LA CONSECRATION DE L’EGLISE SAINT MICHEL ARCHANGE DE M’POUTO

HOMELIE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ
ARCHEVEQUE D’ABIDJAN
A L’OCCASION DE LA CONSECRATION DE L’EGLISE
SAINT MICHEL ARCHANGE DE M’POUTO
Dimanche 30 juin 2013

 ‘‘La Paroisse Bon Pasteur de la Riviera III, érigée en 1999, a connu un essor tel qu’elle a besoin d’être restructurée pour une pastorale plus féconde. C’est pourquoi, après consultation de mon Conseil, je décrète ce qui suit : le démembrement de la Paroisse Bon Pasteur ; l’érection du village de M’Pouto en paroisse, conformément au Canon 515, §2 du CIC ; la nouvelle entité, placée sous la tutelle de Saint Michel, comprend les lieux de culte suivants : Saint Michel de M’Pouto, Sacré Cœur de CIAD PRIMO et Christ Roi de M’Badon ; la Paroisse Saint Michel de M’Pouto fait partie du Secteur Pastoral d’Abidjan Centre Lagune.’’

 

Révérends Pères,

Révérendes sœurs,

Frères et sœurs,

Chers invités,

Ces mots, ce sont les termes mêmes contenus dans le décret d’érection de votre Paroisse, par mon prédécesseur, la Cardinal Barnard AGRE, alors Archevêque d’Abidjan. C’était le 12 juillet de l’année 2005. Ainsi, prenait forme officiellement votre désir d’avoir ici dans ce village de M’Pouto, une paroisse de plein exercice.

Juillet 2005- Juin 2013 : cela fait exactement huit années qu’une nouvelle aventure a commencé pour votre communauté paroissiale. Et en à peine huit années, que de transformations, que de travail abattu, que d’efforts consentis pour offrir à Dieu une maison qui soit digne de Lui et un presbytère pour faciliter le travail des agents pastoraux. Vraiment, il fallait le faire !

Lorsque le 22 août de l’an dernier, votre Curé, le Père Vincent de Paul SAWADOGO m’écrivait pour me faire le bilan de sa mission ici dans cette paroisse, il a cru bon de prendre le risque, croyez que je pèse mes mots en le disant, de m’inviter par la même occasion, pour la consécration de cet édifice, alors que beaucoup de choses restaient encore à faire.

C’était vraiment un risque, quand on connaît la conjoncture défavorable dans laquelle baigne notre pays depuis quelques années. Mais, je voudrais parier que pour vous, paroissiens de Saint Michel, c’était avant tout, un acte de foi qui était ainsi posé. Vous avez compté sur Dieu, et Lui non plus n’a pas déçu la prière de vos lèvres.

Chant : Seigneur, Tu as satisfait le désir de mon cœur, Tu n’as pas déçu la prière de mes lèvres.

1-   Hommage aux bâtisseurs de cette œuvre dédiée à Dieu.

Oui vraiment, le Seigneur a satisfait le désir de vos cœurs, il n’a pas déçu la prière de vos lèvres et c’est là tout le sens de notre présence à cette célébration Eucharistique de ce jour. En décidant de consacrer cette Eglise, nous voulons ensemble rendre grâce à Dieu pour ce qu’il vous a permis de réaliser en si peu de temps ; Lui confier les autres chantiers qui sont resté en souffrance, je pense aux communautés de Sacré Cœur de CIAD PRIMO et Christ Roi de M’Badon, qui certainement attendent leur tour.

C’est ici que je voudrais rendre hommage à tous ceux qui ont permis la réalisation de cette œuvre d’Eglise. Puis-je les citer tous ici sans en oublier certains ?  Non, vraiment, cela serait fastidieux. Cependant, je prie Dieu, par l’intercession de Saint Michel, afin que tous, prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs du Christ, bienfaiteurs d’ici et d’ailleurs, des plus connus aux plus anonymes, reçoivent de Lui la récompense qu’Il promet à ses bons et loyaux serviteurs.

Je voudrais avoir aussi une pensée pieuse pour tous ceux qui ont voulu voir ce jour et qui ont été rappelé vers la maison du Père éternel. Que nos prières de ce jour leur obtiennent de contempler la face de Celui  qu’ils ont servi sur terre, et que de là où ils se trouvent, ils participent à la grande joie qui est la nôtre en ce jour.

2- Exigences de la vocation quand on choisit de devenir chrétien.

         Chers frères et sœurs

         Dimanche dernier, à la double question de Jésus : ‘‘Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce qu’en disent les hommes ? ’’ ‘‘Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?’’,nous étions invité chacun à le découvrir profondément sous sa vraie identité de Fils de Dieu, de Messie et non selon nos désirs, nos attentes et nos visions personnelles. Aujourd’hui, dans les trois textes que l’Eglise nous donne de méditer, il est question des exigences de la vie à la suite de Jésus, des exigences de la vocation quand on choisit de devenir chrétien.

         La  consécration de votre église ce jour, au-delà de l’aspect festif dont nous ne pouvons faire l’économie, devrait en mon sens à nous incliner à réfléchir davantage sur ce que sera notre vie et nos engagements à la suite du Christ, après Lui avoir construit une si belle demeure. Cette église, telle que conçue, ouverte à tous et belle, devrait nous être pour nous signes de ce que nous devons êtres désormais.

         2-1- Adhérer au Christ sans regret.

         Dans la première lecture tirée du premier livre des Rois, le prophète Elie qui a assuré la continuité de la foi en Dieu dans le Royaume d’Israël tenté par une véritable apostasie nationale, appelle Elisée pour être continuateur de sa mission. Cette vocation, signifiée par le manteau du prophète jeté sur les épaules de son successeur, impose à Elisée de tout quitter. Celui-ci se met sans hésiter au service d’Elie.

         Et nous aujourd’hui, que devons-nous quitter pour que notre marche à la suite du Christ nous procure les grâces dont nous avons besoin dans le quotidien de nos vies ? Avez-vous remarqué la promptitude avec laquelle Elisée a réagit une fois sa décision prise ? Ne regrettons-nous pas par moments d’avoir adhérer au Christ ?

         Dans la deuxième lecture, Saint Paul nous enseigne qu’il ya des formes de vie religieuse qui écrasent : elles enferment l’homme dans un système de pratiques qui engendrent nécessairement l’angoisse ; car, quelle pratique peut jamais paraître suffisante pour donner l’assurance d’être justifié devant Dieu ? Après les avoir dénoncées, Paul invite les Galates à accéder à la véritable liberté, celle qui naît de la foi en Jésus. Cette liberté n’a rien à voir avec un relâchement moral ; bien plus, elle s’oppose au contraire aux tendances égoïstes de l’homme. Elle ouvre aux autres et permet de les aimer. Elle n’a rien à voir avec les contraintes de la loi juive. Elle est le fruit du don de l’Esprit de Dieu.

         2-2-  Oser encore aujourd’hui les ruptures !

         Vous l’aurez bien compris. On ne peut pas prétendre servir le Seigneur sans oser des ruptures. Et c’est le même message contenu dans la page de l’évangile que nous venons d’entendre et qui raconte elle aussi, l’histoire de plusieurs vocations, comme il existe dans nos communautés paroissiales.

         La première histoire de vocation nous découvre Jésus en marche vers Jérusalem et qui n’est pas accueilli en Samarie. Il quitte alors ce lieu pour un autre village. En cours de route, un homme, de manière généreuse lui propose ses services : ‘‘Je te suivrai partout où tu iras.’’ On pourrait s’attendre à ce que Jésus accepte tout de suite cette offre, Lui qui a été repoussé dans le village d’à côté. Mais ce n’est pas le cas.

Loin de céder à l’enthousiasme de celui-ci et au lieu de lui réserver un accueil chaleureux, met en avant toutes les difficultés liées à la vie à sa suite : ‘‘Les renards ont des terriers. Les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas un endroit où reposer la tête’. Autrement dit, à travers cette parole, Jésus met l’accent sur la pauvreté matérielle, l’inconfort dans lequel Lui-même vit. Il a les mains nues, il n’a même pas de maison à Lui.

Nous qui savons l’importance d’une maison, nous qui savons ce que nous mettons de côté, années après années pour acquérir une maison, nous ne comprenons que mieux la gravité de cette parole. En le disant, le Christ invite celui qui veut être son disciple à vivre le détachement dans un esprit de pauvreté. Suivre Jésus, n’est donc pas chose aisée ; il faut en être averti.

Par ailleurs, en affirmant que ‘‘Le Fils de l’homme n’a pas un endroit ou reposer la tête’’, Jésus veut insister sur l’aspect de la vie errante et précaire du Fils de l’homme, du travail incessant… Ainsi, sa vie est une vie livrée, donnée, exposée. Par conséquent, pas de stabilité, pas de sécurité donc pas de confort pour le Maître. Le disciple qui vient à Jésus est appelé lui aussi à vivre cette vie de pauvreté, faite de tous les dangers.

Les deux autres histoires de vocations ont cela de commun qu’ici, c’est le Christ Lui-même qui appelle. Mais une fois encore, cela ne va pas sans sacrifice. Si le premier appelé accepte de suivre Jésus remarquons qu’il demande une faveur : ‘‘Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père’’, ce qui  est un devoir de piété filiale jugé capital dans le judaïsme. A cette demande, la réponse de Jésus est claire : ‘‘laisse les morts enterrer  leur mort. Toi, va annoncer le règne de Dieu’’.

Ici c’est le contexte de la phrase elle-même qui nous permet d’en comprendre le sens profond : il ne peut s’agit de défunts au sens propre, sinon comment comprendre qu’un mort puisse en enterrer un autre ? A la vérité, la mort dont-il s’agit ici désigne l’homme qui n’a pas découvert le Règne de Dieu, l’homme qui ne connaît pas Jésus Christ, qui ne met pas sa vie entre les mains du Christ.

                Le deuxième appelé lui aussi demande une faveur : ‘‘Je te suivrai Seigneur, mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison’’. La réponse du deuxième appelé montre que la parenté, les amis et l’entourage peuvent être des obstacles à la vocation. A celui-là, Jésus rétorque : ‘‘Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu’’.L’intérêt du comportement du deuxième appelé réside dans le fait qu’il nous met face à nous même. Nous avons des priorités et nous faisons très souvent des calculs avec Dieu. Nous recherchons les bienfaits de Dieu, sans chercher Dieu lui-même.

3-   La consécration de votre église, appelle une nouvelle manière de suivre le Christ.

Suivre le Christ, c’est accepter le rappel incessant de l’évangile à vivre une certaine pauvreté : c’est parfois renoncer à des carrières brillantes et bien rémunérées, parce que le Christ ne veut pas recrues fascinées  par des avantages matériels ou une certaine notabilité. Non, le christianisme n’est pas et ne sera jamais un chemin de roses récompensant obligatoirement les amoureux de Jésus, une aventure conquérante au succès garanti !

         Suivre le Christ, c’est entrer dans la problématique de la croix, celle qui permet d’accepter les échecs, l’incompréhension des autres sans en faire tout un drame. Suivre le Christ, c’est accepter de dire des phrases qui vont à contre-courant de l’opinion de la majorité, surtout quand elle fausse et erronée ! Suivre le Christ, c’est commencer par se convertir soi-même avant de chercher à convertir les autres ! C’est fuir les attitudes moralisantes et pharisaïques qui consistent à voir toujours et toujours la paille dans l’œil des autres et à vouloir l’extraire à tout prix, en ayant la patience du disciple qui sait que c’est Dieu qui convertit !

         Suivre le Christ, c’est enfin l’imiter dans son respect de l’homme, de tout homme ; suivre le Christ, c’est par exemple pour une famille, surmonter la souffrance sous toutes ses formes et vivre dans la foi tous les événements qui se présentent à nous ; suivre le Christ, c’est par exemple renoncer soi-même à des relations affectives puissantes mais qui n’entrent pas dans le plan de Dieu.

         Suivre le Christ, c’est en fin de compte comprendre que notre engagement à sa suite n’est pas un engagement de quelques jours mais bien de toute une vie, un engagement inconditionnel qui exclu que le Christ approuve nos petites lâchetés sous le prétexte que c’est humain que de vivre de la sorte.

Voici à mon sens, les exigences de vie que commande la consécration de votre église. Que ces paroles fortes nous aident à être des chrétiens authentiques. Que chaque jour, en élevant la coupe du Seigneur à cet autel, le Seigneur Lui-même raffermisse davantage vos liens de fraternité et d’amitié, qu’il vous comble à la mesure de vos besoins personnels et communautaires et que sa main toute puissante, sa main protectrice demeure à jamais posée sur vous.

O Seigneur, que notre prière devant toi, dans cette église dédiée à Saint Michel Archange s’élève désormais comme un encens, et nos mains, comme l’offrande du soir, pour une Côte d’Ivoire plus juste, plus fraternelle et plus unie ; nous te faisons cette prière, par Jésus, notre unique médiateur, Lui qui règne, aujourd’hui et dans les siècles sans fin. AMEN !

Bonne fête à tous !


+ Jean Pierre KUTWÃ
Archevêque d’Abidjan

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