HOMELIE : Jeudi Saint

            Ce jour là, à Jérusalem, treize hommes s’étaient réunis pour manger le repas pascal. C’était un rite qu’ils avaient dû accomplir fidèlement chaque année ensemble : Voici, en effet, trois années qu’ils ont rencontré Jésus, le nazaréen, et qu’ils vivent avec lui, participent à sa prédication. Mais, ce jour là, en commençant le repas à la tombée de la nuit, leurs sentiments sont divers : Jésus, lui, sait que c’est le dernier repas qu’il partage avec eux, aussi, il veut leur livrer un dernier témoignage d’amour. Judas se prépare à trahir ; dans quelques instants, il va faire le nécessaire pour que Jésus soit arrêté…Néanmoins, il est encore là au milieu du groupe. Les onze autres disciples ignorent tout cela ; cependant, ils sont inquiets à cause des oppositions grandissantes qui se manifestent à l’encontre de leur maître et de leur groupe, c’est pendant ce repas que Jésus va donner un dernier message, à la fois pour les aider à comprendre tout ce qu’il a voulu faire et leur donner le sens de sa mort et de sa résurrection, en même temps pour l’avenir.

Ce testament que Jésus nous livre, ne nous est pas donné seulement par des paroles, mais par deux gestes, deux signes.

 

v Le premier signe est celui du pain et du vin.

        Partager le pain, c’est un signe d’amitié, de fraternité : Souvent, un repas est cette manifestation d’amitié envers celui ou celle que nous avons invité à notre table.

       Pendant le carême, nous avons essayé de partager ce pain avec ceux qui sont loin de nous et qui en sont presque totalement dépourvus : Pour eux, le pain n’est pas seulement un signe d’amitié ; il est une nécessité urgente et précieuse qui peut leur permettre de faire reculer la mort. Ce pain partagé, est un peu de vie qui leur est donner (évocation de la campagne de carême et de la collecte qui sera faite peut-être tout à l’heure).

Vie et amour, ce sont deux aspects que Jésus veut mettre en valeur en prenant un morceau de pain ; comme si , avant sa mort, il voulait nous rappeler que toute la Bonne Nouvelle peut se résumer dans ces deux mots :

 

  • La vie : Jésus nous a montré qu’elle n’était pas donnée seulement par le pain, mais par la parole de Dieu. Notre faim ne doit pas être un désir des biens matériels, mais du royaume qu’il est venu annoncer. Si nous ne sommes pas les plus démunis du globe au plan du pain, nous sommes souvent un peu « sous-développés » au plan de la vie spirituelle : Ce soir, le seigneur nous partage le pain, qui est sa propre vie qu’il met en nous.
  • L’amour : Jésus veut nous redire qu’il n’est pas venu annoncer une simple fraternité entre les hommes ou venu donner quelques conseils pour une vie en société basée sur le partage. Cela, d’autres l’ont fait avant lui et beaucoup d’autres après.    

                                             

S’arrêter à cet aspect et faire du dernier repas de Jésus-Christ un simple exemple de partage, c’est cacher le message du seigneur.

   En donnant le pain, il ne partage pas quelque chose qui lui appartient : Il nous donne sa vie, il nous donne tout. En présentant la coupe, il ne veut pas simplement donner un geste fraternel mais un engagement, une alliance avec chacun de nous : Alliance dont la preuve sera sa mort et son sang qu’il donne pour nous. Dans l’eucharistie, je deviens frère de celui qui est à côté de moi, mais aussi de tous les hommes, non pas parce que je lui donne une poignée de main, mais parce qu’ensemble, nous allons tendre la main pour recevoir le corps du seigneur, parce qu’ensemble, nous prenons la main que le seigneur nous tend et qui fait de nous ses frères. Mais Jésus a voulu nous laisser Cet autre signe est le lavement des pieds : Par ce geste, il voudrait nous laisser deux consignes importantes :

         D’abord reconnaître que notre vie, la véritable vie d’enfant de Dieu, n’est pas possible qu’avec son aide. Au geste de protestation de Pierre « Non tu ne me laveras pas les pieds », Jésus répond : « si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi », c’est-à-dire si tu n’acceptes pas mon aide, si tu ne reconnais pas que c’est moi qui te sauves, tu es perdu. Si nous sommes-là ce soir, c’est bien parce que nous reconnaissons que le Christ nous sauve.

       Un second message se trouve dans le geste du serviteur : Il y a en effet quelque chose de surprenant dans le geste de Jésus : Lui qui a essayé pendant trois années de montrer qui il était, lui qui,a parlé avec tant d’autorité, qui a rassemblé des foules, lui qui a révélé d’où était son père au moment de faire ses adieux, se met à genoux devant ses disciples pour leur laver les pieds : Geste humble, geste du serviteur à l’égard de son maître. On comprend facilement l’étonnement et l’opposition des disciples : Même s’ils n’ont pas encore tout compris de ce que Jésus a cherché à leur révéler, ils n’acceptent pas ce rôle de serviteur que Jésus accomplit. Il leur semble que c’est eux qui devraient  accomplir  ce geste pour lui. Et c’est pourtant dans ce geste que Jésus nous donne son testament ;     d’abord en nous montrant qu’il faut réviser notre regard et notre manière de penser :  

       Le plus grand pour nous n’est pas souvent celui qui accomplit les tâches les plus humbles ? Dans le royaume de Dieu, la grandeur de quelqu’un est en proportion du service qu’il rend à ses frères. Dans le royaume de Dieu, toute autorité et tout pouvoir est d’abord un service. Cela devrait être ce soir une réflexion pour chacun d’entre nous : Si nous avons une responsabilité dans  l’Eglise, dans la communauté, demandons-nous comment nous nous mettons au service des autres : Le plus grand, c’est celui qui se met à genoux pour servir l’autre. Dans les responsabilités que nous avons dans notre travail, dans  nos associations, dans la vie de la cité, le service est-il notre premier but ?

 Mais je crois que Jésus veut aussi nous montrer une seconde chose : Ce qui est important, c’est l’acte et non les paroles. Au niveau de la charité fraternelle, nous avons souvent de très belles paroles pour les plus pauvres, les plus démunis, les isolés ; et voici que ce soir le seigneur nous rappelle que c’est insuffisant : Celui qui aime, ce n’est pas celui qui parle de son frère, mais celui qui fait quelque chose pour lui. Et, afin que nous nous sentions tous concernés, il nous donne l’exemple d’un geste simple et humble, d’un acte qui est à la portée de tous. «Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » nous dit-il. Par quel geste saurons-nous traduire cette consigne : Pas simplement dans notre célébration mais vis à vis de ceux et celles qui nous sont proches dans la vie de demain ?

-         Jésus a choisi le geste du lavement des pieds pour prouver combien il aimait ses disciples. Par quel geste, même humble, pouvons-nous montrer à ceux qui sont proches que nous les aimons ?

-         Jésus a pris la place du serviteur, sa mort elle-même sera la mort d’un homme du peuple : Deux brigands seront à côté de lui…Sommes-nous réellement des serviteurs vis à vis de la communauté ?      

 

Père DIAHOU

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