ORDINATIONS SACERDOTALES ET DIACONALES

HOMELIE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ
ARCHEVEQUE
A L’OCCASION DES ORDINATIONS SACERDOTALES ET DIACONALES
Cathédrale Saint Paul Plateau
Abidjan le 13 juillet 2013

Chant : Ô quel admirable échange, Dieu se donne à nous, Dieu pour nous s’est fait pain et vin, pour habiter en nous ! Ô quel beau mystère, Amour merveilleux, c’est le Créateur, qui s’unit à sa créature.

Excellence,
Révérends Pères,
Révérends frères,
Révérendes sœurs,
Chers parents des ordinands de ce jour,
Frères et sœurs en Christ,

 

Ce chant traduit et éclaire pour nous, à mon sens, tous les discours que nous pouvons faire sur le sacrement de l’Eucharistie, ce merveilleux trésor de notre Eglise catholique, car c’est une vérité de foi que de croire que par le biais du pain eucharistique, c’est Dieu Lui-même, en son Fils Jésus-Christ, qui se fait pain et vin pour se donner à nous. N’est-ce pas là vraiment un beau mystère, le signe d’un amour merveilleux pour les chrétiens de tout temps, ceux d’hier tout comme ceux d’aujourd’hui, que le Créateur s’unisse à sa créature !

Mais pour accomplir ce mystère, et comme pour rendre l’homme participant de sa propre rédemption, le Christ notre Seigneur Jésus a choisi de s’adjoindre des collaborateurs, intendants fidèles et dévoués de ses mystères, années après années. N’est-ce pas là aussi un autre signe merveilleux, que Dieu daigne choisir ses créatures pour le rendre présent, sous les espèces du pain et du vin, au milieu de notre humanité si souvent en proie à toutes sortes de malaises ?

Oui, ce jour est et restera pour nos frères futurs diacres et futurs prêtres tout comme pour chacun de nous venus les soutenir de notre affection et de notre attention, jour de fête et de joie. Rendons donc grâce à Dieu qui rend toute chose possible ! Disons-Lui merci pour le choix de nos frères ! Eclatons en ovations, car Dieu a entendu le cri de nos prières, Il a satisfait le désir de nos cœurs. Ma joie est plus grande en ce jour parce que les candidats qui me sont présentés proviennent de diverses familles religieuses : diocésains, dominicains, sociétaires des missions africaines, membres de la Communauté Mère du Divin  Amour : diversité et richesse, voici le tableau qui fait ma joie !

Chant: O quelle joie, quelle grande joie, car Dieu accompli tous nos vœux. Que sur la terre, en tout temps, en tout lieu, le nom du Seigneur soit béni.

1- Adresse aux ordinands

Chers fils,

Dans les évangiles, les douze apôtres constituent le groupe des interlocuteurs privilégiés et quotidiens que, selon Saint Matthieu, Jésus ‘‘ fait venir’’ et à qui ‘‘Il donne autorité et pouvoir sur les forces du mal.’’ Douze parce qu’il existe douze tribus en Israël. C’est un symbole commode qui permet de comprendre que la manière d’agir de Jésus reste bien dans la ligne du peuple de la Bible qui l’a précédé : une petite communauté de croyants est choisie et éclairée par l’Esprit . Porteuse de la Bonne Nouvelle pour le monde entier, elle est infidèle si elle s'enferme sur elle-meme. Elle est fidèle si elle éclate et se démultiplie à l’infinie, jusqu’aux extrémités de la terre.

Ainsi, plusieurs fois dans les évangiles, voyons-nous la communauté des ‘‘disciples’’ éclatée bien au-delà des ‘‘douze’’. Ici, dans l’évangile de ce jour, jusqu’à ‘‘soixante douze autres’’. Et quelle qualification exige-t-on d’eux ? Précisément d’avoir vu et entendu et d’avoir pris au sérieux cette poussée intérieure que provoque le message de Jésus chez ceux qui l’écoutent. Cette poussée est un envoie, une lettre de mission : ‘‘allez dire…’’ Ainsi, plus se développe la connaissance de Jésus, plus s'etend le réseau de ses disciples qui, de douze, deviennent soixante douze et  douze fois soixante douze.

Tous sont responsables, en cette église, qui, dans le droit fil des douze tribus d’Israël, devient comme le grain de sénevé, la graine. Cette graine inapparente, mais riche de possibilités insoupçonnées,  deviendra un véritable arbre, amplifiant manifestement ce qu’on peut attendre d’une simple graine de moutarde. C’est qu’en réalité, c’est Dieu qui fait jaillir l’inattendu, Lui qui a accepté le temps, qui a fait confiance à l’homme, et cette façon de faire grâce, a permis au royaume de germer.

Chers ordinands,

Vous aurez remarqué aussi comment, toujours à travers l’évangile, il ne s’agit pas de vouloir convaincre ceux qui refusent la Bonne Nouvelle. Dans la perspective donc de Jésus, l’Israël nouveau séduira avant tout par son témoignage. Ils ne sont pas envoyés pour trouver des adhérents à un club et s’assurer ainsi la puissance du nombre et des cotisations. Non ! Ils sont envoyés pour ‘‘annoncer que le règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous.’’

Cet objectif est aujourd’hui redoutable dans notre environnement social et culturel si peu perméable à d’autres annonces qu’à celle d’un développement rationnel du pouvoir d’achat. Les disciples que Jésus envoie ont la mission précise d’annoncer que l’homme est totalement incompréhensible sans Dieu, qu’il ne vit pas seulement de pain, et que le meilleur de ce qu’il espère est contenu dans l’évangile de Jésus. Il n’y a personne d’autre à attendre. Personne !

Telle est notre mission ! Telle est notre esprit ! Telle est notre manière puisque, en Jésus et tous ensembles, nous avons les Paroles de la vie qui résistent à toutes les morts. Mais pour réussir pareille mission, le Christ prend le soin d’avertir ces disciples : ‘‘allez, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route’’.

En le disant le Christ vous invite à comprendre dès maintenant qu’Il ne veut pas à son service des mercenaires résignés, des réquisitionnés en raison du manque de prêtres, des hommes contraints et forcés par toute sorte de conjoncture, qu’elle soit économique ou ecclésiale. Il veut des disciples qui se sentent vraiment envoyés, donc des responsables fiers d’êtres choisis, des disciples qui en veulent, parce qu’ils ont conscience de l’enjeu pour l’Eglise et le monde.

Ce que le Christ veut, ce sont des disciples qui sont capables de changer  dans le monde le visage si mal médiatisé de l’Eglise alors qu’elle s’oppose aux courants contraires au bon sens et qui vont jusqu'a proposer de considérer comme juste et légitime, que des personnes de mêmes sexes puissent contracter validement le sacrement de mariage. Le Christ veut des disciples qui savent travailler en équipe car dans une mission aussi importante, ils doivent comprendre qu’il est opportun de ne pas faire cavalier seul, car on a vite fait de déraper…En cordée, on escalade les difficultés plus aisément !

         Le monde d’aujourd’hui est si exigent  que les disciples qui animeront demain les communautés devront apprendre en premier à vivre en équipe dans le respect des divergences, en fuyant comme la peste les jalousies intestines, sources de divisions lamentables. Le Christ veut aujourd’hui, et c’est une exigence de la nouvelle évangélisation, des troupes mobiles et donc allégées en bagages de toutes sortes : ‘‘N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route.’’ 

L’invitation qui vous est faite à vous chers fils, c’est de croire qu’en tout homme, Dieu met toujours des possibilités insoupçonnées à l’image de la graine. C’est à vous qu’il appartient de faire en sorte que ces possibilités puissent être révélées au grand jour, de faire en sorte que chacun de vos frères puissent laisser jaillir de sa vie ce qu’il a de meilleur, ce que Dieu a enfouit en lui car, ce que le Christ désire le plus pour nos frères et sœurs, ce sont des disciples porteurs de paix !

En les invitant à ce dépouillement, le Christ veut leur faire prendre conscience tout comme à vous, que leur force, c’est justement leur simplicité désarmante, comme des agneaux au milieu des loups ! Hier les disciples évangélisaient par la contagion de leur joie, de leur amour pacifiant. Je vous exhorte à vivre comme eux l’ont fait : ils ne venaient pas imposer mais proposer avec des risques certes mais tout en gardant confiance en Celui qui vous a appelés à sa suite.

2- Adresse aux parents et amis

Chers parents et amis des élus de ce jour,

‘‘ La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson’’. On peut s’étonner qu’au lieu de recruter de nouveaux ouvriers, le Christ recommande de prier. C’est la votre devoir et votre responsabilité pour ces ouvriers d’aujourd’hui, que nous choisissons comme diacres et prêtres pour l’Eglise. Priez comme cette femme de l’évangile qui a la capacité du levain.

Dès lors,  elle fait son travail, et elle attend que la pâte lève ! Quelle leçon donnée à tous ceux et toutes celles qui sont pressés de voir  exaucer leurs prières dans le sens qu’ils désirent, meme si cela n’est pas le plan de Dieu! Quelle leçon donnée à ceux qui travaillent sans se laisser modeler sur l’attitude même de Dieu. Quelle leçon donnée à ceux qui accomplissent leur mission en voulant forcer l’histoire ! A la vérité, l’attitude ultime de celui qui est engagé dans l’œuvre divine, c’est la confiance en la force de la grâce !

En définitive, le Seigneur vous invite à faire votre travail et à attendre que la pâte lève ! Cela peut paraître difficile et vous pouvez avoir du mal à y croire. Ne craignez pas. Dieu est avec vous dans la vie, cette vie complexe, cette vie confuse où sont mêlés le péché et la grâce. Ne cherchez pas à séparer, ce serait tuer la vie.

Contentez-vous de servir Dieu par la prière constante et fervente pour les élus de ce jour et pour tous ceux que le Christ appelle à son service. En agissant ainsi, vous permettrez à la vie de donner son fruit et à l’amour du Dieu vivant de s’y épanouir ! Vous aussi, vous n’avez le droit de rester les bras croisés quand tout autour de nous le surgissement de laïcs devient signe vivant de la possibilité de ce que Dieu veut faire avec chacun de vous.

3- En guise de conclusion

En terminant, qu’il me soit permis de rendre un vibrant hommage aux parents qui, en ce jour, permettent par le don de leurs enfants au Seigneur, que des ouvriers nouveaux, que je souhaite qualifiés, viennent grandir le nombre de notre presbyterium. Merci à vous et que Dieu vous comble au-delà de vos attentes. Merci surtout, de ne pas reprendre de l’autre main, ce que vous offrez si généreusement au Seigneur.

Merci aux formateurs, qui ont eu l’ingrate mais combien exaltante mission de former les élus de ce jour. Je pense à tous leurs formateurs d’ici et d’ailleurs et particulièrement au Père Fabien YEDO, qui les a instruits abondamment tout au long de leur retraite et leur a communiqué  profondément sa foi. Je voudrais enfin terminer en confiant au Seigneur le comité diocésain des vocations et tous ceux qui travaillent dans l’ombre de ce comité afin de nous donner années après années, des collaborateurs toujours plus nombreux et plus dynamiques.

A tous, grâce, miséricorde et paix de la part de Dieu, en son Fils Jésus-Christ, Bon pasteur, dont nous partageons l’Unique sacerdoce, Lui le prêtre à jamais, hier, aujourd’hui et toujours ! AMEN !

 Bonne fête à tous !

+ Jean Pierre KUTWÃ
Archevêque d’Abidjan

 

 

 

 

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