HOMELIE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA FETE DE PACQUES Cathédrale Saint Paul du Plateau Abidjan Samedi 7 Avril 2012

‘‘Qu’éclate dans le ciel la joie des anges,
Qu’éclate de partout la joie du monde,
Qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu !
La lumière éclaire l’Eglise,
La lumière, éclaire la terre,
Peuples, chantez !’’

Révérends Pères,

Révérends Frères,

Révérendes sœurs,
Frères et sœurs et,
Vous tous qui m’écoutez par le canal des ondes,

Ce chant d’acclamation qui ouvre l’annonce de la Pâques, traduit bien qu’ils sont finis, les jours de la passion. Christ ressuscité triomphe du tombeau comme pour nous dire que pour la première fois, la mort a trouvé son Maître et qu’elle n’est plus la barrière absolue ; que le péché peut être pardonné et le pécheur libéré ; que nous pouvons toujours repartir ; que nous n’avons à désespérer ni de nous-mêmes, ni des autres. En effet, la résurrection du Christ est et restera pour toujours, le signe manifeste que la haine et la mort n’ont pas le dernier mot, mais plutôt l’amour et la vie! Nous avons donc raison de crier notre joie.

Ce que nous célébrons en cette nuit, c’est la victoire de Jésus sur la mort et sur le monde des ténèbres. Ce que nous célébrons, c’est la victoire de Jésus, menacé de mort dès sa naissance, comme tant d’enfants qui eux, ne verront pas le jour, par la faute de parents irresponsables ! Ce que nous célébrons, c’est la victoire de Jésus, hier balloté de tribunaux ecclésiastiques en interrogatoires policiers, comme tant d’hommes et de femmes, condamnés à tort par la justice des hommes ! Oui, ce jour est vraiment un jour de victoire !

Frères et sœurs,
Mais comment fêter Pâques dans un monde de désespérance et de guerre, un monde où la haine et le mépris de l’autre tendent à prendre le dessus sur la réconciliation et la paix ? Pensons en cette nuit très sainte, à nos frères et sœurs qui de par le monde entier, n’auront pas la joie de célébrer la résurrection du Christ dans la quiétude. Pensons particulièrement à nos frères du Mali, de la Syrie et de tous les pays en guerre, de tous les pays où règnent un équilibre précaire, une paix factice.

Pourtant il nous faut affirmer que la résurrection du Christ est un événement formidable, porteur d’espérance nouvelle pour notre humanité, pour nos pays d’Afrique si souvent en proie à toutes sortes de difficultés, pour notre pays la Côte d’Ivoire qui aspire à voir ses fils et ses filles se réconcilier, pour construire ensemble dans la paix et la fraternité, son développement.

Certes, la vie sur terre est difficile ! Le monde n’est pas toujours beau : le chômage, les maladies, les souffrances, les injustices de toutes sortes, dans la politique, dans le sport, dans les finances, dans les administrations sont là pour nous le rappeler chaque fois. Bien plus, nous ne sommes pas à l’abri d’un quelconque ‘‘esprit illuminé’’, prêt à nous entraîner dans des actes insensés et mortifères.

Nous ne sommes pas à l’abri non plus du doute, du découragement, de la peur. La peur ? Oui, les disciples l’ont éprouvée quand ils se sont retrouvés seuls sans Jésus, barricadés dans la maison le soir du vendredi saint. La peur ? Oui, nous aussi, nous l’avons éprouvée, au plus fort de la crise et peut-être l’éprouvons-nous encore aujourd’hui pour certains : peur d’être agressés, peur du lendemain, peur du chant lugubre des oiseaux nocturnes, si ce n’est celui des prophètes de malheur !

Mais fort heureusement, tout n’est pas que laideur dans notre monde et les raisons d’espérer en des lendemains meilleurs existent bel et bien. La résurrection du Christ est là pour nous le dire. Elle nous crie que Dieu ne désespère pas de notre humanité ; que la vie vaut la peine d’être vécue même si elle n’est que passage !

Passage ? Oui, toute vie sur terre est en effet une Pâque, un passage vers la pleine vie, vers la vie que Jésus inaugure pour nous par sa résurrection. Celle-ci nous enseigne que le Père n’a pas abandonné son Fils : son silence pendant la passion respectait la liberté de ces hommes à qui Il consentait de livrer son Fils. La résurrection du Christ nous assure enfin que Dieu n’est pas et ne sera jamais indifférent à la souffrance humaine. La douleur et la mort sont dorénavant destinées à être terrassées un jour.

Avec Jésus ressuscité, il n’y a plus d’impasse irrémédiablement fermée. Pâques éclaire nos vies et nous engage ; ce Jésus qui a dépassé la mort, Il est Dieu, tout en restant notre frère, un homme comme nous. Tout ce qu’il a dit et fait a désormais pour nous valeur de modèle, un modèle qui provoque à le suivre et à agir: Lui le Maître s’est fait serviteur pour nous indiquer le chemin à suivre.

En effet, la résurrection est une invitation au passage ! Jésus est passé le premier, pour nous faire passer avec Lui. Ainsi, une porte nouvelle s’ouvre pour nous, sur la vie qui ne finit pas, apportant par le fait même, une dimension d’éternité à nos vies. Avec la résurrection du Christ, le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est né.

Frères et sœurs,
Remarquez que tous autant que nous sommes, nous désirons grandir et croître. Il nous est difficilement supportable de stagner dans une vie sans devenir. Tous, nous voulons avancer. Mais il n’y a pas de croissance sans transformation : on ne transforme pas un monde sans commencer par se transformer soi-même, sans se convertir. Sachez-le : il n’y a pas de transformation sans une mort à nous-mêmes ou à quelque chose. C’est cela le mystère de Pâques.

Le mystère de Pâques, c’est le passage à une autre vie, une vie meilleure. Ce passage se fait par une mort inévitable. Le Christ, Lui aussi est passé de cette vie humaine à la vie de Dieu, une vie faite de renonciation à soi-même pour accueillir, pour recevoir la vie de Dieu : ‘‘le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, n’a pas retenu le rang qui le rendait égale à Dieu. Mais Il s’est anéantit, prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu homme à son aspect, Il s’est abaissé. C’est pourquoi Dieu l’a élevé.’’ Et c’est ce chemin qu’Il nous invite à suivre aujourd’hui.

Certes, nous pouvons être submergés par les flots de nos péchés, par la tempête de nos difficultés, par le vieil homme de la haine, de la rancœur tapis au fond de nous. Mais le Christ ressuscité nous invite à le suivre désormais pour entrer dans la joie de Pâques.

En effet, ce serait Pâque dans notre pays, chaque fois que nous nous déciderons à nous arracher à l’esclavage de nos égoïsmes pour prendre les chemins du don, de l’amour et de la réconciliation : c’est aussi le message de Jésus en croix. Oui, ce serait Pâque si nous consentons à faire le passage comme les disciples hier, passage qui permet, par la foi, de franchir l’abîme de l’eau menaçante et de renaître avec le ressuscité.

Frères et sœurs,
Par sa résurrection, Jésus échappe aux forces du mal, toujours prêtes à engloutir les hommes. Oui avec le Christ, soyons sûrs que nous échapperons toujours aux forces du mal. Ecoutons-le nous redire: ‘‘Confiance ! C’est moi ! N’ayez pas peur ! Avec le Christ, avec la force que nous communique sa résurrection, avec tous ceux qui vont recevoir des sacrements en cette nuit, prenons ensemble et dès aujourd’hui, l’engagement de tout mettre en œuvre pour que la joie de cette grande nouvelle éclate pour notre humanité !

Oui, qu’éclate dans le ciel la joie des anges, qu’éclate de partout la joie du monde, qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu, pour qu’éclate enfin dans notre pays la joie de la paix retrouvée.

Joyeuse fête de Pâques à tous !
Que la célébration de la résurrection du Christ soit pour nous tous, force dans notre marche à la suite de notre Maître et Seigneur, amour, paix et joie, tout autour de nous, par Jésus, à qui appartiennent, l’honneur, la louange et la gloire, dans les siècles sans fin ! AMEN !



+ Jean Pierre KUTWÃ
Archevêque d’Abidjan

ImprimerE-mail