A la Une

  • LES ADULTES DU DOYENNE PÈRE GABRIEL CHAUVET EN PELELRINAGE A ELAEIS

    LES ADULTES DU DOYENNE PÈRE GABRIEL CHAUVET EN PELELRINAGE A ELAEIS

  • RECOLLECTION DIOCESAINE POUR LE TEMPS DE CAREME POUR LE PERSONNEL DE L’EDUCATION CATHOLIQUE D’ABIDJAN

    RECOLLECTION DIOCESAINE POUR LE TEMPS DE CAREME POUR LE PERSONNEL DE L’EDUCATION CATHOLIQUE...

  • PAROISSE IMMACULEE CONCEPTION ABOBO CLOUETCHA

    PAROISSE IMMACULEE CONCEPTION ABOBO CLOUETCHA

  • VICARIAT MONSEIGNEUR JEAN- BAPTISTE BOIVIN : LES PRETRES ONT FAIT LEUR RECOLLECTION DE CAREME

    VICARIAT MONSEIGNEUR JEAN- BAPTISTE BOIVIN : LES PRETRES ONT FAIT LEUR RECOLLECTION DE CAREME

MESSAGE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ A L’OCCASION DE LA RENTREE PASTORALE 2017-2018

THEME DE L’ANNEE : ‘‘AVEC L’ESPRIT SAINT, VIVONS DE PARTAGE ET DE SOLIDARITE’’ Cf. Ac 2, 44-45

Cathédrale Saint Paul du Plateau
Samedi 14 octobre 2017

 

INTRODUCTION

‘‘L’Eglise, aujourd’hui, assiste à une grave crise de la société humaine qui va vers d’importants changements. Tandis que l’humanité est au tournant d’une ère nouvelle, de vastes tâches attendent l’Eglise, comme ce fut le cas à chaque époque difficile. Ce qui lui est demandé maintenant, c’est d’infuser les énergies éternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile dans les veines du monde moderne ; ce monde qui est fier de ses dernières conquêtes techniques et scientifiques, mais qui subit les conséquences d’un monde temporel que certains ont voulu réorganiser en faisant abstraction de Dieu. C’est pourquoi nous constatons que les hommes d’aujourd’hui ne font pas autant de progrès dans le domaine spirituel que dans le domaine matériel… Devant ce spectacle, nous avons pensé que les temps étaient mûrs pour donner à l’Eglise catholique… d’être elle-même, en retournant à la source divine, se fortifier et se déployer ‘‘Corps du Christ’’, missionnaire, tout en étant au cœur du monde, devant le monde et pour le monde’’[1].

 

Le monde dont il est question, c’est celui des hommes, de la famille humaine, marqué aujourd’hui particulièrement par l’individualisme, l’égoïsme, le repli de chacun sur ses intérêts. Le monde où nos sociétés se referment sur elles-mêmes, rêvent de se protéger et de se barricader. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Devant cette situation, l’Eglise va-t-elle laisser la lampe de sa foi sous le boisseau ou la mettre sur le lampadaire afin qu’elle éclaire ce monde ?

C’est en pensant à la mission qui nous incombe d’amener les hommes à quitter ce repli sur soi que j’ai décidé pour l’année pastorale 2017-2018 qui s’ouvre aujourd’hui, que nous réfléchissions ensemble sur le thème suivant : ‘‘Avec l’Esprit Saint, vivons de partage et de solidarité’’ Cf. Ac2, 44-45.

Vie de partage et de solidarité en lien avec la première communauté chrétienne, telle est la vision qui m’anime et que je voudrais partager avec vous tous pour que nous nous en inspirions tout au long de cette année pastorale.  Il s’agira en fait pour notre Église diocésaine d’Abidjan, de nous décentrer de nous-mêmes pour regarder l’autre, nous approcher de l’autre, l’entendre et voir comment lui venir en aide s’il a besoin de nous. Pour ce faire, notre Église d’Abidjan devra être conduite par l’Esprit-Saint qui nous donnera les énergies nécessaires pour nous aider à voir, à entendre, à réfléchir, à agir pour vivre ce partage, cette solidarité, cette charité en actes à laquelle nous invite l’Evangile. Pour y parvenir, nous devons nous interroger pour savoir quelle force a pu impulser l’élan de douze pêcheurs pour que l’Evangile et le message du Christ parviennent jusqu’à nous aujourd’hui, mais également, quel a été le vécu de ses douze et de la communauté des croyants après la Pentecôte !

I-           AVEC L’ESPRIT SAINT, VIVONS DE PARTAGE ET DE SOLIDARITE Cf. Ac 2, 44-45.

 

L’extrait du livre des Actes des Apôtres qui soutiendra notre marche à la suite du Christ nous montre la difficile mais irrésistible percée de l’Evangile dans le monde païen où l’Esprit triomphe de toutes les difficultés. Dès le début du livre, Saint Luc souligne la puissance de renouvellement de l’homme par la foi. Cela le conduit à tracer un tableau idéal de la première communauté chrétienne au lendemain de la Pentecôte. Ainsi, avant de montrer les difficultés inhérentes à tout groupe humain, il nous fait entrevoir la forme d’humanité à laquelle sont invités à se conformer tous les hommes de bonne volonté.

En vérité, c’est bien un programme de vie chrétienne qui nous est ainsi proposé en quatre points : écouter l’enseignement des Apôtres, vivre en communion fraternelle, rompre le pain et participer aux prières. Les difficultés ne manquent pas pour autant : Ananie et Saphire, par exemple, ont du mal à pratiquer jusqu’au bout le partage des biens, et, plus grave encore, des difficultés de coexistence entre chrétiens d’origine juive et chrétiens d’origine païenne sont signalées.

Si on peut se demander à juste titre quel message Saint Luc veut nous faire passer en dressant une communauté idyllique malgré les problèmes réels qui existent, on ne peut occulter le fait qu’au lendemain de la Pentecôte, les Apôtres accomplissent de nombreux signes et prodiges et tous les croyants sont devenus capables de vivre en frères, mettent tout en commun, vendent leurs propriétés et leurs biens et en partagent le prix entre tous selon les besoins de chacun  grâce au don de l’Esprit Saint ‘‘qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification.’’ Telle est en réalité la marque du Saint Esprit dans une communauté ouverte où la fraternité, la paix, la justice et l’abolition du mal sont les valeurs du Royaume de Dieu déjà commencé sur la terre des hommes.

Un tel vécu, naturellement ne peut laisser personne indifférent, pas même le Christ qui ‘‘ tous les jours, faisait entrer dans la communauté ceux qui étaient appelés au salut’’.(Ac2, 47) En retour, que nous est-il demandé sinon simplement, d’être des communautés chrétiennes        dignes de ce nom, car, c’est par sa vie bien concrète que la communauté porte témoignage de la Résurrection du Christ : une vie fondée sur l’écoute de la parole de Dieu, la fraction du pain, la prière et le partage des biens, le tout dans la joie ! La très Bonne Nouvelle de ce texte, c’est que ce nouveau comportement inspiré par l’Esprit Saint est encore possible aujourd’hui comme ce fut le cas hier.

L’assiduité à la fraction du pain hier, l’Eucharistie aujourd’hui, souligne au moins trois choses importantes : d’abord, la messe est beaucoup plus qu’une obligation ; elle est une nécessité vitale parce que la pratique eucharistique est indispensable à chacun d’entre nous pour sa vie de foi. Ensuite, c’est la communauté qui est privée de l’un de ses membres chaque fois que l’un d’entre nous ne participe pas à l’Eucharistie. Enfin, une communauté est gravement pénalisée quand elle est privée de ce ressourcement régulier. Cela pose évidemment tout le problème de tant de communautés chrétiennes privées de prêtres parfois durant des mois mais également, nous sommes interpellés sur la qualité de nos célébrations.

Selon le Catéchisme de l’Eglise Catholique, ‘‘l’Eucharistie est le sacrifice même du Corps et du Sang du Seigneur Jésus, qu’Il a institué pour perpétuer au long des siècles jusqu’à son retour le sacrifice de la croix, confiant ainsi à son Eglise le mémorial de sa mort et de sa résurrection. L’Eucharistie est le signe de l’unité, le lien de la charité, le repas pascal, où l’on reçoit le Christ, où l’âme est comblée de grâce et où est donnée le gage de la vie éternelle’’ [2]

‘‘Source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise’’, l’Eucharistie est le sacrement de l’amour : amour du Christ qui choisit de s’offrir Lui-même. Elle est aussi offrande de l’homme qui, à travers elle, se laisse continuellement rejoindre par ce don, se laisse transformer par le sacrement de son Corps et de son Sang qui le rend à son tour capable de se donner et de donner sa vie pour les autres.

Il y a donc comme une hiérarchie dans ce que j’ai qualifié de programme de vie : d’abord, le texte nous situe au lendemain de la Pentecôte où l’Esprit Saint est donné à tous ; ensuite il y a l’écoute de l’enseignement des Apôtres dont découle la vie en communion fraternelle ; enfin, le fait de rompre le pain et de participer aux prières.

Le temps de la Pentecôte qui succède à celui de l’Ascension est important en ce sens qu’avec le don du Saint Esprit, nous sommes invités à croire à la suite du Christ, que les chemins de nos vies, quoi que nous en pensions, doivent être porteurs d’espérances. Dès lors, nous sommes tous engagés de par notre baptême et l’Esprit reçu à la confirmation dans une mission de laquelle nul ne peut et ne doit se soustraire. Avec le don du Saint Esprit, nous sommes ainsi invités à quitter le chemin des retours tristes, des espoirs déçus, de l’absurdité d’une vie qui a perdu son sens, du chemin de ceux qui croient s’être fourvoyés, trompés !

Avec le Saint Esprit, nous sommes mieux outillés pour découvrir que le chemin de la souffrance est aussi celui de la rencontre qui prend son sens à partir d’un signe, celui du souffle répandu sur les disciples comme à l’origine de notre humanité. Au cœur des manques dont peuvent souffrir les disciples du Christ rassemblés dans un endroit clos et verrouillé, un signe est capable d’éclairer l’ensemble du passé et provoquer un nouveau départ : celui de l’Esprit de Dieu offert généreusement à tous ! Dès lors, les chemins de nos vies peuvent devenir chemin de mission : la route peut se prendre en sens inverse et l’on revient joyeux et porteur d’une Bonne Nouvelle, là où l’on était parti vide d’espoir.

Comme vous l’aurez sans doute remarqué, le don du Saint Esprit ne fige pas dans la contemplation d’un Dieu qui nous attend ailleurs. Bien au contraire, il provoque un nouveau départ, départ qui ouvre la voie à une démarche renouvelée qui aboutit à annoncer à tous : le Seigneur est ressuscité ! Mais qui donc est le Saint Esprit ?

 

II-         LA PERSONNE DU SAINT ESPRIT

 

Au cours de l’histoire, les chrétiens ont cherché à se représenter le Père et le Fils : Jésus comme ‘‘image’’ du Père pouvait leur permettre de parler de l’un et de l’autre. Mais pour parler de l’Esprit Saint, ils utilisent des symboles : le vent, le souffle, le feu, l’eau, se référant à des expériences de la vie. Déjà, le Christ annonce dans l’Evangile que l’Esprit est l’expression de l’amour mutuel du Père et du Fils et que, Don parfait, il n’a rien à lui : ‘‘Quand il viendra, lui, l’Esprit de Vérité, il vous conduira vers la Vérité tout entière car il ne parlera pas de lui-même (…) Il me glorifiera car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part’’ (Jn16, 13-14).

Il est bon de noter que c’est l’expérience de la présence du Christ dans l’Eglise, ou dans son cœur, qui fait découvrir l’Esprit. ‘‘Vous le connaissez, dit Saint Jean, car il demeure auprès de vous. Il est en vous’’ (Jn14, 17). L’Esprit Saint, c’est cette présence qui anime, fait parler, fait vivre. Généralement, cette présence est discrète et liée à l’Eglise.

Si les chrétiens parlent rarement de l’Esprit Saint de manière directe, l’Ecriture leur fait découvrir qu’ils ne peuvent être chrétiens, reconnaître le Christ, prier le Père, que par l’Esprit Saint. La foi porte sur Jésus et son Père, mais elle n’est possible que si le chrétien est habité par l’Esprit Saint. A vrai dire, l’Esprit et le Christ ne peuvent être pensés l’un sans l’autre : sans l’Esprit Saint, Jésus ne peut pas être reçu comme Fils de Dieu et, sans le Christ, l’Esprit Saint ne peut être pensé : il est comme sans objet. Lié au Christ, l’Esprit Saint transforme les chrétiens en Corps du Christ, jusqu’au jour où tout sera enfin unifié, récapitulé dans une seule tête, le Christ, à la louange de la gloire du Père. Cette unité de soi-même, cette réconciliation avec le monde, c’est l’Esprit qui l’apporte.

Pour mieux décrire l’expérience intérieure dont je parlais plus haut, je voudrais vous inviter à scruter davantage le récit de la Pentecôte au chapitre 2 du livre des Actes des Apôtres. Un bref résumé nous permet de constater des gens enfermés, apeurés, qui savent bien que le Christ est ressuscité, mais qui n’ont pas encore vécu l’expérience de cette résurrection. Tout se déroule pour eux comme s’ils n’ont pas encore été dynamisés : ils sont enfermés, ensemble, ils ont peur. Dehors, la foule est celle des grandes fêtes et ils n’osent pas participer à la fête du monde.

Mais voilà que survient l’Esprit : il est feu, signe de la présence de Dieu aux yeux des Juifs, feu qui rassemble, qui réchauffe, qui éclaire. Il est aussi souffle, évoquant le souffle de vie et le vent qui disperse, symbole de liberté. Aussitôt, libres de leurs peurs, comme obligés de témoigner par une force intérieure, les Apôtres parlent du bonheur de l’homme et de Jésus, et chacun comprend dans sa langue. L’esprit Saint se révèle alors comme ce qui unit sans détruire les différences, et donc en respectant chacun.

Jésus ayant disparu du regard des hommes, l’œuvre de l’Esprit va être toute de fidélité et d’unité, de communion et de plénitude, de vérité et de liberté, pour réaliser la présence du Christ. Désormais, après la Pentecôte le Christ est comme ‘‘dans’’ ses Apôtres, intimement, invisiblement : c’est là l’œuvre de l’Esprit par qui Jésus a encore des choses à dire à notre humanité si déshumanisée. Cette parole, c’est celle qui résonne pour notre Archidiocèse d’Abidjan et qui nous invite à retourner à notre vocation première, celle d’être une Église au service des hommes et qui leur annonce le Christ par sa vie de partage et de solidarité. Ainsi donc, mue par l’action de l’Esprit-Saint, elle pourra insuffler à notre société la dynamique du partage et de la solidarité qu’elle vit.

 

  III. UNE EGLISE MUE PAR L’ACTION DE L’ESPRIT SAINT

 QUI PARTAGE ET QUI EST SOLIDAIRE

 

 ‘‘Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de véritablement humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire’’[3].

 Faire en sorte que ‘‘les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent’’, deviennent les nôtres, voici le défi que nous lance cette année pastorale qui nous invite à vivre de partage et de solidarité avec l’Esprit Saint. Loin d’être un rêve ou une utopie, cela est possible aujourd’hui encore si nous acceptons courageusement de suivre les pas du Christ.

En effet, ‘‘le Verbe incarné en personne Lui-même a voulu entrer dans le jeu de cette solidarité. Il a pris part aux noces de Cana, il s'est invité chez Zachée, il a mangé avec les publicains et les pécheurs. C'est en évoquant les réalités les plus ordinaires de la vie sociale, en se servant des mots et des images de l'existence la plus quotidienne qu'il a révélé aux hommes l'amour du Père et la magnificence de leur vocation. Il a sanctifié les liens humains, notamment ceux de la famille, source de la vie sociale. Il s'est volontairement soumis aux lois de sa patrie. Il a voulu mener la vie même d'un artisan de son temps et de sa région.

Dans sa prédication, Il a clairement affirmé que les fils de Dieu ont l'obligation de se comporter entre eux comme des frères. Dans sa prière, il a demandé que tous ses disciples soient « un». Bien plus, lui-même s'est offert pour tous jusqu'à la mort, lui, le Rédempteur de tous. « II n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Quant à ses apôtres, il leur a ordonné d'annoncer à toutes les nations le message évangélique, pour faire du genre humain la famille de Dieu, dans laquelle la plénitude de la loi serait l'amour.

Premier-né parmi beaucoup de frères, après sa mort et sa résurrection, par le don de son Esprit, il a institué, entre tous ceux qui l'accueillent par la foi et la charité, une nouvelle communion fraternelle : elle se réalise en son propre Corps, qui est l'Eglise. En ce Corps, tous, membres les uns des autres, doivent s'entraider mutuellement, selon la diversité des dons reçus.

Cette solidarité devra sans cesse croître, jusqu'au jour où elle trouvera son couronnement : ce jour-là, les hommes, sauvés par la grâce, famille bien-aimée de Dieu et du Christ leur frère, rendront à Dieu une gloire parfaite. Il ressort de tout cela que le Christ s’est fait solidaire de notre humanité tant dans ses joies que dans ses peines. Son rapport avec notre monde n’a pas été que d’ordre purement spirituel. Et c’est ici que son appel à ses disciples à être sel de la terre et lumière du monde (Cf. Mt5, 13-16) doit nous rejoindre particulièrement en cette année pastorale.

Le sel est aujourd’hui un produit bon marché, facile à se procurer, qui sert presque exclusivement à donner du goût aux aliments. Il n’en a pas toujours été ainsi et nous ne ressentons plus toute la force symbolique de la phrase du Christ : ‘‘vous êtes le sel de la terre…’’ Mais peu importe, car la comparaison reste identique. Si le sel est éventé, s’il ne relève plus la saveur des mets, il a perdu sa nature et est bon à rien, sinon à jeter. De même, il est dans la nature de la lumière d’éclairer : elle ne le fait pas exprès. Si elle n’éclaire plus, ce n’est plus une lampe et comme pour le sel, elle n’est bonne à rien, sinon à jeter !

Si l’on poursuit les images qui se succèdent dans le texte de Saint Matthieu, on découvre la ‘‘nature’’ du disciple, du témoin du Christ. Comme le sel, il est appelé à donner du goût à la vie. Comme la lumière, il est appelé à éclairer, à briller. Enfin, comme la ville sur la montagne, on devrait le voir de loin.

Mais attention : le disciple ne grimpe pas au sommet pour se faire voir. Il ne se force pas à éclairer pour faire croire qu’il est une lumière. Il ne donne goût à la vie que par la vie même donnée par Dieu. Il incombe donc à chaque témoin, à chaque croyant, et c’est sa très grande responsabilité, de faire grandir en lui cette nature divine qu’il a reçue. En vérité, il ne suffit pas de vouloir être lumière pour briller, sel pour donner goût ! La vraie question ici que je vous pose est celle de savoir si nous acceptons de nous laisser habiter par le Seigneur et son Esprit pour vivre véritablement de partage (intellectuel, moral et matériel) et de solidarité.

En cette année pastorale, je vous exhorte vivement à accepter l’appel du Seigneur avec le souci de ne pas vous laisser devenir fades, ternes ou en ruines ! D’où les appels que je voudrais vous faire :

        IV-APPELS

 

1-  A mes frères prêtres.

 

Connaître la personne du Saint Esprit ; devenir une Eglise qui mue par l’action de l’Esprit Saint se fonde sur le partage et la solidarité pour le transmettre à nos frères et sœurs, telle est la mission à laquelle je vous invite à collaborer de toutes vos forces avec moi, pour le bien de nos frères et sœurs, frères de Jésus !

 

Vous savez aussi bien que moi que sans notre Maître et Seigneur Jésus-Christ, nous ne pouvons rien faire, Lui qui à l’occasion de son Ascension nous rassurait par ces paroles fortes: ‘‘…vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ;  vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre’’ (Actes 1, 8). En réalité, dans ce monde où l’individualisme est roi, seul l’Esprit Saint peut aider nos chrétiens et nous-mêmes à vivre comme aux premiers temps de l’Eglise où  le bonheur était partagé. Il est donc urgent à mon avis, de le découvrir ou le redécouvrir et l’accueillir pleinement afin de le faire connaitre, pour que nos frères et sœurs arrêtent de courir dans tous les sens à la recherche de valeurs qui n’en sont pas.

Chers confrères,

 

Les premiers à qui le thème de notre année pastorale s’adresse, c’est bien nous, pasteurs du peuple de Dieu. Nous avons l’obligation dans les vicariats, dans les doyennés, dans nos paroisses et équipes presbytérales, de nous approprier le thème de l’année, non pas pour essayer d’en vivre, mais bien pour nous l’appliquer à nous-mêmes en premier. Il faudrait, et c’est un impératif, que nos équipes presbytérales et partant, que tout le presbyterium, avec le secours de l’Esprit Saint soit le premier à vivre de partage et de solidarité. Concrètement, il s’agit pour nous de comprendre que nous formons un seul corps et il ne s’agit pas ici d’une simple image, d’une vision surfaite.

 

Ecoutons à cet effet, ce que nous recommande le Décret sur le ministère et la vie des prêtres : ‘‘du fait de leur ordination, qui les a fait entrer dans l’ordre du presbytérat, les prêtres sont tous intimement liés entre eux par la fraternité sacramentelle… Chaque membre de ce presbyterium noue avec les autres des liens spéciaux de charité apostolique, de ministère et de fraternité : c’est ce que la liturgie exprime depuis l’Antiquité quand elle invite les prêtres présents ensemble avec l’évêque qui ordonne à imposer les mains au nouvel élu et quand elle les rassemble, unanimes, dans la concélébration de la sainte Eucharistie.

 

Chaque prêtre est donc uni à ses confrères par un lien de charité, de prière et de coopération sous toutes ses formes ; ainsi se manifeste l’unité parfaite que le Christ a voulu établir entre les siens, afin que le monde croie que le Fils a été envoyé par le Père. Cela doit amener les plus âgés à accueillir les plus jeunes vraiment comme des frères, à les aider dans les premières activités et les premières tâches du ministère, à essayer de comprendre leur mentalité même si elle est différente de la leur, à suivre leurs efforts avec bienveillance. De même, les jeunes sauront respecter l’âge et l’expérience des anciens, dialoguer avec eux sur les problèmes pastoraux et partager avec joie leur travail.’’

 

Le même Décret poursuit pour dire aussi que ‘‘dans cet esprit fraternel, les prêtres ne doivent pas oublier l’hospitalité ; soucieux de la bienfaisance et du partage de leurs biens, qu’ils s’occupent en particulier de ceux qui sont malades, découragés, surmenés, isolés, chassés de leur patrie ou persécutés. Qu’ils aiment aussi à se retrouver dans la joie pour se détendre… Mais les prêtres ont encore besoin de s’entraider pour le développement de leur vie spirituelle et intellectuelle, d’améliorer leur coopération dans le ministère, d’éviter les dangers que peut entraîner la solitude: autant de motifs qui poussent à encourager une certaine vie commune ou un certain partage de vie entre les prêtres.’’

 

Cette vie commune, ce partage de vie entre les prêtres n’est pas que matériel, il est aussi spirituel et c’est ce que le Décret affirme ainsi en d’autres mots : ‘‘cette communion dans le sacerdoce doit amener les prêtres à se sentir spécialement responsables de ceux d’entre eux qui éprouvent des difficultés ; ils sauront, au bon moment, leur apporter leur soutien et, s’il y a lieu, leur faire des remarques discrètes. Avec ceux qui ont connu la défaillance sur certains points, ils feront toujours preuve d’amour fraternel et de générosité : ils prieront Dieu pour eux avec insistance et veilleront sans cesse à être vraiment à leur égard des frères et des amis.’’

 

Comme vous l’aurez constaté, le chapitre premier du Décret sur le ministère des prêtres se pose contre l’individualisme des prêtres et ses conséquences néfastes. En comprenant le ministère des prêtres comme un service de l’unité de l’Eglise, le Concile insiste sur le presbyterium comme un corps. Par ailleurs, le Décret ne parle jamais du prêtre au singulier mais au pluriel avec des formules englobantes comme ‘‘les prêtres’’, ‘‘l’ordre presbytéral’’.

 

Je désire en cette année pastorale que les prêtres se fassent plus proches les uns des autres, en se rendant des visites, en fréquentant leurs familles respectives par exemple. Je reste ouvert et j’encourage vivement toutes les initiatives, toutes les actions qui visent à approfondir nos liens de fraternité. J’engage ici, de façon solennelle, les Vicaires Généraux aidés des Vicaires épiscopaux et du Conseil Presbytéral à me proposer un schéma d’application concret du thème de l’année pastoral, qui sera une feuille de route pour chacun de nous, avant la fin de ce mois d’octobre. Nous devons pouvoir être capables en cette année, avec le secours et la grâce du Saint Esprit, de partager nos biens matériels mais aussi nos biens spirituels. Nous devons pouvoir trouver et proposer un cadre d’échanges qui permettent de soutenir les plus faibles d’entre nous. J’attache un prix particulier à cette recommandation.

 

Par ailleurs, j’ai remarqué aussi que de plus en plus, dans nos paroisses et lieux de cultes, une coutume s’installe progressivement, celle des ‘‘Cénacles’’, comme temps de préparation à la Pentecôte. Cette initiative que je salue à sa juste valeur, je voudrais l’étendre à toutes les paroisses de notre Archidiocèse d’Abidjan. Pour cette année, je propose aux Vicaires Généraux, aux Vicaires épiscopaux, aux Curés doyens, en collaboration avec l’Aumônerie des Communautés Nouvelles, de me proposer des thèmes uniques d’enseignement, qui porteront sur les sept (7) dons du Saint Esprit. Tous, nous devrons regarder dans une même direction !

 

2 - Appel aux Religieux et aux Religieuses

J’ai voulu m’inspirer pour vous du message pour le carême 2017 dans lequel le Pape commente la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare (Cf. Lc16, 19-31). Notre Saint Père y affirme que ‘‘ Lazare nous apprend que l’autre est un don. La relation juste envers les personnes consiste à reconnaître avec gratitude leur valeur.’’ Je sais que la vie communautaire n’est pas toujours aisée et cette situation se complique davantage quand on regarde l’autre par le prisme déformant de ses défauts !

Il s’agit pour vous de comprendre encore et toujours que le frère ou la sœur que le Seigneur met sur les chemins de ma vocation est une chance pour moi. On comprend mieux le Pape quand il affirme dans le même message de Carême : ‘‘ Ainsi le pauvre devant la porte du riche ne représente pas un obstacle gênant mais un appel à nous convertir et à changer de vie. La première invitation que nous adresse cette parabole est celle d’ouvrir la porte de notre cœur à l’autre car toute personne est un don, autant notre voisin que le pauvre que nous ne connaissons pas. Le Carême est un temps propice pour ouvrir la porte à ceux qui sont dans le besoin et reconnaître en eux le visage du Christ.’’

L’homme dans le besoin, chacun de nous en rencontre sur son propre chemin. Toute vie qui vient à notre rencontre est un don et mérite accueil, respect, amour. La Parole de Dieu nous aide à ouvrir les yeux pour accueillir la vie et l’aimer, surtout lorsqu’elle est faible. Mais pour pouvoir le faire il est nécessaire de prendre au sérieux également ce que nous révèle l’Évangile au sujet de l’homme riche.

N’oubliez jamais que l’unité s’impose pour raffermir la crédibilité de l’annonce de l’Évangile et le témoignage chrétien dans un contexte politiquement contraignant et actuellement instable. J’insiste pour dire ici que la vraie question pour vous aujourd’hui n’est pas tant votre consécration au Seigneur, encore moins de ‘‘venir à l’Eglise’’ mais de ‘‘devenir Eglise’’. Comme dit le Pape: ‘‘dans une société de l’affrontement, de la cohabitation difficile entre des cultures, du mépris des plus faibles, des inégalités, vous êtes  appelés à  offrir un modèle concret de communautés qui, à travers la reconnaissance de la dignité de chaque personne et du partage du don dont chacun est porteur, permette de vivre des relations fraternelles.’’

Les communautés doivent être des laboratoires pour expérimenter les meilleures manières de vivre ensemble. Les plus faibles dans leur vocation, plutôt que de les ignorer ou de les mépriser, doivent être délicatement aidés. Que les malades ne se sentent pas isolés dans leur chambre, mais ressentent la présence fraternelle des autres, présence qui serait comme une vitamine qui pourrait aider à faire face à la souffrance. C’est dans cette vision d’unité que je vous invite à vivre votre vocation, votre alliance avec Dieu, par le Christ et dans l’Esprit Saint.

Tout votre apostolat en faveur de la justice, de la réconciliation et de la paix doit se réaliser dans la perspective de cette union ecclésiale. Notre pays qui cherche à sortir de cette crise dans laquelle elle est plongée depuis plus d’une décennie, est conviée à baliser le chemin de sa reconstruction sur les dons divins de justice, de réconciliation et de paix, de partage et de solidarité !

3-  Appel aux Communautés Nouvelles

 

Chers fils,

En me tournant vers vous, je voudrais me rappeler encore une fois avec vous que l’histoire récente nous apprend que vous êtes toutes nées du Renouveau pour ne pas dire du mouvement Charismatique. J’insiste pour dire que je continue de croire en vos divers charismes. Toutefois je voudrais m’interroger : ces charismes vous ont-ils rendus plus proches, plus sensibles à la souffrance de vos frères et sœurs ? Ne prêchez-vous pas uniquement pour vos chapelles au point d’être préoccupés uniquement par le nombre de vos adeptes ?

Avez-vous conscience qu’il s’agit uniquement du même troupeau que le Christ nous recommande de faire paître ? Que faisons-nous des pauvres parmi nous; de ceux qui ne peuvent pas payer la dîme ou l’offrande et de ceux dont les offrandes ne sont pas consistantes ? Voyez-vous les pauvres autour de vous ? La prédication de la Bonne Nouvelle est-elle la seule chose importante? Puis-je rêver d’une journée d’évangélisation où la quête et l’offrande seraient pour la création d’un fonds pour ceux qui souffrent?

Je sais que vous avez des charges à assumer et à assurer, mais nos fidèles, vos adeptes, où dorment-ils et dans quelles conditions? L’argent ainsi collecté pourrait être distribué aux nécessiteux parmi eux, en tenant compte des besoins les plus urgents. Comme vous le savez, le Bon Berger connaît ses brebis sur qui il a à la fois un regard circulaire qui embrasse tout le monde, mais aussi un regard particulier, qui sait voir la brebis égarée, celle en difficulté, celle qui a besoin de partage et de solidarité. Est-ce bien ainsi que vous vivez ?

Vous savez certainement vous aussi que l’œuvre urgente d’évangélisation se réalise de manière différente, selon la diversité des situations de chaque pays. Au sens propre, il y a ce que l’Eglise appelle la mission Ad gentes et qui concerne ceux qui ne connaissent pas le Christ. Au sens large, l’évangélisation concerne l’aspect ordinaire de la pastorale et de la nouvelle évangélisation pour ceux qui ne suivent plus une conduite chrétienne. Le respect de votre vocation particulière dans le champ missionnaire au sein de l’Eglise d’Abidjan, ne vous donne pas le droit de fonctionner en dehors de la vie diocésaine.

Dans cet esprit de partage et de solidarité, je vous exhorte vivement vous aussi, à vous approprier les directives qui sont données à tous. Je crois fermement que l’intérêt du partage, c’est de mettre à la disposition de l’autre ce que nous avons en propre et qui lui fait défaut. Si nous travaillons ensemble, main dans la main à cet unique objectif, si nous faisons honnêtement cette démarche, dans la docilité à l’Esprit saint, nous découvrirons que chaque communauté, comme toute l’Eglise est un signe de communion et de partage.

En ce sens, je vous exhorte à participer en union avec vos curés respectifs, aux catéchèses, aux formations et autres activités qui seront  initiées sur vos paroisses pour la découverte et l’accueil de l’Esprit Saint qui est à l’origine de toute vocation. Je souhaite que tous, en cette année, vous travailliez en collaboration avec l’Eglise, votre Eglise !

4-  Appel aux leaders politiques

 

Chers frères et sœurs,

Comme chaque année, je me fais l’agréable devoir de m’adresser à vous qui animez la marche politique de notre pays pour vous encourager dans votre détermination à vouloir offrir ce qu’il y a de bien, de grand et de beau à nos concitoyens. Je prie pour que Dieu vous inspire toujours de concevoir ce qui est juste et de l’accomplir avec empressement.

Je me réjouis de vous entendre dire dans tous vos discours à juste titre d’ailleurs, que la Côte d’Ivoire notre pays, est au-dessus de tous les intérêts personnels. Je ne vous apprends rien si je vous dis que le vivre-ensemble est encore pour bon nombre de nos concitoyens à l’étape d’un vœu pieux.

Le phénomène des enfants en conflit avec la loi pour ne pas parler de ‘‘microbes’’ nous interpelle tous tant leur avenir nous préoccupe au plus haut point. Si à cet âge ils n’ont pas peur de verser le sang, qu’en sera-t-il quand ils deviendront des adultes? Les considérons-nous encore comme fils de ce pays? Si oui, nous devons faire, avec la plus grande détermination, tout ce qui est en notre pouvoir pour les sortir de leur égarement.

Vous conviendrez avec moi que le manque d'humilité et le refus des différences, l’égoïsme et l'orgueil génèrent presque toujours les animosités, la haine et les situations confligènes. Il en va de même avec le chômage, la dégradation des mœurs et du tissu social avec pour corollaire la paupérisation de nos populations. Ces dernières années, nous apprenons que notre économie connaît une croissance de neuf (9) pour cent. Comment ne pas remercier ceux et celles qui ont contribué à cette performance? Mais il nous faut prendre conscience que la croissance économique laissée à elle-même ne réduit pas nécessairement les inégalités sociales. Il faut en même temps un élan de solidarité pour pouvoir conduire la croissance vers son véritable objectif. Cet objectif c’est le bonheur de l’homme, c’est la stabilité des familles, c’est l’éducation des enfants dans une atmosphère saine et équilibrée.

Beaucoup de nos frères et sœurs ont le sentiment que la croissance ne profite en fait qu’à une infime minorité et que la pauvreté se fait sélective. Je crois fraternellement qu’il revient à ceux qui gouvernent nos Etats de créer le cadre de ce partage et de cette solidarité et d’en prendre les moyens. J’encourage fortement une politique économique qui assure une juste distribution des ressources nationales.

Nous proclamons dans notre hymne national que nous sommes ‘‘Terre d’espérance, pays de l’hospitalité…’’ Je pense pour ma part que cette terre d’espérance que Dieu nous a donnée, c’est celle où tout le monde est heureux parce que vivant dans le partage et la solidarité, mangeant les fruits qu’offre la mère patrie à tous ses enfants, fiers artisans de sa grandeur, tous rassemblés pour sa gloire ! Et si ‘‘le pays nous appelle’’, c’est tous ensemble que nous devons relever le défi de sa construction.

Par ailleurs, le temps est arrivé pour que souffle enfin sur notre pays, la grâce de l’indulgence, cette indulgence qui respecte la justice mais qui va au-delà pour faire ressortir la miséricorde. Et si l’horizon 2020 est pour bientôt, je souhaite de tout mon cœur qu’il se construise sur la base du partage et de la solidarité. Ouvrons large les portes de nos cœurs et laissons l’Esprit de Dieu agir en nous !

5- Appel aux journalistes et hommes de médias

Chers amis des médias,

Ces derniers temps, j’ai pu davantage me rendre compte du pouvoir que vous pouvez exercer sur nos concitoyens. Beaucoup de vos articles de presse ont réussi l’exploit de nous déconnecter de la réalité du moment pour nous plonger déjà en 2020, crispant les attentions et les énergies uniquement vers cet horizon, oubliant que Dieu seul est Maître de la vie et que d’ici là, nous avons à vivre ensemble, au quotidien !  

Je vous invite à méditer encore et toujours ces paroles du Pape François: ‘‘que de mal les paroles ne font-elles pas lorsqu’elles sont animées par des sentiments de jalousie ou d’envie ! Mal parler du frère en son absence, c’est le mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux ragots. Ne pas juger et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne pas permettre qu’elle ait à souffrir de notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir.’’

Ceux qui achètent vos journaux ne sont-ils pas vos frères et sœurs ? La charité commande-t-elle vos écrits ? Vos écrits sont une forme de partage : partage de l’information, partage de vérités sur la vie et la marche du monde et de notre pays ! Mais quand un partage est biaisé, consciemment faussé, ne pensez-vous pas qu’il peut être source de conflit ?

L’an dernier, à l’occasion de la rentrée pastorale, je vous disais que ‘‘je crois fortement que vous nous rendriez un grand service, si vous acceptez de vous mettre au service de la communication, de l’information, de l’éducation et du divertissement, rien que cela, en évitant d’être au service d’un intérêt politique ou mercantile. Etre au service de l’unique vérité, sans passion et sans compromis, voici ce que j’attends de vous pour cette année que Dieu nous donne et que nous voulons accueillir avec vous, comme une année de grâce accordée par le Seigneur. Sur ce chemin de la communication de l’unique vérité, sans fards et sans faux-fuyants, vous pouvez compter sur ma prière.’’

Ai-je été seulement écouté et compris ? De même que Dieu ne désespère de personne, moi non plus, je ne désespère de personne et je continue de croire que votre rôle dans nos états est trop important. Au nom du Seigneur, je vous exhorte à nous aider, par vos plumes, à désarmer les cœurs endurcis, pour que notre vœu de vivre une année de partage et solidarité ne soit pas une simple vue de l’esprit.

Pour vous, partage et solidarité doivent rimer avec charité. Je sais que le Saint Esprit est capable de vous conduire vous aussi, mais à condition que vous l’acceptiez, vous aussi. Je prie pour vous.

6-  Appel aux forces de Défenses et de Sécurité.

 

Chers frères et sœurs des forces de défense et de sécurité.

L’idée de la création d’une aumônerie des Forces de Défense et de Sécurité est née d’une part, de la sollicitude de l’Eglise à vouloir accompagner et surtout permettre à tous ses enfants de vivre là où l’appel de Dieu les a placés, mais d’autre part, de votre désir, (et c’est un droit), de vouloir vivre ce qui fait la spécificité de votre appel, de votre vocation.

Je ne vous apprends rien si je vous dis que depuis un peu plus d’une décennie déjà, la vie de nos concitoyens et de ceux qui vivent sur notre terre de Côte d’Ivoire est régulièrement marquée par des spasmes. Face aux crises à répétitions, face aux bruits, fondés ou infondés mais incessants de bottes, vos frères et sœurs ressemblent pour beaucoup à des malades agonisants, qui convulsent et espèrent de tout cœur qu’une solution durable va être trouvée pour les guérir de leurs maux.

Cette espérance, ils l’ont placée dans les accords successifs qui n’ont malheureusement pas réussi à leur apporter la paix et la sérénité qu’ils étaient en droit d’attendre d’eux, amenuisant ainsi, de jours en jours, leurs chances de voir notre beau pays redevenir ce pays de la vraie fraternité, cette terre d’espérance, valeurs qui jadis, faisaient notre fierté à tous. Aujourd’hui, ils vous regardent de ce regard qui interroge, supplie et mendie compassion sinon, solidarité de votre part !

Quelle opinion le peuple a-t-il de vous ? Arrivez-vous à leur inspirer encore confiance ? L’invitation qui nous est faite de la part du Seigneur à ‘‘infuser les énergies éternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile dans les veines du monde moderne’’ est toute aussi valable pour vous ! Si vous décidez, ce dont je ne doute point, de vous laisser transformer et vivifier par le Saint Esprit, vous parviendrez, en collaboration avec vos frères d’armes, à participer à cet élan que l’Esprit même veut impulser à notre Église d’Abidjan et partant, à notre pays. Je prie pour que Dieu vous prenne en grâce et vous bénisse tous !  

7- Appel aux parents et aux Syndicats et Associations des élèves et étudiants

‘‘Il faut [ ] aider les enfants et les jeunes gens – en tenant compte des progrès des sciences psychologique, pédagogique et didactique – à développer harmonieusement leurs aptitudes physiques, morales, intellectuelles, à acquérir graduellement un sens plus aigu de leur responsabilité, tant dans l’effort soutenu pour mener droit leur vie personnelle que dans la poursuite de la vraie liberté, en surmontant à force de courage et de générosité tous les obstacles. Qu’ils reçoivent une éducation sexuelle positive, prudente, qui progressera au fur et à mesure qu’ils grandiront. Qu’ils reçoivent, en outre, une formation à la vie en société qui, en leur fournissant convenablement les moyens nécessaires et opportuns, les rende capables de s’insérer de façon active dans les différents groupes de la communauté humaine, de s’ouvrir au dialogue avec autrui et d’apporter de bon cœur leur contribution à la réalisation du bien commun’’. EC 1

Chers parents,

De plus en plus dans notre pays, les années scolaires et universitaires se suivent et se ressemblent sans presque jamais avancées. Pour tout dire, nous avons l’impression que l’école ivoirienne marche à reculons. Il ne se passe plus d’année sans que le spectre d’une année blanche ne vienne troubler le sommeil et la quiétude de tous : parents, enfants, éducateurs, enseignants et gouvernement. Ce dont il est question, c’est la crédibilité des diplômes de ceux qui auront en charge la conduite des affaires de notre pays.

Si l’on peut se réjouir des efforts consentis par beaucoup d’entre vous pour assurer une certaine qualité de formation en envoyant leurs progénitures à l’étranger, je me demande si les moyens que nous y mettons, pris ensemble, ne peuvent pas servir d’investissement pour notre pays afin d’en améliorer son système éducatif. Je pense très humblement que la question des états généraux de l’école ivoirienne s’imposent avec acuité et que la question soit traitée avec diligence et sérénité, sans passion et sans exclusion d’aucun sachant sur la question ! Il y a donc urgence à agir.

C’est au nom de la solidarité que nous voulons vivre cette année que je vous lance cet appel. Je crois qu’on ne peut plus se satisfaire d’aller former nos enfants à l’étranger et encore à quel prix ? Je le dis en pensant à l’environnement dans lequel à leur retour ils viendront travailler pour leur pays, à moins qu’ils aient décidé de s’expatrier volontairement. Mais est-ce bien là la solution ? Nous avons tous intérêt à faire en sorte que les choses aillent de l’avant pour tous et c’est notre responsabilité à tous qui est engagée.

Chers fils membres, adhérents ou sympathisants des syndicats et autres associations d’élèves et d’étudiants, c’est également au nom de la solidarité avec vous que je m’autorise à vous faire cette adresse. Voir des enfants, des jeunes courir les rues, le sac au dos, poursuivis par d’autres jeunes si ce n’est par les forces de police et de gendarmerie, est un spectacle qui me désole et m’afflige au plus haut point. Cela doit prendre fin.

J’ai pour coutume de dire que personne dans la vie ne recule en âge, pas même vous ! La prise de conscience à laquelle je vous invite, c’est celle qui fait de vous des jeunes responsables, qui savent comment et à quel moment ils posent leurs problèmes sans donner l’impression qu’ils sont instrumentalisés ! C’est de votre avenir qu’il est question en fin de compte. Demain, que vous restera-t-il des nombreuses années scolaires et académiques étriquées auxquelles vous avez eu droit ? Qui prendra au sérieux vos diplômes et vos personnes quand vous avez passé tout le temps à faire des grèves ?

Le monde de demain si ce n’est celui d’aujourd’hui est très exigeant et ne saurait s’accommoder de personnes qui refusent tout effort. Si l’on peut comprendre certaines de vos doléances, on peut aussi s’interroger sur la façon dont vous les exposer ? La violence appelle toujours la violence, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit sa puissance. Je vous exhorte à comprendre que d’ici une quinzaine voire une vingtaine d’années, beaucoup de ceux que vous ‘‘combattez’’ aujourd’hui ne seront plus aux affaires. Et vous, que seriez-vous devenus entre temps ? 

Aux pouvoirs publics

‘‘ Le devoir et le droit premiers et inaliénables des parents est celui d’éduquer leurs enfants ; ils doivent donc jouir d’une liberté véritable dans le choix de l’école. Le pouvoir public, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doit respecter la justice distributive en répartissant les subsides publics de telle sorte que les parents puissent jouir d’une vraie liberté… conformément à leur conscience’’ EC 6. Veillez donc à ne pas octroyer les bourses qu’à vos enfants, parents, amis et connaissances.

Je sais que vous consentez beaucoup d’efforts et de sacrifices pour l’avenir et l’éducation de nos enfants de manière à leur assurer la meilleure formation possible. Mais lorsque quelqu’un, qui plus est un enfant, un jeune, se pose des questions sur votre intention à son endroit, n’y a-t-il pas à se remettre soi-même en question ne serait-ce que pour se faire comprendre ? Je ne veux pas croire que cette génération est ratée, perdue, pour ne pas trouver avec elle et pour elle un terrain d’entente. En parlant d’enfants et de jeunes, je pense à l’avenir de notre pays et je crois qu’il n’y a aucun sacrifice qui soit trop grand pour notre pays.

CONCLUSION

Aujourd’hui, c’est nous tous que le Christ envoie sur les chemins du monde à telle enseigne que chacun de nous devrait pouvoir dire : ‘‘je dois être le Christ sous les apparences du médecin, de l’enseignant, de l’homme politique, de l’ouvrier, de la ménagère, de l’élève, de l’étudiant’’ etc. Voulons-nous que la paix revienne dans notre pays ? Alors soyons le Christ, là où se joue la justice des hommes. Voulons-nous une jeunesse acquise aux valeurs morales de probité, alors parents, soyons le Christ là où se joue leur éducation. Voulons-nous d’une économie dont les fruits participent au bien-être de tous ? Alors soyons le Christ sous les apparences de ceux qui ont le pouvoir de décider et d’influencer positivement les programmes économiques.

Aujourd’hui plus qu’hier, l’évangélisation est un devoir pour tout chrétien et aucun chrétien digne de son baptême, n’a le droit d’échapper au dur mais combien magnifique devoir d’évangéliser. Sachons-le, Dieu a un message pour notre monde, pour notre pays, pour nos communautés, pour nos familles et c’est à chacun de nous, à la suite des disciples, qu’il appartient de le faire entendre. Ce message, c’est l’invitation à vivre de partage et de solidarité avec la force que donne le Saint Esprit.

Il est vrai que pour nous africains, le partage et la solidarité sont une réalité que nous connaissons, mais elle a ses limites, car elle ne s’applique que dans le cercle restreint de la famille, du village. Tout en condamnant ceux qui ne veulent rien faire et qui ne cherchent qu’à vivre aux crochets des autres, nous chrétiens, mus par le Saint-Esprit, devons vivre de partage et de solidarité avec tous les nécessiteux, les malades, les prisonniers, les laissés pour compte.

En terminant, je nous invite tous à garder à l’esprit, les propos de Benoît XVI : ‘‘la nouvelle évangélisation concerne, en particulier, le service de l’Eglise en vue de la réconciliation, de la justice et de la paix. Par conséquent, il est nécessaire d’accueillir la grâce de l’Esprit Saint qui nous invite : ‘‘Laissez-vous réconcilier avec Dieu’’ (2Co.5, 20).Alors,vous serez en mesure de devenir des artisans de la réconciliation au sein des communautés ecclésiales et sociales dans lesquelles vous vivez et œuvrez ! ’’ AM 169

A tous, je souhaite une bonne rentrée pastorale et vous confie tous à l’intercession bienveillante de la Vierge Marie, Notre Dame de la Paix et de la réconciliation et de Saint Paul. Qu’à leur intercession, une nouvelle Pentecôte gagne nos cœurs et notre pays !

 

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ Archevêque Métropolitain d’Abidjan

 



[1] Pape Jean XXIII, Bulle d’indiction du Concile Vatican II (Introduction)

[2] CEC n°1322-1323

[3] GS 1