LA FETE DE CHARITE ET DE LA POSE DE LA PREMIERE PIERRE DU PRESBYTERE

HOMELIE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ
ARCHEVEQUE D’ABIDJAN
A L’OCCASION DE LA FETE DE CHARITE ET DE LA POSE DE LA
PREMIERE PIERRE DU PRESBYTERE
Paroisse Saint Viateur de la Riviera Palmeraie  
Abidjan le 9 juin 2013


Révérends Pères,
Révérendes sœurs,
Chers frères et sœurs,
Chers invités,
La création d’une paroisse, si elle répond à un besoin d’ordre pastoral, celui de rapprocher davantage l’église de ses fidèles, nécessite au préalable que l’on puisse avoir les infrastructures humaines et matérielles capables de permettre le bon fonctionnement de cette paroisse. En septembre 2008, en décidant d’ériger ici dans ce quartier de la Riviera Palmeraie une paroisse, alors qu’il n’existait ni église, ni presbytère, ni bureau, j’avais volontairement fait entorse au principe édicté plus haut. C’est que, je savais pouvoir compter sur la détermination des chrétiens que vous êtes, pour que ce défi soit relevé.


Le 26 avril 2012, la visite pastorale que j’ai effectuée ici avait eu pour cadre l’Oratoire Saint Viateur, un appatam exigu qui n’offrait pas toutes les commodités pour une paroisse de plein exercice, sans compter les désagréments auxquels vous étiez soumis par temps d’intempéries. Le travail des vos pasteurs n’était pas du tout aisé : pas de bureaux pour recevoir les fidèles ; le cadre lui-même, celui du Collège des Clercs de Saint Viateur ne se prêtait pas à ce genre de vie paroissiale.
Ce jour là, nous avons beaucoup parlé et je pense que nous nous sommes entendus sur la nécessité pour vous de mettre en valeur l’espace dédié à la construction de votre future église ainsi que des infrastructures y afférentes. L’enjeu était de taille. Là où beaucoup auraient baissés les bras et cherchés à fréquenter un autre lieu de culte, une autre église, et je sais que certains sont partis, vous, avec une table pour autel, vous avez continué à rendre à Dieu le culte qui Lui revient, non sans espérer en des lendemains meilleurs, tout en comptant et sur la providence de Dieu et sur la charité de tous.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons sur le site de votre église en construction, un espace qui vous est propre. Vous avez sollicité et obtenu de moi que je vienne personnellement poser la première pierre de la construction de votre futur presbytère et présider cette Eucharistie au cours de laquelle des fonds seront levés pour faire face aux différents chantiers qui sont les vôtres.
Ma présence ici ce jour, veut être signe d’espérance en des lendemains nouveaux. Aujourd’hui, nous prions et nous espérons qu’ils sont vraiment finis, les moments où vous célébriez l’Eucharistie dans des conditions relativement difficiles et qu’ils sont loin, les moments où vous vous retrouviez sous des bâches qui vous offraient un confort moindre, sans pour autant vous enlever votre joie de vous retrouver autour du Seigneur. En accédant à votre requête, je veux vous exprimer ma proximité et mon soutien dans cette aventure.
Certes, les difficultés ont été nombreuses et peut-être le seront-elles davantage ? Peut-être encore, cette fête de la charité ne comblera pas toutes nos attentes ; Peut-être enfin, certains de vos bienfaiteurs ne répondrons pas comme vous l’espérez. C’est ici que je voudrais partager avec vous ma foi et mon espérance en Celui qui nous appelle tous à sa suite. Je suis donc venu vous annoncer que pour tous ceux qui ont choisis le Christ comme Maître et Seigneur de leurs vies, il est trop tard pour être pessimiste, car Dieu est et sera toujours le Maître de toute chose. N’ayez pas peur ! Christ est avec vous !
Chant : Christ est avec moi, je n’ai plus peur…
1-    Histoires de rencontres.
Dans l’évangile que nous venons d’entendre, la veuve de Naïm qui vient de perdre son unique enfant est dans une détresse extrême. Après la perte de son mari, voici que son fils, son unique soutien lui est arraché. On pourrait penser à raison que le malheur, vraiment s’est acharné sur elle. Dieu n’a-t-il donc pas pitié ? Des choses comme celles là, ne devraient jamais arriver ! Que va-t-elle devenir puisqu’il ne lui reste plus rien apparemment.
Mais voilà que sur le chemin, deux cortèges se croisent : le premier est formé de Jésus et de ses disciples avides de sa parole et surtout pleins d’espoirs. L’autre nous laisse deviner les gémissements des pleureuses et les réflexions de ceux qui suivent la civière mortuaire, remplis de tristesse devant ce cas si désespéré ! Une fois de plus, Jésus est en bute avec la souffrance, et quelle souffrance ! Dès cet instant, on peut parier que Jésus ait pu penser à celle que connaîtra un jour sa propre mère Marie, qui comme cette femme, sera veuve et perdra son fils unique.
Comment ne pas penser à tous les condamnés à la détresse, aux personnes abandonnées, touchées par toutes sortes de malheurs, ces personnes que nos sociétés rejettent et qui finissent par se retrouver dans la solitude la plus indicible ? Comment ne pas penser, à toutes ces personnes condamner à la pesanteur de la solitude et dont la vie finie par s’arrêter. Cependant, cette rencontre fortuite près de la porte de la ville, n’est-elle pas appel à la solidarité vraie?
Jésus aurait pu passer Lui aussi devant le cortège funéraire, ou le laisser passer. Mais Il a vu et Il a compris. Lui le Vivant par excellence comprend qu’une femme qui perd son enfant unique, n’est pas seulement une femme condamnée à la détresse ! C’est surtout  un être comme tant d’autres, voué à n’être plus rien, parce que n’ayant plus personne à aimer.
Dès lors, Il prend l’initiative d’aller vers cette veuve. Son regard, ses sentiments, ses paroles de consolation, le geste qui l’amène à toucher le mort, probablement enveloppé dans son linceul -un geste qui rend impur-, sont autant de signes qui révèlent un Jésus proche de celui qui souffre. Pas un mot n’est dit sur la foi de la femme, mais on apprend beaucoup sur la compassion de celui qui a le pouvoir de ressusciter les morts : ‘‘jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi’’ dira-t-il.
A cet instant précis, les deux cortèges se rencontrent et ne font plus qu’un ! A la malédiction d’un jour a succédé la réalisation de la promesse de Dieu pour le genre humain : ‘‘quand j’ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu, tu m’as guéri ; Seigneur tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre quand je descendais à la fosse…Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie.’’ Ps 29
C’est dire donc qu’il y a des rencontres qui changent, bouleversent nos vies. Et celle de ce jour avec le Christ en est une. Je prie pour tous les religieux et religieuses, prêtres, fidèles laïcs du Christ, qui ne ménagent aucun effort pour bâtir à Dieu ici dans ce quartier, une demeure qui Lui soit agréable, et qui souffrent assez régulièrement des rencontres de personnes indésirables, ces travailleurs d’une autre époque, qui viennent piller et voler, semant terreur et désarroi sur leur chemin. Oui, que le Seigneur Lui-même soit votre soutient et votre réconfort.
Chant : Il me soutient, Il est mon rempart, Il conduira toujours mes pas, ma vie est en Jésus, je sais qu’en Lui je suis victorieux. (Bis) L’orage viendra, le vent soufflera, les soucis m’accableront, toujours Il me soutient, toujours Il combattra, Jésus est présent, je ne crains rien, ma vie est en Jésus, je sais qu’en Lui je sui victorieux (Bis).
A propos de rencontre, avez-vous remarqué que c’est aussi le même message contenu dans la première lecture de ce jour. Parmi les points forts de ce beau récit, on appréciera le tact d’Elie devant une situation extrême de pauvreté et de douleur révoltée. On n’est pas loin de Jésus qui, Lui aussi, se fait mendiant fasse à la Samaritaine (Jn.4, 5-42) et la réanimation d’un fils unique n’est pas sans rappeler l’histoire de la veuve de Naïm que nous avons entendu dans l’évangile de ce jour, et qui nous suggère dans une certaine mesure que Jésus est le nouvel Elie.
Enfin et toujours dans la première lecture, Elie qui est persécuté doit fuir trouver refuge à Sarepta chez cette veuve. Et, là il suscite la vie chez celle qui n’a pas hésité à partager avec lui son dernier morceau de pain. C’est un signe de grande portée pour l’avenir car l’action divine se manifeste aussi là où on s’y attend le moins.
2- Construire nos vies, sur le model que nous laisse la vie même du Christ.
Frères et sœurs et vous tous venus nous soutenir,
Les dons que vous allez faire à la Paroisse tout à l’heure lors de la vente de charité, je voudrais les inscrire dans la continuité de l’action de la veuve de Sarepta. Pour vous et pour les membres de vos familles, je souhaite de tout cœur que Dieu étende sur vos projets sa main puissante et que sa miséricorde vous accompagne tous les jours de votre vie. Je sais qu’avec vous et le secours de la Vierge Marie, notre tendre Mère au cœur immaculé, nous arriverons à relever le défi que nous nous fixons.
Mais, à quoi serviraient tous ces travaux de construction, si nous ne construisons pas en même temps nos personnes ? L’exemple de Saint Paul dans la deuxième lecture de ce jour est éclairant à ce sujet. Pour convaincre les Galates de l’erreur qu’il y aurait à se laisser séduire par les fausses doctrines, Paul fait appel à sa propre expérience. Sa conversion à Jésus a été un véritable passage de la mort à la vie. Avant, centré sur les œuvres de la Loi, il se trouvait comme enfermé en lui-même. Croyant alors défendre l’œuvre de Dieu, il n’était qu’un persécuteur. Mais après, il a apprécié ce qu’était l’existence transformée par la découverte de l’amour gratuit et miséricordieux de Dieu. C’est cette bonne nouvelle d’une existence transfigurée qu’il entend défendre auprès de ses lecteurs. C’est là, le message authentique de l’évangile.
D’ici à quelques années, je parie que le paysage que nous contemplons va être complètement transfiguré par vos dons. Bientôt, se lèveront ici une belle et grande église ainsi qu’un un beau presbytère avec toutes les commodités modernes. Mais, la transfiguration de cet espace devrait nous inciter à construire davantage notre communauté paroissiale et à en faire une vraie famille de Dieu.
Vous le savez bien, les membres d’une famille ne se choisissent pas eux-mêmes. Les chrétiens que nous sommes, devons comprendre que ce qui fait notre unité, notre foi au Christ, est plus grand que tout ce qui peut nous diviser. En ce sens, et comme dans toute famille, nous devons favoriser la communication. L’amour doit se dire et la tendresse doit s’exprimer en développant une saine intimité.
Notez qu’il est impossible de s’approcher du Prince de la Paix avec la haine au cœur. Est-ce un hasard si l’Eucharistie nous a été donnée au cours d’un repas, avec tous les disciples, Judas y compris? L’Eucharistie à laquelle nous participons se dit aussi communion : par le fait même, avons-nous encore besoin de faire des discours pour comprendre mais surtout pour mettre en pratique ce que signifie ce repas pour nous aujourd’hui ?
Comprenons-nous alors le sens du geste de paix entre nous avant d’aller recevoir le Seigneur dans l’Eucharistie ? Quittons-nous la messe avec le désir de partager les grâces reçues ? Quittons-nous la messe avec le désir de travailler à la fraternité universelle ? Et si l’Eucharistie nous pousse dans le monde vers les affamés de pain matériel et spirituel, que nos offrandes de ce jour nous fassent prendre conscience de la nécessité d’être pour notre pays, sel et lumière. Nous y parviendrons, en construisant nos vies, sur le model que nous laisse la vie même du Christ.
A tous, je souhaite une excellente fête et j’invoque pour vous tous ici présents et pour vos familles, une nouvelle abondance de grâces divines, par Jésus, à qui appartiennent, la puissance, l’honneur et la gloire sans fin. AMEN !


+ Jean Pierre  KUTWÃ  
Archevêque d’Abidjan

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