché et la grâce. Ne cherchez pas à séparer, car ce serait tuer la vie.  Contentez-vous de servir Dieu : vous permettrez à la vie de donner son fruit et à l’amour du Dieu vivant de s’y épanouir ! Car en créant le monde, Dieu ne pouvait pas s’amuser à semer le mal et la souffrance, il ne pouvait pas vouloir le mal. Le bien a toujours existé avant le mal qui est comme un cancer venu se greffer sur l’œuvre de Dieu.

Vivre sa vie de consacré en toute conscience et en étant ouvert à Dieu, c’est ainsi que vous parviendrez vous-mêmes à germer et à faire germer les autres, à croître vous-mêmes et à faire croître les autres comme le Seigneur le désire. Mais vivre sa vie en toute conscience, n’est-ce pas faire des efforts personnels pour fuir loin de ce qui nous empêche d’être donnés à Dieu pour le service des autres, nos frères ?

A ce titre, il me plaît de revenir aux propos de Saint Paul : ‘‘les diacres doivent mériter le respect, n’avoir qu’une parole, ne pas s’adonner à la boisson, refuser les profits malhonnêtes, garder les mystères de la foi dans une conscience pure.’’ Votre consécration au Christ vous engage en plus du don total de vos vies, à  faire un choix radical, celui qui consiste à ne pas reprendre d’une main, ce qui a été donné de l’autre !

Je voudrais rappeler ici encore l’adresse que j’ai faite à vos devanciers et qui me semble être encore d’actualité : ‘‘on dit souvent que notre monde d’aujourd’hui ne croit  plus aux maîtres mais aux témoins et s’il croit aux maîtres, c’est en raison de leur témoignage. Une parole qui provient d’une méditation profonde, d’un cœur à cœur avec le Seigneur a plus d’effet que les belles paroles glanées ça et là, sans aucune cohérence, prononcée juste pour plaire.

A propos de plaire, savez-vous que de plus en plus, à force de vouloir plaire à notre auditoire, il n’y a plus de profondeur dans certaines de nos homélies. Je pense pour ma part qu’il vous faudra apprendre à vous éclipser pour laisser la Parole de Dieu agir dans le cœur de nos fidèles ! Cela suppose que nous-mêmes, nous croyions en ce que nous enseignons, non pas dans la stérile satisfaction de nous-mêmes, mais en ayant le sentiment que nous avons tout mis en œuvre afin de ne pas édulcorer la Parole de Dieu.’’

Chers fils,

Comme vous le constater, les vertus que Saint Paul mentionne sont plus qu’indispensables aujourd’hui.

Chers parents

A ce stade de mon propos, je voudrais m’adresser à vous encore comme je le fais chaque fois en pareille circonstance. Je ne cesserai jamais de rendre grâce à Dieu pour les enfants qu’Il vous donne et que vous Lui rendez pour l’œuvre d’évangélisation. Chaque jour, je prie pour qu’Il vous comble au-delà de ce que vous faites pour leur éducation religieuse. Je voudrais vous les confier ou du moins, vous confier le chemin qui sera désormais le leur ! Priez Dieu afin qu’Il ne cesse de nous donner des prêtres, beaucoup de prêtres, beaucoup de saints prêtres. Dieu vous le reversa en grâces abondantes dans votre marche à sa suite. Je voudrais insister pour dire que c’est à une vie de détachement que vos enfants sont désormais appelés. Au nom de votre foi au Christ, aidez-les à vivre ces détachements sans quoi notre Eglise ne sera plus crédible. Ces détachements, vous les connaissez et point n’est besoin de les citer ! 

Et comme chaque année, il me plaît encore de dire un sincère et profond merci à leurs différents formateurs, eux qui années après années, leur donne les rudiments de leur future vie de prêtres. Je pense particulièrement au Père Alphonse BADJO, qui les a instruits lors de leur retraite et leur a fait toucher plus près du doigt, la vie qui sera désormais la leur. Je termine en confiant au Seigneur le comité diocésain des vocations et tous ceux qui travaillent dans l’ombre de ce comité, afin de nous donner années après années, des collaborateurs toujours plus nombreux, plus dynamiques pour la gloire de Dieu et le salut de notre monde.

Tout en vous remerciant, je demande à Dieu d’accompagner chacun de vous sur les chemins de vos vies, de vous éclairer et de vous bénir. Je vous recommande tous à l’intercession bienveillante de la Vierge Marie et de Saint Paul… 

Bonne fête à tous !

 

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,
Archevêque d’Abidjan