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LA MESSE DE LA PAIX 2022 PRESIDEE PAR SON EMINENCE LE CARDINAL JEAN – KUTWA A LA CATHEDRALE SAINT PAUL DU PLATEAU

Chaque fin d’année, son Eminence le cardinal Jean-Pierre KUTWA préside une messe dénommée « MESSE DE LA PAIX ». C’est ce qui fut fait ce jeudi 29 décembre 2022.

En présence de nombreux prêtres, religieux et religieux, de personnalités politiques, des membres du forum des confessions religieuses et d’une grande foule de fidèles laïcs, le cardinal a prononcé une homélie forte engagée pour la population de Côte d’ Ivoire.

 

A la fin de la célébration, les consacrés se sont retrouvés autour de leur archevêques pour des agapès fraternels à la paroisse Saint Jacques des Deux Plateaux

Père Jean-Baptiste DIAHOU

 


 

MESSAGE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CÉLÉBRATION DE LA 56ème JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX 

Cathédrale Saint Paul du Plateau

Abidjan Jeudi 29 décembre 2022

Mr le Vice-Président de la République,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Messieurs les ministres,
Excellences,
Révérends Pères,
Révérendes sœurs,
Chers frères et sœurs,

Tout en vous souhaitant à tous la bienvenue dans cette cathédrale, mon désir le plus profond est que notre célébration eucharistique de ce soir dépasse largement le cadre des simples formalités et que la prière que nous ferons monter ensemble vers Dieu pour notre pays et pour le monde entier, puisse nous offrir la paix qui vient de Lui, source de tout véritable progrès et tout bonheur vrai. Et comme chaque année, en vous invitant à vous joindre à moi pour notre traditionnelle messe de la paix, je me fais encore une fois l’agréable devoir de vous partager les grandes articulations du message que le Pape nous adresse, message dans lequel le Saint-Père revient sur la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, deux crises majeures qui doivent interpeller l’humanité. Selon lui, seuls la fraternité et la compassion, inspirées par l’amour de Dieu, peuvent nous aider à tracer des sentiers de paix.

La problématique du message qui nous est adressé pour cette année à l’occasion de la 56ème journée mondiale de la paix, se résume en ces mots que je cite : ‘‘… après trois années, l’heure est venue de prendre le temps de nous interroger, d'apprendre, de grandir et de nous laisser transformer, tant individuellement que communautairement… J'ai déjà eu l’occasion de répéter qu’on ne sort jamais identiques des moments de crise : on en sort soit meilleur, soit pire. Aujourd'hui, nous sommes appelés à nous demander : qu'avons-nous appris de cette situation de pandémie ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? Quels signes de vie et d'espérance pouvons-nous saisir pour aller de l'avant et essayer de rendre notre monde meilleur ?’’ Fin de citation.

Cette problématique relève d’un constat que le Pape présente en ces mots : ‘‘la Covid-19 nous a plongés dans la nuit, déstabilisant notre vie ordinaire, chamboulant nos plans et nos habitudes, bouleversant l'apparente tranquillité des sociétés, même les plus privilégiées, entrainant désorientation et souffrance, causant la mort de beaucoup de nos frères et sœurs… En plus des manifestations physiques, la Covid-19 a provoqué, parfois à long terme, un malaise général qui a grandi dans le cœur de nombreux individus et familles, avec des effets considérables alimentés par de longues périodes d'isolement et diverses restrictions de liberté…  [La Covid-19] a touché certains aspects sensibles de l’ordre social et économique, faisant ressortir des contradictions et des inégalités. Elle a menacé la sécurité de l'emploi de nombreuses personnes et aggravé la solitude de plus en plus répandue dans nos sociétés, notamment celle des plus faibles et des pauvres… qui sont restés sans emploi et sans aucun soutien durant tout le confinement.’’ Fin de citation.

Mais à la pandémie de la Covid-19, s’ajoute un autre fléau, ‘‘une guerre de plus, en partie comparable à la Covid 19 mais cependant motivée par des choix humains coupables : la guerre en Ukraine qui sème des victimes innocentes et répand l'incertitude, non seulement pour ceux qui sont directement touchés, mais aussi pour tout le monde, de manière étendue et indiscriminée, y compris pour tous ceux qui, à des milliers de kilomètres de distance, souffrent des effet collatéraux - il suffit de penser aux problèmes du blé et du prix du carburant.’’

Excellences,
Frères et sœurs,

S’il est indéniable que les conséquences de la pandémie ont eu un fort impact sur nos communautés, il est important pour nous d’en tirer les leçons. Selon le Pape, la première leçon est ‘‘ la conscience du fait que nous avons tous besoin les uns des autres, que notre plus grand trésor, et aussi le plus fragile, est la fraternité humaine fondée sur notre filiation divine commune, et que personne ne peut se sauver tout seul. Il est donc urgent de rechercher et de promouvoir ensemble les valeurs universelles qui tracent le chemin de cette fraternité humaine.’’ La seconde leçon est que : ‘‘ la confiance dans le progrès, la technologie et les effets de la mondialisation n'a pas seulement été excessive, mais s'est transformée en un poison individualiste et idolâtre, menaçant la garantie souhaitée de justice, de concorde et de paix.’’

C’est donc à nous de comprendre que ‘‘les problèmes généralisés de déséquilibres, d'injustices, de pauvretés et de marginalisations alimentent très souvent des troubles et des conflits, et engendrent des violences voire des guerres.’’ En effet, la guerre, en Ukraine, ‘‘comme tous les autres conflits répandus de par le monde, est une défaite pour l’humanité entière et pas seulement pour les parties directement impliquées. Alors qu’un vaccin a été trouvé pour la Covid-19, des solutions adéquates n'ont pas encore été trouvées pour la guerre. Le virus de la guerre est certainement plus difficile à vaincre que ceux qui affectent l'organisme humain, car il ne vient pas de l'extérieur mais de l'intérieur, du cœur humain, corrompu par le péché’’.

Mais, il n’y a pas de quoi rester pessimistes ! Je cite encore le Pape François qui tout en reconnaissant que trois années après la survenue de la pandémie que ‘‘ce n'est certes pas l'ère post-Covid que nous espérions ou attendions’’, nous invite à ‘‘nous laisser changer le cœur par l'urgence que nous avons vécue, c'est-à-dire permettre à Dieu, à travers ce moment historique, de transformer nos critères habituels d'interprétation du monde et de la réalité. Nous ne pouvons plus penser seulement à préserver l'espace de nos intérêts personnels ou nationaux, mais nous devons y penser à la lumière du bien commun, avec un sens communautaire, c'est-à-dire comme un "nous" ouvert à la fraternité universelle. Nous ne pouvons pas continuer à nous protéger seulement nous-mêmes, mais il est temps de nous engager tous pour guérir notre société et notre planète, en créant les bases d'un monde plus juste et plus pacifique, effectivement engagé dans la poursuite d'un bien qui soit vraiment commun.’’

D’où son appel à comprendre que ‘‘personne ne peut se sauver tout seul’’, appel doublé de l’invitation à ‘‘repartir après la Covid-19, pour tracer ensemble des sentiers de paix.’’ Cet appel et cette invitation se fondent sur un constat implacable. Je le cite : ‘‘les nombreuses crises morales, sociales, politiques et économiques que nous vivons sont toutes interconnectées. Ce que nous considérons comme étant des problèmes individuels sont en réalité causes ou conséquences les unes des autres. Nous sommes appelés à relever les défis de notre monde, avec responsabilité et compassion. Nous devons réexaminer la question de la garantie de la santé publique pour tous ; promouvoir des actions en faveur de la paix pour mettre fin aux conflits et aux guerres qui continuent à faire des victimes et à engendrer la pauvreté ; prendre soin, de manière concertée, de notre maison commune et mettre en œuvre des mesures claires et efficaces pour lutter contre le changement climatique ; combattre le virus des inégalités et garantir l'alimentation ainsi qu’un travail décent pour tous, en soutenant ceux qui n'ont pas même un salaire minimum et se trouvent en grande difficulté… Ce n'est qu'en nous dépensant dans ces situations, avec un désir altruiste inspiré par l'amour infini et miséricordieux de Dieu, que nous pourrons construire un monde nouveau et contribuer à édifier le Royaume de Dieu qui est un Royaume d'amour, de justice et de paix.’’

Excellences,
Frères et sœurs,

La Côte d’Ivoire notre pays a connu lui aussi, à l’instar des autres pays du globe terrestre, les méfaits de cette pandémie. Par ailleurs, si la guerre en Ukraine est comme dit le Pape François le résultat ‘‘de choix humains coupables’’ et que toujours selon les mêmes paroles du Pape, ‘‘ce que nous considérons comme étant des problèmes individuels sont en réalité causes ou conséquences les unes des autres’’, il nous faut nous aussi savoir tirer les leçons de l’histoire récente de notre pays et qui a vu mettre à mal sa cohésion et son unité, même s’il nous faut reconnaître que de gros efforts ont été consentis ces derniers temps.

Ces progrès, ce sont : le dialogue politique qui a été initié, la première rencontre du président de la République avec ses prédécesseurs, le retour d’exil de certains fils de notre pays, les filets sociaux, le fonds d’aide aux entreprises, la construction et la réhabilitation de nombreux centres de santé, les augmentations de salaire, le désir d’offrir une vitrine plus flamboyante de notre pays à plusieurs égards et la liste n’est pas exhaustive ! Nous pouvons être fiers de ces progrès tout comme ceux qui en ont pris l’initiative ! Je voudrais les féliciter et les encourager à persévérer dans cet élan.

Cependant, la récente révision des listes électorales, l’inscription des nouveaux majeurs sur ces mêmes listes, l’échéance des élections de 2023 avec leurs lots de contestations nous ont offert le spectacle qu’il y a encore parmi nous, des esprits chagrins qui se réveillent et avec eux, leurs vieux démons ! Les intimidations et autres incidents isolés ici et là lors de meetings et autres rassemblements à caractère politique doivent nous faire prendre conscience que la paix est fragile et que c’est aujourd’hui qu’il nous faut comprendre que de notre intérêt à tous, de tracer ensemble les sillons de la paix !

C’est à dessein que je passe sous silence la récurrente question des élections de 2025, celle de la cherté de la vie, le cycle infernal de la violence langagière qui revient, les subtils règlements de compte, l’impression qu’une partie du pays est oubliée dans le développement des infrastructures routières, ce qui engendre des inégalités sociales et un sentiment de développement à double vitesse, toute chose qui pourrait créer des ressentiments et dont les conséquences sont malheureusement prévisibles et qui n’augurent rien de bon pour la paix, l’unité et la cohésion sociale !

Chers frères et sœurs,                                                                          Habitants de la Côte d’Ivoire,

Sans être pessimiste, je voudrais reprendre la problématique du début de mes propos : à l’aube de la nouvelle année, ‘‘nous sommes appelés à nous demander : qu'avons-nous appris de cette situation de pandémie ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? Quels signes de vie et d'espérance pouvons-nous saisir pour aller de l'avant et essayer de rendre notre monde meilleur ?’’

Aujourd’hui, je voudrais affirmer haut et fort à la suite Pape François que ‘‘même si les événements de notre existence semblent tragiques et que nous nous sentons poussés dans le tunnel sombre et pénible de l'injustice et de la souffrance, nous sommes appelés à garder le cœur ouvert à l'espérance, en faisant confiance à Dieu qui se rend présent, nous accompagne avec tendresse, nous soutient dans notre fatigue et, surtout, guide notre chemin.’’

C’est sur ces mots, que je voudrais souhaiter à mon tour ‘‘qu'au cours de la nouvelle année, nous puissions marcher ensemble en conservant précieusement ce que l'histoire peut nous apprendre’’. Oui, à tous, je souhaite une bonne, heureuse et merveilleuse année 2023 ! Qu’à la prière de la Vierge Marie, le Christ son divin Fils nous obtienne que notre vivre-ensemble soit pour chacun des habitants de notre pays, amour et vérité, justice et paix pour la gloire de Dieu et pour une Côte d’Ivoire où il fait vraiment bon vivre !

 

+Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,

Archevêque Métropolitain d’Abidjan