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MESSAGE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA MESSE CHRISMALE


Cathédrale Saint Paul du Plateau Abidjan 
Mardi 22 mars 2016

‘‘Beaucoup de choses doivent être réorientées, mais avant tout l’humanité a besoin de changer. La conscience d’une origine commune, d’une appartenance mutuelle et d’un avenir partagé par tous, est nécessaire. Cette conscience fondamentale permettrait le développement de nouvelles convictions, attitudes et formes de vie. Ainsi, un grand défi […] qui supposera de longs processus de régénération, est mis en évidence.’’ Laudato Si’ n°202

Excellence Monseigneur Joseph SPITERI, Nonce Apostolique en Côte d’Ivoire,     
Excellence Monseigneur Pierre Marie COTY, Evêque émérite de DALOA,
Chers confrères dans le sacerdoce,
Révérends frères, révérendes sœurs,
Chers frères et sœurs,

 

Cette année, la messe chrismale se déroule dans un contexte particulier, eu égard aux récents événements survenus dans notre pays la Côte d’Ivoire d’une part et de l’heure inhabituelle de la célébration de cette messe chrismale d’autre part. En effet, alors que le temps de Carême nous prépare à célébrer la victoire du Christ sur la haine, la méchanceté gratuite, le refus de conversion, alors que Pâques nous tend grandement les bras pour nous redire que la mort ne sera jamais le fin mot de notre histoire, notre pays, il ya peu, vivait une page tragique et sombre de son histoire.

Loin de moi l’idée de vouloir rouvrir des blessures qui sont encore fraîches, et dans nos mémoires, et nos esprits. Mais, reconnaissez avec moi que le monde dans lequel nous vivons appelle de façon urgente, une action des disciples du Christ que nous sommes, de même que des hommes et des femmes de bonne volonté. Les questions relatives à la situation des migrants de par le monde entier, au réchauffement climatique, à la perte des valeurs morales, aux différents attentats qui frappent de plus en plus nos états, à la pauvreté grandissante et sélective, et la liste n’est pas exhaustive, nous obligent à prendre davantage conscience de l’urgence de l’annonce vraie de l’évangile du Christ dans toute sa splendeur et dans toute sa force !

 

Encore une fois, je voudrais redire ma proximité aux familles des victimes. Bien plus que simples mots ou de la simple convenance en pareille circonstance, je prie pour que Dieu dans sa miséricorde insondable, accorde le repos éternel à toutes les victimes qui espéraient trouver un peu de fraîcheur en cette journée dominicale et que la barbarie des hommes a fait passer de vie à trépas. Je recommande au Seigneur tous les blessés ainsi que leurs familles respectives et je prie le Seigneur de venir à notre secours, tant les défis qui nous attendent sont nombreux et divers.

 ‘‘L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur’’.

Frères et sœurs,

Ces paroles empruntées au prophète Isaïe exposent solennellement le sens de la mission du Christ, mission confiée aux disciples d’aujourd’hui que nous sommes. Le temps du salut, qu’annonçait Isaïe (Is61, 1-2), la libération attendue par les pauvres, c’est maintenant avec Jésus, c’est aujourd’hui. Mais, il est bon de savoir que pour les gens de Nazareth, il était difficile de reconnaître en cet homme familier, si proche, le prophète puissant qu’ils espéraient. C’est que l’une des caractéristiques des envoyés de Dieu dans la Bible, c’est d’être rejeté. Et, justement, Jésus l’était déjà à cette époque.

En se référant aux grandes figures de prophètes, Elie et son disciple Elisée, Jésus rappelle que tout le projet de salut de Dieu est pour tous les peuples, pour les juifs, mais aussi pour les païens. Ce projet de salut de Dieu est parvenu jusqu’à nous aujourd’hui, et c’est bien à nous, chrétiens, baptisés, confirmés, mariés, consacrés, qu’il appartient de le porter à notre monde.

‘‘L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur’’.

Ces paroles doivent trouver dans nos cœurs un écho particulier en cette année de la miséricorde. C’est à nous tous qu’il appartient de faire en sorte que le renouveau annoncé et inauguré par le Christ, soit pour nos communautés et nos pays, une réalité. Vous n’ignorez pas que tout  chrétien est un homme situé dans le temps et l’espace.

Il appartient non seulement à la communauté ecclésiale mais aussi à la communauté humaine. C’est donc au cœur de cette société humaine qu’il est appelé à ‘‘monnayer’’ la grâce reçue au baptême qui lui permet de participer à l’Eucharistie.

Aujourd’hui plus qu’hier, nous devons comprendre que nous sommes tous par notre baptême, des prophètes pour le renouvellement de nos sociétés c’est-à-dire le signe ou le moyen par lequel Dieu est là, au cœur des évènements existentiels des hommes. En d’autres mots, nos actions doivent être révélatrices d’un Dieu qui s’engage sur tous les fronts : social, humain, culturel, religieux, économique et politique. C’est pourquoi les prophètes qui parlent au nom de Dieu, doivent s’attaquer aux injustices sociales et aux structures socio-économiques, politiques et aux situations historiques qui lèsent les droits des membres de leurs communautés, surtout ceux des faibles et des sans-voix.

A la suite du Christ, le chrétien, prophète des temps nouveaux, doit non seulement être porteur d’une parole de consolation, d’exhortation, et surtout d’espérance, mais aussi d’une parole qui dénonce l’injustice et le mal sous toutes leurs formes, suscitant de fait conversion et changement radical. Le chrétien doit être à tous les niveaux - politique, social, économique…la conscience critique du peuple et de ses dirigeants, et constituer dans le projet de Dieu, la force et l’élan qui permettront de sortir des situations sans issues, des réalités bloquées dans lesquelles les institutions s’avèrent impuissantes.

En somme, la foi baptismale des chrétiens les engage irrémédiablement à s’investir dans les réalités quotidiennes qui sont les leurs car, il ne s’agit pas pour les chrétiens d’aujourd’hui, de sortir du monde où l’appel de Dieu les a placés, mais de donner un témoignage de leur foi et d’être logiques avec leurs principes. Le ‘‘monde’’ devient ainsi le milieu et le moyen de la vocation chrétienne des fidèles laïcs, parce qu’il est lui-même destiné à glorifier Dieu le Père dans le Christ. Les chrétiens ne sont pas invités à abandonner la position qu’ils occupent dans le monde. Le baptême en effet, ne les retire pas du monde mais il leur confie une vocation qui concerne justement leur situation dans le monde.

‘‘L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.’’

Cette onction, c’est celle que nous avons tous reçu. Dès lors, nous devons comprendre que dans nos existences, il ne peut y avoir deux vies parallèles : d’un côté, la vie qu’on nomme ‘spirituelle’ avec ses valeurs et ses exigences ; et de l’autre, la vie dite ‘séculière’, c’est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles. Sachez que tous les secteurs de nos vies rentrent dans le dessein de Dieu, qui les veut comme le ‘lieu historique’ de la révélation et de la réalisation de la charité de Jésus-Christ à la gloire du Père et au service des frères.

Chers confrères dans le sacerdoce,

Au cours de la célébration de ce jour, vous allez renouveler les promesses de votre ordination. Pour reprendre les propos du Pape que je citais en début de mon homélie, ‘‘beaucoup de choses doivent être réorientées.’’ En effet, que signifie pour nous, année après année,  le fait de répondre aux questions qui vont nous être posées tout à l’heure ? Un simple rituel au cours de la célébration ? Un véritable re-engagement à la suite du Christ qui un jour nous a appelés à son service ? Je désire que nous nous arrêtions en cette année particulièrement, pour faire silence en nous-mêmes avant de répondre.

Sachez que le monde dans lequel nous vivons nous interroge de plus en plus sur la crédibilité des porteurs du message évangélique que nous sommes! Je sais qu’il n’est pas toujours facile de vivre les exigences d’une telle vocation. C’est pourquoi, je me fais insistant en vous répétant que ‘‘beaucoup de choses doivent être réorientées.’’ A ce titre, je souhaite que dans vos doyennés, entre vous prêtres, vous puissiez vous retrouver pour ensemble voir comment réorienter notre vie sacerdotale. Que les plus anciens partagent leurs expériences avec les plus jeunes et que ces derniers trouvent la force de dire sans crainte  et en toute confiance, leurs espérances à leurs aînés. Ce à quoi je nous invite, c’est de faire en sorte que notre marche commune ne pèse à personne.

Pour parvenir à ‘‘porter la Bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, aux aveugles qu’ils verront la lumière, pour apporter aux opprimés la libération et leur annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur’’, il me semble impératif de déceler les véritables maux dont souffrent nos frères et sœurs. Qui est le pauvre, qui est l’aveugle et qui est l’opprimé aujourd’hui ?

Faudrait-il voir dans le pauvre, exclusivement celui qui manque à manger ? Que dire de toutes ces personnes, à qui il manque l’essentiel, repus mais toujours assoiffées et jamais rassasiées ? La société de consommation qui nous ouvre grand les bras a fini par créer de nouvelles formes de pauvretés. Les hommes de ce temps sont toujours à la recherche de je ne sais quel plaisir et sont devenus très avides : avide de consommer toujours et encore, comme pour masquer une certaine soif d’infini et disons-le, de Dieu !  

Qui est le prisonnier aujourd’hui ? Celui qui croupit dans les geôles de l’enfer carcéral uniquement? Que dire alors de ces personnes, libres de leurs mouvements mais enfermées dans les prisons du monde imaginaire qu’elles se sont données et qui ont pour nom : alcool, sexe à outrance, drogue, prostitution, quête du pouvoir à tous les prix ? Toujours à propos de prison, ne pouvons-nous pas considérer aussi comme prison, les certitudes pas toujours avérées dans lesquelles nombre de nos frères et sœurs baignent ? Nos jeunes et peut-être même certains adultes sont prisonniers des Technologies de l’Information et de la Communication : internet, facebook, viber, et autres, sont devenus de véritables prisons qui les coupent des autres !

Qui est l’aveugle aujourd’hui ? Celui qui est frappé par une cécité physique ? C’est l’adage qui dit qu’il n’y a pas plus aveugle que celui qui refuse de voir ! Et ceux qui refusent de voir aujourd’hui sont nombreux et se trouvent dans toutes les classes sociales de nos états ! L’indifférence, le repli sur soi, la mauvaise foi qui ferme les yeux de nos cœurs et plonge tout notre être dans des compromis qui finissent presque toujours en compromissions, et la liste n’est pas exhaustive, sont autant d’éléments qui nous aveuglent !

Chers confrères prêtres,

Voici le grand défi qui suppose un long processus de régénération comme je l’annonçais au début de cette messe. Au nom de l’alliance éternelle que le Seigneur veut conclure avec les prêtres que nous sommes comme annoncé dans la première lecture, je vous exhorte chers confrères dans le sacerdoce, à ouvrir large les portes de vos cœurs pour entendre les cris, les aspirations profondes de vos fidèles ! C’est à vous, c’est à nous que le Christ confie son troupeau pour qu’il bénéficie des grâces de cette année de bienfaits qu’il nous accorde à tous ! Ici encore, je voudrais que nous prenions conscience que cela ne vaut pas seulement pour nos fidèles : il nous faut tout mettre en œuvre pour que nous-mêmes prêtres, nous puissions bénéficier des largesses de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ.

‘‘Qu’il est doux, qu’il est beau, pour des frères, de demeurer ensemble’’ ! Oui, cela est encore possible dans nos paroisses et je souhaite que cela commence par nos équipes presbytérales ! Nous pouvons et nous devons pouvoir réinventer notre vivre-ensemble en faisant en sorte que l’attention que nous accordons à nos fidèles, nous puissions l’accorder aux confrères qui vivent avec nous. Avez-vous remarqué que nous prêtres, nous sommes très généreux avec nos fidèles, nos parents et amis, même avec les maigres moyens dont nous disposons ? Je nous exhorte à comprendre que le prochain, c’est d’abord celui qui nous est proche, et le confrère en fait partie !

Chers frères et sœurs,

La messe chrismale au cours de laquelle l’évêque consacre le Saint-Chrême et bénit les autres huiles saintes est l’occasion comme je viens de le dire, pour vos prêtres de renouveler les promesses de leur ordination. Votre présence autour d’eux ne peut pas et ne doit pas être que symbolique. Votre présence dit que c’est ensemble que nous marchons à la suite du Christ et il est bon que malgré vos occupations, vous soyez venus nombreux nous soutenir et prier avec nous et pour nous.

Je ne le dirai jamais assez, c’est à vous que je confie la vocation de vos prêtres. Comme dit le Saint Père, ‘‘la conscience d’une origine commune, d’une appartenance mutuelle et d’un avenir partagé par tous, est nécessaire. Cette conscience fondamentale permettrait le développement de nouvelles convictions, attitudes et formes de vie.’’ Cela est encore possible aujourd’hui avec le concours de tous.

Rappelez-vous aujourd’hui encore l’invitation du Pape François dans son message à l’occasion de la dernière journée mondiale de prière pour la paix, invitation ‘‘à prier et à travailler pour que tout chrétien puisse mûrir un cœur humble et compatissant, capable d’annoncer et de témoigner la miséricorde, de « pardonner et de donner », de s’ouvrir « à ceux qui vivent dans les périphéries existentielles les plus différentes, que le monde moderne a souvent créées de façon dramatique» sans tomber «dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté’’.

Oui, ensemble, avec nos prêtres, et en comptant sur le secours jamais pris à défaut de la Vierge Marie, nous réussirons à rendre notre monde meilleur !

A tous, je souhaite en reprenant les mots de la deuxième lecture de ce jour ‘‘que la grâce et la paix vous soient données de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre.’’ Je prie pour que ‘‘Lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang’’ ne cesse de nous accorder sa protection, Lui, l’Alpha et l’Oméga, Lui qui était et qui vient, Lui le Tout-Puissant, pour les siècles des siècles!

Bonne fête à tous ! Bonne semaine Sainte !

Et bonne montée vers Pâques !

 

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ Archevêque d’Abidjan

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