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HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE L’ORDINATION SACERDOTALE Abidjan le 9 février 2019


Lectures : 1 Tim. 4, 12-16 / Mt 25, 14-30
Cathédrale Saint Paul Plateau
Abidjan le 9 février 2019

Chant : ‘‘La moisson du Seigneur abonde, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez, Yahvé, d’envoyer les ouvriers, à sa moisson…’’

Révérends Pères,
Révérends Frères,
Révérendes sœurs,
Frères et sœurs en Christ,

Les paroles de ce chant inspiré de l’évangile selon Saint Luc au chapitre 10, le verset 2, révèlent d’une part que la moisson est abondante, et cela est vrai si nous nous situons à l’échelon de la planète terre,   considérée comme un vaste champ missionnaire pour l’annonce de l’évangile. D’autre part, ces mêmes paroles disent que si la moisson est abondante, force est de constater que les ouvriers sont peu nombreux pour finalement nous recommander la seule attitude qui vaille la peine en pareille circonstance pour les chrétiens que nous sommes, celle  de prier le Maître de la moisson, d’envoyer Lui-même des ouvriers pour sa moisson !

 

1-  Suivre le Christ, un choix crucifiant !

La référence au chapitre 10 de l’évangile de Saint Luc ici n’est pas fortuite si l’on considère que déjà au chapitre 9, des versets 51 à 62, Jésus était aux prises avec les acharnements que sa mission a exigés de Lui : accepter l’insécurité sans avoir rien pour reposer la tête, laisser les morts enterrer leurs morts, c’est-à-dire savoir faire des choix crucifiants, mettre la main à la charrue sans regarder en arrière, accepter d’affronter la mort en prenant résolument le chemin de Jérusalem ! Si l’on peut deviner aisément les tentations cachées derrière chaque décision du Christ, on voit aussi comment Jésus a surmonté toutes ces tentations pour vaincre le prince de ce monde ! Il ne lui reste plus qu’à transmettre le flambeau, en envoyant ses disciples en mission à leur tour.

Mais il était impérieux pour le Christ de les préparer à cette mission par les conseils nécessaires afin de mieux affronter eux aussi les tentations qu’Il ne connaît que trop bien ! En effet, eux aussi connaîtront le refus mais ils ne devront pas s’arrêter pour autant ! Ils connaîtront tout comme leur Maître, la haine et l’insécurité comme des agneaux au milieu des loups ; ils devront apprendre à vivre au jour le jour sans se soucier du lendemain ; ils auront à faire des choix parfois crucifiants ,résister à la tentation du succès, et finalement apprendre à leur tour à transmettre le flambeau de la mission, une mission trop précieuse et pour laquelle on ne peut souhaiter que d’autres ouvriers s’adjoignent aux premiers, et qu’ainsi l’évangile-Bonne-Nouvelle parvienne jusqu’aux extrémités du monde !

2-  Configurés au Christ, désormais coopérateurs de l’action de Dieu

Chers fils,
Chers ordinands,

Au début de cette célébration, nous vous avons choisis comme prêtres de Jésus-Christ, vous insérant ainsi dans la longue lignée de ceux que le Christ appelle et met à part pour le service de ses frères. Une étape venait ainsi d’être franchie ! Par l’imposition des mains ainsi que par la prière consécratoire, une autre étape aussi sera franchie et désormais, vous ne serez plus les mêmes, car configurés aux Christ ! Quel honneur que Dieu Lui-même ait posé son regard sur vous ! A Lui, toute la gloire !

Cet honneur et cette gloire, c’est celle qui fait de vous désormais des coopérateurs de l’action de Dieu comme nous le révèle l’évangile de ce jour de votre ordination. En effet, dans la parabole que nous avons entendue, les pièces d’or peuvent être perçues comme la Bonne Nouvelle et chacun de nous sera jugé selon la manière dont il aura fait fructifier ce don de Dieu. Vous remarquerez que le serviteur paresseux, parce qu’il en existe toujours, ne trouve d’autre excuse que d’accuser Dieu d’être trop exigeant. Mais il faut comprendre finalement que Jésus nous invite à percevoir l’obligation et la joie pour ceux qui sont appelés à coopérer à l’action de Dieu.

Tout en vous félicitant donc pour le choix que vous avez fait d’offrir vos vies à la suite du Christ, l’Unique grand prêtre de qui nous tenons notre sacerdoce ministériel, je voudrais m’interroger avec vous : que nous sert-il aujourd’hui d’avoir de nombreux ouvriers s’ils sont peu qualifiés ? Le grand nombre ici est-il synonyme de succès ? Dieu se serait-il trompé en vous appelant ou bien, ce sont nous, vos formateurs, qui n’avons pas eu le discernement assez juste pour extirper de vos rangs les brebis galeuses ? Enfin, peut-être aussi faudrait-il que chacun des appelés que nous sommes se remette en question personnellement ?

3-  Appelés à la suite du Christ dans le monde de ce temps !

Chers fils,

Votre ordination intervient dans un contexte de plus en plus difficile marqué par ‘‘une vaste et croissante situation inconfortable, suite à la publication de nouveaux rapports et de nouvelles révélations de cas très graves de dérives impliquant des membres du clergé dans le monde et qui mettent à mal la crédibilité de l’Institution Eglise, tout comme celle de ses ministres.’’ Ces situations de vie ‘‘fragilisent notre mission d’annonce de l’Evangile, surtout en ce qui concerne le travail éducatif en faveur de l’enfance et de la jeunesse, un travail qui a été au cours des siècles un des aspects les plus remarquables et les plus précieux de son service à l’humanité.’’ C’est ainsi que je voudrais vous inviter non seulement à prêter une oreille plus qu’attentive à la première lecture de ce jour, mais également à vous l’approprier.

Dans la première lecture, Timothée qui vient d’être désigné pour veiller sur la communauté, reçoit des recommandations pour être un bon serviteur. Et je cite : ‘‘que personne ne te méprise parce que tu es jeune ; mais sois un exemple pour les croyants, dans tes paroles, ta conduite, ton amour, ta foi et ta pureté ;… applique toi à lire publiquement l’Ecriture, à exhorter et à enseigner. Ne néglige pas le don spirituel que tu possèdes… donne-toi entièrement à ta tâche…Prends garde à toi-même et à ton enseignement. Demeure ferme à cet égard’’ Fin de citation.

Sur la base de ces mêmes recommandations, je voudrais revenir avec vous sur les engagements que vous allez contracter vous-mêmes tout à l’heure, dans les échanges que j’aurai avec vous. Il ne s’agit pas pour vous de répondre pour continuer la cérémonie mais bien de prendre conscience que c’est un engagement avec Dieu, et avec Lui, on ne triche pas. A votre suite, j’invite tous les prêtres ici présents, tout en se remémorant ces mêmes paroles, à se souvenir qu’un jour, eux aussi ont pris les mêmes engagements.

4-  Prêtres aujourd’hui, prêtres toujours !

Chers fils,

La première question que je vais vous poser est celle-ci : Voulez-vous devenir prêtres, collaborateurs des évêques dans le sacerdoce, pour servir et guider sans relâche le peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit Saint ?

Il s’agit bien ici d’être collaborateur des évêques dans le sacerdoce ! Il ne peut et ne doit pas exister des prêtres acéphales, sans référence ni attache aucune avec leur Ordinaire. A ce titre, vous veillerez à faire en sorte que le lien qui se noue entre nous aujourd’hui, soit un lien qui vous permette de bien vivre votre vocation. Par ailleurs, il s’agit bien aussi d’un engagement pour servir et guider le peuple de Dieu ! Servir et non se servir ! Guider et non pas perdre en  prenant vous-mêmes la tête de la marche pour indiquer l’unique nécessaire, Jésus-Christ !

La seconde question est celle-ci : voulez-vous accomplir avec sagesse et dignement le ministère de la parole, en annonçant l’Evangile et en exposant la foi catholique ?

A ce propos, écoutons ce que nous recommande le Directoire pour la vie et le ministère des prêtres sur la prédication de la parole de Dieu : ‘‘pour que le ministère de la parole soit fructueux,… le prêtre donnera la primauté au témoignage de vie qui fait découvrir la puissance de l’amour    de Dieu et rend persuasive sa parole. Il fera place, en outre, à la prédication explicite des mystères du Christ aux croyants, à la catéchèse qui est l’exposition ordonnée et organique de la Doctrine de l’Eglise !’’ Pour ce faire, je vous recommande d’accepter bien humblement de vous laisser aider par vos devanciers, dans un souci de solidarité et de partage !

La seconde question: voulez-vous célébrer avec foi les mystères du Christ, tout spécialement dans le sacrifice eucharistique et le sacrement de la réconciliation, selon la tradition de l’Eglise, pour la louange de Dieu et la sanctification du peuple chrétien ?

Combien de fois certains de nos chrétiens ne se plaignent-ils pas des célébrations qui durent à n’en point finir et qui ressemblent à de véritables improvisations ? Que dire des prêtres mal vêtus quand il s’agit des célébrations et pimpants pour autre chose ? Quels soins mettons-nous à célébrer l’unique sacrifice qui a valu au monde le salut du genre humain ? Non, chers confrères, l’Eucharistie, qui est la source et le sommet de toute action liturgique, est véritablement un moment de rencontre réelle avec le Christ ! Nous ne pouvons pas nous satisfaire de célébrations desquelles nous ressortons vides sinon plus chargés qu’en arrivant !

De même, rappelons-nous que le sacrement de pénitence ‘‘ rétablit l’amitié avec Dieu le Père et avec tous ses fils dans sa famille qu’est l’Eglise. Celle-ci s’en trouve rajeunie et édifiée dans toutes ses dimensions’’ comme dit le Directoire qui poursuit en affirmant qu’il est nécessaire que le prêtre sache s’identifier dans un certain sens avec ce sacrement et, assumant l’attitude du Christ, qu’il sache se pencher avec miséricorde, comme le bon Samaritain, sur l’humanité blessée !

C’est à nous chers confrères, de ramener le cœur des fils vers leur Père  et il nous faudra bien trouver et organiser notre temps pour cela !

La troisième question : voulez-vous implorer avec nous la miséricorde de Dieu pour le peuple qui vous sera confié, en étant toujours assidus à la charge de la prière ?

Etre assidu à la charge de la prière, c’est en comprendre d’abord nous-mêmes sa nécessité afin de la proposer à nos fidèles ! Combien parmi nous ne sont plus assidus à la récitation de leur office, devenant de véritables fonctionnaires des sacrements ? Il m’est même revenu que certains parmi ont l’art d’organiser des activités spirituelles auxquelles eux-mêmes ne participent même pas ! N’avez-vous pas l’impression que nos fidèles ont pris une longueur d’avance sur nous relativement à cette question ? N’est-ce pas ainsi que nous-mêmes dressons le lit pour les diseurs de bonne aventure qui pullulent de plus en plus dans le pays ? Devons-nous laisser prospérer pareil fait ?

La quatrième question : voulez-vous, de jour en jour, vous unir davantage au souverain prêtre Jésus Christ qui s’est offert pour nous à son Père en victime sans tâche, et vous consacrer à Dieu avec lui pour le salut du genre humain ?

S’unir davantage au Christ et se consacrer à Dieu avec Lui nécessite que nous soyons assez lucides pour comprendre qu’il va de notre intérêt d’oser certaines ruptures : je pense aux amitiés douteuses qui ne laissent que peu de place à Dieu dans nos vies. En ce sens, nous devons comprendre que notre ministère ne se définit pas d’abord par une série de tâches spécifiques à accomplir mais bien par le signe du Christ Pasteur porté par des hommes au sein de communautés vers lesquelles ils sont envoyés. Nous devons exister à partir de Jésus et trouver en lui le centre de gravité de notre ministère et de notre vie de prêtre.

Cela doit nous emmener à prendre conscience de nos limites. Nous ne sommes que des serviteurs inutiles, car c’est le Seigneur seul qui compte. Dès lors, il nous faudra prendre du temps pour prier afin d’être témoin de l’essentiel dans le service de nos frères et sœurs.

Enfin, la dernière question : promettez-vous de vivre en communion avec moi et mes successeurs, dans le respect et l’obéissance ?

Sur la question de l’obéissance, écoutons ce que nous dit le Directoire : ‘‘l’obéissance est une valeur sacerdotale de première importance. Le sacrifice même de Jésus sur la croix tire sa valeur et son sens rédempteur de son obéissance et de sa fidélité à la volonté du Père… comme pour le Christ, l’obéissance exprime pour le prêtre, la volonté de Dieu, qui lui est manifestée à travers ses supérieurs légitimes. Cette disponibilité doit être comprise comme une œuvre véritable de liberté personnelle, conséquence d’un choix constamment mûri en présence de Dieu dans la prière… Le prêtre est tenu à une obligation spéciale de respect et d’obéissance à l’égard du souverain Pontife et de son Ordinaire.’’

Le refus d’obéir est une grande plaie qui gangrène tout le corps ! Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas accepter de nous infliger nous-mêmes pareil supplice !

Frères et sœurs,

 Comme chaque année, je vous exhorte à être de bons conseils pour vos prêtres dans un esprit de fraternité. Si le Décret pour le ministère et la vie des prêtres les invite eux-mêmes ‘‘… à se sentir spécialement responsables de ceux d’entre eux qui éprouvent des difficultés… à leur apporter leur soutien et, s’il y a lieu, leur faire des remarques discrètes et …à faire toujours preuve d’amour fraternel et de générosité envers ceux qui ont connu la défaillance sur certains points’’, il indique la conduite à tenir en pareille circonstance : ‘‘ ils prieront Dieu pour eux avec insistance et veilleront sans cesse à être vraiment à leur égard des frères et des amis.’’ Telle est la mission que je vous confie encore une fois.

Merci aux parents qui font le sacrifice des ambitions légitimes qu’ils ont pour leurs enfants en les laissant devenir prêtres. Merci à leurs différents formateurs, au Comité diocésain des vocations, à l’Equipe des chargés de vocation, au père Jean Baptiste AKWADAN qui leur a prêché la retraite. Je n’oublie pas leurs amis, connaissances et bienfaiteurs. Je vous recommande tous à la prière bienveillante de la Vierge Marie. Qu’elle vous obtienne de son Fils grâces et bénédictions Lui à qui appartiennent, la louange, l’honneur et la gloire, dans les siècles sans fin. AMEN !

 

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,
Archevêque d’Abidjan