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HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DES ORDINATIONS DIACONALES Pr.31 1-9/ Mt.24, 14-30 Paroisse Saint Ambroise du Jubilé Abidjan le 21 décembre 2019

Chant : comment ne pas te louer…

Révérends Pères,
Révérends frères,
Révérendes sœurs,
Chers ordinands de ce jour,
Chers parents des ordinands de ce jour,
Frères et sœurs en Christ,

L’occasion de la célébration des ordinations diaconales à quelques jours des fêtes de Noël et du nouvel an aurait pu faire penser à un véritable cadeau de Noël et de fin d’année offert aux élus du jour, aux membres de leurs familles respectives et pourquoi pas même, à toute notre famille diocésaine d’Abidjan. En effet, depuis quelques années, la coutume établie voulait que les ordinations diaconales se fassent au mois de juillet, à la fin de la formation des candidats au sacerdoce. Six mois plus tard, soit au mois de février, intervenaient les ordinations sacerdotales après le temps du stage diaconal.

 

Mais pour cette année, le Seigneur qui dispose de notre temps et de nos vies en a décidé autrement au point de nous retrouver à la veille des fêtes de fin d’année. Ce moment joyeux que nous vivons aujourd’hui, pourrait aussi s’inscrire dans la continuité de l’adresse que l’Eglise nous faisait dimanche dernier, en nous invitant à être toujours dans la joie du Seigneur, justement parce qu’il est proche ! Disons donc merci à Dieu pour le merveilleux cadeau offert au monde qu’est Jésus-Christ, source intarissable de joie et d’espérance ! Rendons-Lui gloire aussi, pour les serviteurs qu’Il nous donne et qui, configurés au Christ par l’onction, sont appelés à le rendre présent à leurs frères et sœurs !

Ainsi, concevoir les ordinations de ce jour en termes de cadeau est juste dans une certaine mesure, surtout si nous inscrivons ces ordinations dans la sollicitude jamais prise à défaut de notre Dieu qui veut toujours faire alliance avec son peuple. A la vérité, toute consécration au Seigneur doit être comprise comme une alliance et elle n’a de sens que si elle est faite pour une vie d’intimité plus profonde avec Celui à qui nous nous consacrons. Cette consécration induit en retour, de traduire en actes, cette intimité dans notre vécu quotidien, et dans le cas qui nous rassemble aujourd’hui, d’être des porteurs de Dieu, de véritables amis de son Divin Fils, et c’est là le sens de ce merveilleux cadeau que Dieu vous fait.

Chant : désormais, vous êtes mes amis…

Chers fils, chers ordinands,

Votre ordination est certes un cadeau de Dieu, mais un cadeau à ne pas confondre avec une certaine mentalité qui peut y voir comme une récompense de vos mérites personnels. En vérité, le cadeau que Dieu vous fait, est à comprendre avant tout comme une responsabilité qui vous est conférée dans le monde de ce temps, au moment même où vous êtes en train de changer d’état, de statut : désormais, vous êtes les amis de Jésus-Christ et à ce titre particulier, vous devez mesurer la portée de la responsabilité qui sera désormais la vôtre. Cette responsabilité, c’est celle dont l’évangile de ce jour nous livre un pan, à travers la parabole des talents.

Révérends Pères,                                                                                                                                                      Frères et sœurs,                                                                      Chers élus du jour,    

La parabole des talents que l’évangile de ce jour nous propose nous montre un maître tout de même un peu curieux : de lui, on ne sait rien sinon qu’il part en voyage sans préciser ni le lieu, ni la durée. Le même texte de l’évangile ne nous dit pas non plus s’il a une femme et des enfants. Etait-ce la raison pour laquelle il confie ses biens à ses serviteurs ? Mais il faudra attendre son retour longtemps après, pour voir quelques traits de son caractère : ‘‘ Seigneur, je savais que tu es un homme dure ; tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur…’’ avait dit le troisième serviteur.

Par ailleurs, on peut aussi s’étonner de la façon dont il traite ses serviteurs : ‘‘à l’un, il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième, un seul’’. Voici l’homme, voici le maître, qui connaît intimement ses serviteurs au point de remettre à chacun selon ses capacités ! En outre,  s’il est aisé d’identifier le maître à Dieu, les serviteurs aux hommes et particulièrement à ceux qui s’engagent à son service, on peut oser comparer les talents à la Bonne Nouvelle que les hommes ont reçue, et qu’ils ont le devoir de faire fructifier !

Ainsi, après la mort et la résurrection du Christ, c’est à nous de comprendre aujourd’hui que le temps de l’histoire humaine désormais, c’est le temps de l’absence du maître : l’humanité est donc mise à l’épreuve, comme des serviteurs à qui un maître a confié d’énormes responsabilités. Dès lors, notre vie se déroule sous le signe d’un Dieu qui paraît absent et qui est comme parti en voyage pour donner toute l’initiative à ses créatures que nous sommes. Cela témoigne d’une immense confiance et d’un immense respect de la part de Dieu.

Par ailleurs, si les talents ont été confié ‘‘à chacun selon ses capacités’’, ce qui aurait pu alors paraître comme une injustice au départ se révèle finalement comme juste, car Dieu nous connaît mieux que nous-mêmes et continue de faire confiance à chacun ! Quelle merveille ! La question ici est à mon sens celle-ci : comment répondons-nous à cette confiance que Dieu place en nous malgré nos fragilités humaines? Avons-nous l’impression d’être des privilégiés, au sens que nous sommes objet de la paternelle sollicitude de Dieu qui continue d’oser avec nous?

Révérends Pères,                                                                                                                                                      Frères et sœurs,                                                                     

Il est important de remarquer aussi que dans l’évangile, les biens qui sont confiés aux serviteurs sont la propriété du maître et non pas celle des serviteurs. Ainsi, le sens profond de cette parabole ne repose pas d’abord sur le bon usage de nos biens et dons personnels, mais surtout sur notre coopération active au royaume de Dieu. En outre, il découle de la remarque faite plus haut que les talents reçus ne sont pas cédés. Ils sont confiés et tous, nous devons en rendre compte. Dès lors, on comprend mieux le sort réservé au troisième serviteur : ‘‘serviteur mauvais et paresseux…enlevez lui donc son talent…jetez-le dehors dans les ténèbres’’. Il nous faut prendre conscience que ‘‘dehors dans les ténèbres’’, comme nous dit le texte de l’évangile, c’est vivre privé de Dieu et que vivre sans Dieu, c’est là un malheur absolu !

Si Dieu nous fait confiance encore et toujours, l’image du serviteur paresseux est là pour nous rappeler que nous ne serons pas condamnés pour avoir refusé de servir Dieu ou parce que nous sommes paresseux, mais bien parce que trop souvent, nous accusons Dieu d’être un peu trop exigeant. Sachez-le, c’est chaque homme qui construit son propre jugement. Le temps de l’Avent dans lequel nous sommes, est cette belle occasion qui nous est offerte pour nous remettre en cause et choisir de vivre pour Dieu.

Chers fils, Chers ordinands,

A la lecture de l’évangile, nous pouvons affirmer que le bon serviteur, celui qui n’a pas peur de prendre de risque avec les biens de son maître et qui sait se remettre pour correspondre à ce qui est attendu de lui. Correspondre toujours davantage au plan de Dieu, c’est le sens de votre engagement de ce jour et pour vous aider à bien le vivre, je voudrais vous proposer de reprendre et de commenter pour vous les questions auxquelles vous allez répondre dans quelques instants :

1-  Voulez-vous accomplir votre fonction de diacre avec charité et simplicité de cœur, pour aider l’évêque et ses prêtres, et faire progresser le peuple de Dieu ?

Chers fils,

A cette question, vous répondrez tous ensemble oui, je le veux. Mais ce oui que vous prononcez ensemble vous engage individuellement, personnellement même si vous devez être solidaires les uns des autres dans votre aventure commune. En le disant, vous affirmez ainsi que la fonction qui sera désormais la vôtre, vous l’accomplirez d’une part avec charité et simplicité de cœur et de l’autre, dans l’optique d’aider l’évêque et ses prêtres à faire progresser le peuple de Dieu !

La charité ici qui rime avec la simplicité de cœur et qui s’oppose à l’orgueil du parvenu, est importante dans un monde où la gratuité devient de plus en plus une denrée rare. La charité dis-je, est différente de la générosité d’un libéralisme qui ne donne que si cela est rentable à court ou moyen terme ; cette même charité est différente d’une générosité politique, froidement calculée pour obtenir des voix lors des échéances électorales ; elle diffère aussi de la générosité commerciale avec des soldes qui n’en sont pas réellement ou de la générosité-libération, qui consiste à se donner bonne conscience et se déculpabiliser d’être repus à côté de la misère et de la galère de ses frères et sœurs!

La charité à laquelle vous souscrivez aujourd’hui et pour toute votre vie, c’est celle qui consiste à donner aux autres ce que nous avons reçu nous-mêmes gratuitement ! De là, naîtra une véritable chaîne d’énergie qui passe de personne à personne, de génération à génération ! La charité est en réalité joie de la reconnaissance, joie de donner de sa joie aux autres ! Elle consiste finalement en une forme de gratuité à l’image du Christ dont le salut est une grâce, un don offert gratuitement et que l’on ne paie pas pour l’avoir !

C’est cette même charité qui vous permettra d’aider votre évêque et ses prêtres à faire progresser le peuple de Dieu ! Quand un évêque peut compter sur la générosité de ses prêtres, c’est le peuple de Dieu tout entier qui en tire un grand bien. Je vous exhorte fortement, au moment où vous entrez dans les ordres, à vous exercer à cette charité gratuite à l’image du Christ qui vous a appelés et choisis, Lui qui rend dignes ceux qui répondent généreusement à son appel ! Que le monde soit corrompu, que le monde ignore ce qu’est la vraie charité, cela doit être pour vous, pour nous les consacrés, un défi ! Je vous y engage avec la force que donne le Saint esprit !

2-  Voulez-vous comme dit l’Apôtre Paul, garder le mystère de la foi dans une conscience pure, et proclamer cette foi par la parole et par vos actes, fidèle à l’évangile et à la tradition de l’Eglise ?

Chers fils,

A cette seconde question, vous répondrez encore, oui, je le veux ! J’espère que ce oui est sincère et non pas un oui de convenance car l’enjeu est de taille ! En effet, garder le mystère de la foi est déjà une grande ambition ! Cela présuppose que vous connaissiez ce mystère tel que présenté par l’Eglise notre mère. Le temps d’une ordination ne fait pas de vous des doctes en la matière ! Et comme il s’agit de mystère, je crois que le meilleur moyen d’y accéder, c’est de rester toujours dans la proximité du Christ qui Seul peut vous éclairer !

Garder le mystère de la foi dans une conscience pure, c’est refuser d’édulcorer le message de l’évangile par des considérations autres que celles qui nous mettent au diapason des attentes du Christ pour son peuple ! Cela est possible qu’à la condition que votre foi soit visible et qu’elle se traduise en actes au-delà des mots et cela passe par la fidélité à l’évangile ! Il s’agit pour vous désormais, sur la base de cet engagement, à être fidèle au dépôt de la foi tel que transmis depuis des générations, et rien que cela !

Aujourd’hui, trop de personnes s’arrogent des droits qu’ils n’ont pas et annoncent quelques fois un évangile tout autre! Votre responsabilité est grande pour la simple raison que le peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant qu’il convient d’entendre tout spécialement de la bouche des consacrés ! Ainsi donc, le temps de votre diaconie sera celui d’une prise de conscience plus accrue de la place qui sera la vôtre dans l’annonce de la Bonne Nouvelle qui porte sur le salut que le Christ offre à notre monde et particulièrement aux pauvres.

Veuillez à vous montrer purs et sans reproches devant Dieu et devant les hommes vos frères, comme cela convient pour un serviteur du Christ et à un intendant des mystères de Dieu.

3-  Voulez-vous garder et développer un esprit de prière conforme à votre état et, dans la fidélité à cet esprit, célébrer la liturgie des Heures en union avec le peuple de Dieu, intercédant pour lui et pour le monde entier ?

Chers élus du jour,

Encore une fois, vous répondrez oui, je le veux ! Bien plus qu’un simple refrain, votre réponse vous fait l’obligation de la prière. Comme dit la première lecture de ce jour et pour paraphraser l’auteur du livre des Proverbes : ‘‘ne gâchez pas vos forces avec les femmes ; le vin n’est pas bon pour les rois ; mais vous, vous devez parler pour défendre ceux qui n’ont pas la parole et pour prendre le parti des laissés pour compte. Parlez en leur faveur : gouvernez avec justice, défendez la cause des pauvres et des malheureux’’. Cela n’est possible que si la prière prend toute sa place dans votre vie à commencer par la célébration de la Liturgie des Heures, ce trésor de notre Eglise !

A ce titre, le service de la prière sera plus important que tout autre service car c’est Dieu qui doit agir en vous. Désormais, il vous faudra prendre du temps pour prier afin d’être témoin de l’essentiel dans le service des frères et sœurs. Laissez-moi vous le dire, sans le secours de la prière, vous finirez comme des fonctionnaires au service des sacrements ! Non Dieu n’a pas besoin de fonctionnaires mais de cœurs qui l’aiment, qui le cherchent et qui désirent être avec Lui !

Se consacrer à Dieu sans tenir ferme la prière comme un essentiel, c’est courir le risque de s’essouffler et de perdre pied dès les premières épreuves qui ne manqueront pas dans votre parcours. Comme le Christ, prenez le soin de toujours trouver un temps à consacrer à Celui pour qui vous vous engager aujourd’hui ! Vous aurez besoin de consistance intérieure qui ne s’acquiert que dans l’intimité avec le Christ. En ce sens, la Liturgie des Heures ne doit pas être comprise comme quelque chose d’accessoire, mais de primordial. Je prierai pour vous et vous exhorte à prier pour le peuple de Dieu vers qui vous serez envoyés !

4-  Voulez-vous conformer toute votre vie à l’exemple du Christ dont vous prendrez sur l’autel le corps et le sang pour le distribuer aux fidèles ?

Chers fils,  

A cette ultime question, vous répondrez une fois encore, oui, je le veux, avec la grâce de Dieu ! Tout est dit et cela n’est pas fortuit que la liturgie de cet engagement se termine par cette belle formule : ‘‘avec la grâce de Dieu’’ ! Je ne le dirais jamais assez : la cérémonie de ce jour n’est pas pour vous le couronnement d’un appel, fut-il même de Dieu ! Votre ordination diaconale ne doit pas être comprise comme la fin d’un parcours académique long et parsemé d’embuches ! De même, votre admission dans le ministère des diacres ne sera jamais pour vous le sommet auquel il faut aspirer ! Je voudrais espérer que vous prendrez les moyens pour laisser la grâce de Dieu opérer en vous !

Vous savez aussi bien que moi que la grâce ne détruit pas la nature. Mais quand nous prenons conscience que la grâce de Dieu nous précède sur tous les chemins où nous sommes envoyés, il devient impératif de la chercher, de la désirer et de prendre tous les moyens pour qu’elle soit agissante en nous. Votre vocation est aussi appel à la sainteté. Jésus dont vous prendrez sur l’autel le corps et le sang pour le distribuer aux fidèles est saint. Retenez qu’un livre peut avoir une belle couverture mais c’est l’intérieur qui compte ! Votre être intérieur compte tout autant pour le Christ !

Révérends Pères,                                                                                                                                                      Frères et sœurs,                                                                     

L’invitation à conformer toute sa vie à l’exemple du Christ nous concerne tous ! Comme disait Sainte Thérèse de Lisieux, ‘‘la sainteté, c’est une disposition du cœur qui nous rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse, et confiants jusqu’à l’audace en sa bonté de Père.’’ Oui, faisons confiance à Dieu et ensemble, osons le pari de la sainteté.

Pour finir et comme chaque année, il me plaît encore de dire un sincère et profond merci à leurs différents formateurs, qui années après années, leur donnent les rudiments de leur future vie de prêtres. Je pense particulièrement au père YAPO Yapi Florent, qui les a instruits lors de leur retraite et leur a certainement partager son expérience. Je termine en confiant au Seigneur le comité diocésain des vocations et tous ceux qui travaillent dans l’ombre de ce comité, afin de nous donner années après années, des collaborateurs toujours plus nombreux, plus dynamiques pour la gloire de Dieu et le salut de notre monde.

Tout en vous remerciant, je demande à Dieu d’accompagner chacun de vous sur les chemins de vos vies, de vous éclairer et de vous bénir. Je vous recommande tous à l’intercession bienveillante de la Vierge Marie et de Saint Ambroise.   

Bonne fête à tous ! Joyeux Noël par anticipation à tous !

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,
Archevêque d’Abidjan