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MESSAGE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE MONDIALE DU MIGRANT ET DU REFUGIE

Cathédrale Saint Paul du Plateau Abidjan

Dimanche 14 janvier 2018 

‘‘L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été immigrés au pays d’Egypte. Je suis le Seigneur votre Dieu.’’ Lv19, 34

Excellence,
Révérends Pères,
Honorables invités,
Frères et sœurs en Christ,

Les mots que vous venez d’entendre sont ceux que notre Saint Père le Pape François a choisis pour débuter son adresse à l’occasion de la 104ème journée mondiale du migrant et du réfugié, pour cette année 2018. L’invitation qui nous est faite, c’est celle de les accueillir, de les protéger, d’œuvrer à faire en sorte que ‘‘tous les migrants et les réfugiés ainsi que les communautés qui les accueillent soient mis en condition de se réaliser en tant que personne dans toutes les dimensions qui composent l’humanité voulue par le Créateur.’’ Mais cela ne saurait suffire de l’avis du souverain Pontife, s’il n’existe pas une autre dimension, celle de leur intégration!

 

Ce message du Pape à l’occasion de la journée mondiale du migrant et du réfugié, se résume pour ainsi dire en quatre verbes, comme le souligne le Pape François lui-même : ‘‘accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés.’’ Pour ceux qui ont été attentifs au message qu’il nous adressait déjà à l’occasion de la journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2018, on ne peut rester indifférents face à la grande similitude qui existe entre ces deux messages, au début d’année civile 2018 !

Mais cette similitude, n’est-ce pas le clin d’œil que le Christ qui s’est lui-même identifié à l’étranger (Cf. Mt25, 35) fait à notre humanité invitée à s’arrêter pour réfléchir, au-delà de la question des migrants et des réfugiés, sur le problème toujours actuel du rapport à l’autre, surtout quand celui-ci est dans la situation où l’éloignement de sa terre natale le fragilise?

En décidant de venir présider moi-même cette célébration eucharistique marquant la quatrième édition du genre dans notre pays, je veux ainsi endosser la vocation de notre Eglise catholique qui veut rappeler de par le monde, ses convictions et ses engagements pour que soient respectés et reconnus, dans leurs droits et dignité, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et tous les hommes et femmes de la migration. Je crois fermement que l’homme, tout homme est la route qui mène à Dieu. Bien plus et, comme l’affirme le Pape François dans son message : ‘‘tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43).

Frères et sœurs,

Le Christ notre Seigneur Jésus ne dit pas autre chose dans l’évangile que nous venons d’entendre, où il s’identifie clairement à l’autre, et en particulier aux petits : “…Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait… Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.”

Par ailleurs, vous aurez remarqué avec moi que les situations difficiles décrites par le Christ dans l’évangile sont pour la plupart, le lot quotidien des migrants et des réfugiés : ‘‘avoir faim, avoir soif, être nu, être malade ou en prison,” bref, être un étranger. Peut-on raisonnablement passer sous silence le fait de manquer de secours en pareille circonstance !

Une bonne analyse de cet extrait de l’évangile nous révèle que les situations difficiles qui sont décrites ici, sont autant d’appels à faire œuvre de miséricorde dans un monde marqué aujourd’hui particulièrement par l’individualisme, l’égoïsme, le repli de chacun sur ses intérêts ; un monde où nos sociétés se referment sur elles-mêmes, rêvent de se protéger et de se barricader ; un monde dont la devise semble être ‘‘chacun pour soi et Dieu pour tous.’’

Cette situation devrait nous interpeller tous. Comme dit le Pape François : ‘‘il s’agit sans doute d’un ‘‘signe des temps’’ que j’ai essayé de lire…’’ et qui nécessite ‘‘la sollicitude de l’Église envers les migrants, les personnes déplacées, les réfugiés et les victimes de la traite.’’ En d’autres mots, il s’agit pour les hommes d’aujourd’hui que nous sommes, de découvrir la présence de Jésus dans le prochain qui souffre, et d’opposer à cette découverte, la tendance bien moderne qui consiste à manquer de disponibilité et de générosité devant la souffrance d’autrui, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne!

En tant que chrétiens, nous avons une très grande responsabilité dans la marche du monde. A propos de responsabilité, n’est-il pas possible de trouver en notre sein, ici en Côte d’Ivoire comme partout ailleurs en Afrique, des jeunes ivoiriens, des jeunes africains, des chrétiens catholiques ou d’autres religions, des hommes et des femmes de bonne volonté, capables de prendre en charge leurs frères et sœurs dont la situation d’éloignement de leur terre natale a fini par fragiliser ?

Comme dit le Saint Père dans son message, ‘‘cette sollicitude doit s’exprimer concrètement à chaque étape de l’expérience migratoire : depuis le départ jusqu’au voyage, depuis l’arrivée jusqu’au retour. C’est une grande responsabilité que l’Église entend partager avec tous les croyants ainsi qu’avec tous les hommes et femmes de bonne volonté, qui sont appelés à répondre aux nombreux défis posés par les migrations contemporaines, avec générosité, rapidité, sagesse et clairvoyance, chacun selon ses propres possibilités.’’

Je suis conscient qu’il est difficile de répondre à toutes les demandes qui nous sont faites tant elles sont nombreuses ! Mais, allons-nous continuer à attendre toujours et encore que ce soit les autres qui agissent pour nous ? Allons-nous toujours continuer à tendre la main, comme des mendiants, alors que c’est le Christ qui se présente à nous?

Dans l’évangile, si l’on peut être légitimement surpris par le fait que ceux qu’on appelle les brebis aussi bien que les chèvres ignorent que la personne qu’ils ont secourue ou pas selon le cas, était le Christ lui-même; d’où leur étonnement quand le Fils de l’homme énumère ce qui a été fait puis ce qui ne l’a pas été. On doit avouer que le Seigneur que nous cherchons à servir se cache bien souvent sous les traits du prochain. Mais comment y parvenir concrètement ?

Le livre du Lévitique dont nous avons entendu un extrait en première lecture nous donne des indications : ‘‘si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'opprimerez point. Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte. Je suis l'Eternel, votre Dieu. Vous ne commettrez point d'iniquité ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesures de capacité…’’

Ici, il est simplement question de respecter la dignité de l’autre, de l’étranger et disons-le, du migrant ou du réfugié. Le Pape François ne dit pas autre chose quand il affirme que ‘‘au nom de la dignité fondamentale de chaque personne, il faut s’efforcer de préférer des solutions alternatives à la détention pour ceux qui entrent sur le territoire national sans autorisation…Cette protection commence dans le pays d’origine et consiste dans la mise à disposition d’informations sûres et certifiées avant le départ et dans la prévention contre les pratiques de recrutement illégal’’

C’est pourquoi, je souhaite que, dans le respect de leur dignité, leur soient accordés la liberté de mouvement dans le pays d’accueil, la possibilité de travailler et l’accès aux moyens de télécommunication. Pour ceux qui décident de retourner dans leur pays, je souligne l’opportunité de développer des programmes de réintégration professionnelle et sociale.

Comme vous le constatez, il y a beaucoup à faire pour aider nos frères et sœurs en situation difficile en dehors de leurs pays d’origines et c’est en conjuguant nos efforts, autorités politiques et religieuses, hommes et femmes de bonne volonté, que nous réussirons ensemble le pari du vivre-ensemble indispensable à tout développement.

Nous ne pouvons pas, mieux nous ne devons plus nous satisfaire des slogans creux et vides de sens. Il nous faut agir aujourd’hui et maintenant car demain serait certainement trop tard ! Mon rêve qui est aussi un vœu, c’est que nous africains, nous fassions entendre la voix de l’Afrique, partout où besoin sera, non pas celle qui mendie, mais celle qui parle d’égal à égal avec les autres pays de la terre, car comme il est dit dans la deuxième lecture de ce jour : ‘‘… il n’y a plus de distinctions : Juif et Grec, esclave et homme libre, homme et femme, tous vous êtes devenus un… vous êtes la descendance d’Abraham, les héritiers de la promesse.’’

 Frères et sœurs,

C’est à nous tous qu’il appartient de faire en sorte que personne ne soit exclu de cet héritage commun à notre humanité ! Plaise à Dieu d’infléchir nos cœurs pour nous sensibiliser davantage sur la question du migrant, du réfugié, de notre prochain, aujourd’hui, demain et dans les siècles des siècles. AMEN !

 

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ

Archevêque Métropolitain d’Abidjan