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MESSAGE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA MESSE DE LA PAIX

Cathédrale Saint Paul du Plateau Abidjan
Vendredi 28 décembre 2012

‘‘Notre temps marqué par la mondialisation, avec ses aspects positifs et négatifs, mais aussi par des conflits sanglants toujours en cours et par des menaces de guerre, demande un engagement renouvelé et collectif pour la recherche du bien commun, du développement de tous les hommes et de tout l’homme.


Les foyers de tension et d’opposition causés par des inégalités croissantes entre riches et pauvres, par la prévalence d’une mentalité égoïste et individualiste qui s’exprime également au travers d’un capitalisme financier sans régulation, nous inquiètent. En plus des différentes formes de terrorisme et de criminalité internationales, les fondamentalismes et les fanatismes qui défigurent la vraie nature de la religion, appelée qu’elle est à favoriser la communion et la réconciliation entre les hommes sont autant de dangers pour la paix.


Et pourtant les nombreuses œuvres de paix dont le monde est riche, témoignent de la vocation innée de l’humanité à la paix. En chaque personne, le désir de paix est une aspiration essentielle qui coïncide, d’une certaine façon, avec le désir d’une vie humaine pleine, heureuse et accomplie. L’homme est fait pour la paix qui est don de Dieu.’’


Eminence Bernard Cardinal AGRE,

Madame la Première Dame représentant son Excellence Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire,

Monsieur le Premier Ministre,
Excellence Monseigneur,

Excellence Monseigneur,

Révérend Père Mattéo, Chargé d’Affaire a.i. de la Nonciature Apostolique en Côte d’Ivoire,


Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Messieurs et Madame les Présidents des grandes Institutions de la République,

Messieurs et Mesdames les Membres du gouvernement,

Messieurs et Mesdames les Membres du Corps diplomatique, Honorables autorités politiques, administratives, militaires et coutumières,


Chers frères Membres du Forum des Confessions religieuses, Révérends Pères, Révérends frères, Révérendes sœurs,

Frères et sœurs en Christ,


Les paroles que vous venez d’entendre, ce sont celles que Notre Saint Père le Pape Benoît XVI a voulu adresser cette année aux hommes et aux femmes de notre temps, à l’occasion de la journée mondiale de la Paix. Elles ont le mérite d’attirer notre attention non seulement sur les dangers de toutes sortes qui guettent notre monde moderne, mais aussi sur les attentes profondes de notre humanité, une humanité qui aspire à l’avènement d’un monde où règneraient la concorde et la paix, afin que puissent se réaliser toutes nos aspirations à une vie heureuse et prospère.


Cette aspiration à la concorde et à la paix, c’est également celle de notre cher pays la Côte d’Ivoire. Oui, nous rêvons d’un pays, véritablement terre d’espérance pour tous ses fils et filles, un pays de vraie fraternité comme inscrit dans notre hymne nationale. Cela passe inéluctablement par des efforts sans cesse continus de la part de tous. C’est pourquoi, cette année, j’ai décidé de commenter le message du Pape en l’actualisant avec notre contexte propre.


Frères et sœurs,


Il y a de cela quelques jours, nous avons tous appris avec beaucoup de joie, la mise en liberté provisoire de certains de nos frères emprisonnés à la suite des événements postélectoraux que notre pays a connu. Cela est un grand signe d’apaisement pour nous, tout comme pour les bénéficiaires et les membres de leurs familles. Nous ne pouvons que saluer de telles initiatives qui vont dans le sens de la paix que nous recherchons. Un grand merci au Seigneur et à toutes nos autorités en particulier au Président de la République. Cependant, on ne peut oublier, en cette fin d’année, tous ceux de nos frères et sœurs qui vivent encore en exil ou en prison, en attente de jugement. Ils attendent certainement de nos gouvernants d’autres signes forts, qui les rassurent, leur permettent d’espérer.


Comme dit le Saint Père, ‘‘… la paix implique action, compassion, solidarité, courage et persévérance’’. Après la grave crise que nous avons connue, force est de reconnaître que certains parmi nous n’ont pas totalement laissé derrière eux, leurs désirs de vengeance, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, alors que la sagesse nous enseigne qu’il ya un temps pour tout. C’est notre intérêt à tous que la paix advienne. C’est notre intérêt à tous, de ne pas seulement parler de paix, mais de prendre tous résolument le chemin qui y conduit.


Or, comme dit le Saint Père, ‘‘la réalisation de la paix dépend avant tout de la reconnaissance d’être, en Dieu, une unique famille humaine. Celle-ci se structure, à travers des relations interpersonnelles et des institutions soutenues et animées par un ‘‘nous’’ communautaire, impliquant un ordre moral, interne et externe, où sont sincèrement reconnus, selon la vérité et la justice, les droits réciproques et les devoirs correspondants. La paix est un ordre vivifié et structuré par l’amour; ainsi chacun ressent comme siens les besoins et les exigences d’autrui, fait partager ses propres biens aux autres et rend la communion aux valeurs spirituelles toujours plus répandue dans le monde. Cet ordre se réalise dans la liberté, c’est-à-dire de la façon qui convient à la dignité des personnes qui, par leur nature raisonnable elle-même, assument la responsabilité de leurs actes’’.


Si nous voulons donc la paix, il faut que chacun de nous assument la responsabilité de ses actes. Or que nous est-il donné de constater. A la moindre difficulté, au moindre problème, les doigts et les regards accusateurs se tournent toujours et de façon presqu’instantanée, vers les autres que nous accusons de tous nos maux. Les solutions à nos problèmes, nous les attendons toujours et encore des autres, en nous excluant du processus qui nous ramènera la paix.


Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation de qui nous attendons beaucoup d’ailleurs. Mais, il nous faut prendre conscience qu’à elle seule, elle ne peut pas nous apporter la paix ! C’est à chacun de nous, qu’il incombe d’avoir des attitudes et des actes qui promeuvent la paix, si nous ne voulons pas que ce vœu, devienne une utopie. Je crois pour ma part, que nous avons à nous poser les vraies questions : qu’ai-je fait jusqu’à présent dans le sens de la paix ? Que dois-je faire encore pour une paix définitive en Côte d’Ivoire ?


Oui, avec le Saint Père, nous devons croire que ‘‘la paix n’est pas un rêve, ce n’est pas une utopie : elle est possible. Nos yeux doivent regarder plus profondément, sous la surface des apparences et des phénomènes, pour distinguer une réalité positive qui existe dans les cœurs parce que tout homme est créé à l’image de Dieu, et appelé à grandir, contribuant à l’édification d’un monde nouveau’’. Et le Pape de poursuivre pour dire que ‘‘l’artisan de paix…est celui qui recherche le bien de l’autre, le bien complet de l’âme et du corps, aujourd’hui et demain’’.


Ici en Côte d’Ivoire, sur le plan social et sans pour autant être pessimiste, il nous faut reconnaître que les effets tant escomptés de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, tardent à profiter au plus grand nombre : les jeunes continuent de s’interroger sur leur avenir ; l’université peine aussi à reprendre son envol malgré les énormes moyens mis à disposition pour la réhabiliter ; le panier de la ménagère est toujours aussi léger, même s’il nous faut avouer que la crise financière et économique mondiale n’a pas encore totalement été jugulé.


Encore sur ce point, le message du Pape doit nous rejoindre quand il dit que ‘‘pour sortir de la crise financière et économique actuelle – qui a pour effet une croissance des inégalités – il faut des personnes, des groupes, des institutions qui promeuvent la vie en favorisant la créativité humaine pour tirer, même de la crise, l’occasion d’un discernement et d’un nouveau modèle économique. Le modèle prévalant des dernières décennies postulait la recherche de la maximalisation du profit et de la consommation, dans une optique individualiste et égoïste, tendant à évaluer les personnes seulement par leur capacité à répondre aux exigences de la compétitivité.


Au contraire, dans une autre perspective, le succès véritable et durable s’obtient par le don de soi, de ses propres capacités intellectuelles, de son esprit d’initiative, parce que le développement économique vivable, c’est-à-dire authentiquement humain, a besoin du principe de gratuité comme expression de fraternité et de la logique du don.


Concrètement, dans l’activité économique, l’artisan de paix se présente comme celui qui instaure avec ses collaborateurs et ses collègues, avec les commanditaires et les usagers, des relations de loyauté et de réciprocité. Il exerce l’activité économique pour le bien commun, vit son engagement comme quelque chose qui va au-delà de son intérêt propre, au bénéfice des générations présentes et futures. Et ainsi, il travaille non seulement pour lui, mais aussi pour donner aux autres un avenir et un travail décent’’.


C’est fort de cela que le Pape nous invite à être des artisans de paix : ‘‘Heureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu’’ (Mt 5,9). Cet extrait des Béatitudes sur lequel s’appuie tout le message du Pape, pourrait nous incliner à penser que le bonheur auquel il nous invite, est seulement pour la vie dans l’au-delà. Loin s’en faut !


Pour le Pape, ‘‘la béatitude consiste plutôt en l’accomplissement d’une promesse adressée à tous ceux qui se laissent guider par les exigences de la vérité, de la justice et de l’amour, [même si] ceux qui mettent leur foi en Dieu et en ses promesses apparaissent souvent aux yeux du monde naïfs et éloignés de la réalité’’. A la vérité, ‘‘Jésus leur déclare qu’ils se découvriront être fils de Dieu non seulement dans l’autre vie mais déjà en celle-ci et que, depuis toujours et pour toujours, Dieu est pleinement solidaire d’eux. Ils comprendront qu’ils ne sont pas seuls parce qu’Il est du côté de ceux qui s’engagent en faveur de la vérité, de la justice et de l’amour’’.


Nous avons donc tous intérêt à être artisans de paix. Cette adresse prend une tournure particulière selon le Pape, avec la famille qui ‘‘a une vocation naturelle à promouvoir la vie : elle accompagne les personnes dans leur croissance et les incite au développement mutuel par l’entraide réciproque. La famille chrétienne, tout particulièrement, porte en elle le projet embryonnaire de l’éducation des personnes à la mesure de l’amour divin. La famille est un des sujets sociaux indispensables à la réalisation d’une culture de la paix. Il faut protéger le droit des parents et leur rôle premier dans l’éducation des enfants, tout d’abord dans le domaine moral et religieux. Dans la famille, naissent et grandissent les artisans de paix, les futurs promoteurs d’une culture de la vie et de l’amour.’’


De même, pour le Saint Père, les institutions culturelles et universitaires ont un rôle important à jouer dans cette recherche de la paix : ‘‘Il leur est demandé une contribution importante non seulement à la formation de nouvelles générations de leader, mais aussi au renouvellement des institutions publiques, nationales et internationales. Elles peuvent aussi contribuer à une réflexion scientifique qui enracine les activités économiques et financières dans un solide fondement anthropologique et éthique. Le monde actuel, particulièrement le monde politique, a besoin du support d’une nouvelle pensée, d’une nouvelle synthèse culturelle, pour dépasser les approches purement techniques et harmoniser les multiples tendances politiques en vue du bien commun. Celui-ci, considéré comme un ensemble de relations interpersonnelles et institutionnelles positives, au service de la croissance intégrale des individus et des groupes, est à la base de toute éducation véritable à la paix’’.


Enfin, pour parvenir à réaliser cet idéal, il ressort pour nous aujourd’hui plus que jamais, ‘‘la nécessité de proposer et de promouvoir une pédagogie de la paix. Elle demande une vie intérieure riche, des références morales claires et valables, des attitudes et des manières de vivre appropriées. En effet, les œuvres de paix concourent à réaliser le bien commun et créent l’intérêt pour la paix, en éduquant à la paix. Pensées, paroles et gestes de paix créent une mentalité et une culture de la paix, une atmosphère de respect, d’honnêteté et de cordialité. Il faut alors enseigner aux hommes à s’aimer, à s’éduquer à la paix, et à vivre avec bienveillance, plus que par simple tolérance. L’encouragement fondamental est celui de ‘‘dire non à la vengeance, de reconnaître ses torts, d’accepter les excuses sans les rechercher, et enfin de pardonner.’’’’


En terminant, avec le Pape, je voudrais nous inviter ‘‘à renoncer à la fausse paix que promettent les idoles de ce monde et aux dangers qui l’accompagnent, à cette fausse paix qui rend les consciences toujours plus insensibles, qui porte au repliement sur soi, à une existence atrophiée vécue dans l’indifférence’’.


Nous voici à l’orée d’une nouvelle année et comme vous le savez bien, chaque année nouvelle porte en elle l’attente d’un monde meilleur. C’est pourquoi, unis au Saint Père, je voudrais ‘‘qu’ensemble, nous demandions à Dieu de faire de nous des instruments de sa paix, pour porter son amour là où il y a la haine, son pardon là où il y a l’offense, la vraie foi là où il y a le doute. Demandons-Lui d’éclairer les responsables des peuples et particulièrement ceux de notre pays, afin que, tout en se préoccupant du légitime bien-être de leurs compatriotes, ils garantissent et défendent le précieux don de la paix.


Demandons enfin à Dieu d’enflammer la volonté de tous pour renverser les barrières qui divisent, renforcer les liens de l’amour mutuel, user de compréhension à l’égard d’autrui et pardonner à ceux qui nous ont fait du tort, de sorte que, grâce à son action, le peuple d’Eburnie sans oublier tous les peuples de la terre fraternisent et que parmi nous ne cesse de fleurir et de régner la paix tant désirée’’. Tels sont les vœux nourris d’espérance forte, indéracinable et rayonnantes que j’exprime à toute la nation ivoirienne, à toutes les familles et à chacun d’entre nous.
Oui, avec un cœur nouveau, un esprit nouveau, l’espoir est permis.


Chant : Donne-nous Seigneur, un cœur nouveau ; mets en nous Seigneur, un esprit nouveau…


+ Jean Pierre KUTWÃ

Archevêque d’Abidjan

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