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MESSAGE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA MESSE DE LA PAIX

Cathédrale Saint Paul du Plateau Abidjan
Vendredi 30 décembre 2011

Excellence Monsieur Alassane Dramane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire et Madame,
Eminence Bernard Cardinal AGRE, Archevêque Emérite d’Abidjan,
Excellence Monseigneur Ambrose MADTHA, Nonce Apostolique en Côte d’Ivoire,
Excellence Monseigneur
Excellence Monseigneur
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs et Mesdames les membres du Corps diplomatique,
Messieurs et Mesdames les Membres du Gouvernement,
Honorables autorités politiques, militaires, administratives et coutumières,
Chers frères du Forum des Confessions religieuses,
Chers frères et sœurs,

L’année 2011 qui s’achève dans quelques jours aura été celle de tous les bouleversements tant dans le monde entier que sur notre continent africain, et cela, depuis les printemps arabes en passant par les crises postélectorales qui ont secoué nombre de nos états africains, alors que beaucoup parmi eux, venaient de célébrer le cinquantenaire de leur accession à l’indépendance.


Ces indépendances acquises aux prix de hautes luttes avaient suscitées de grandes espérances pour le développement politique, économique, social et culturel des peuples africains. Aujourd’hui, il nous faut reconnaitre que les espérances nées de ces indépendances, n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes de nos populations.
Le constat est à la fois triste et amer : misère, dépravation des mœurs, déchirure du tissu social, absentéisme, banditisme, mauvaise administration de nos ressources disponibles, instabilité politique, coups d'état, rébellions, guerres, désespoir. La situation que nous vivons tous ici en Côte d’Ivoire, est dans bien des domaines, commune à la majorité de nos états africains. Cinquante années après, où en sommes-nous en fait?


1- Etat des lieux


Depuis un peu plus d’une décennie déjà, la vie de nos concitoyens et de ceux qui vivent sur notre terre de Côte d’Ivoire est régulièrement marquée par des spasmes ; nos frères et sœurs ressemblent pour beaucoup à des malades agonisants, qui convulsent et espèrent de tout cœur, qu’une solution durable va être trouvée pour les guérir de leurs maux.


Cette espérance, ils l’ont placée dans les accords successifs qui n’ont malheureusement pas réussi à leur apporter la paix et la sérénité qu’ils étaient en droit d’attendre d’eux, amenuisant ainsi, de jours en jours, leurs chances de voir notre beau pays redevenir ce pays de la vraie fraternité, cette terre d’espérance, valeurs qui jadis, faisaient notre fierté à tous.


Les guides religieux, n’ont eu de cesse d’interpeller régulièrement leurs concitoyens sans que cela ne trouve toujours un écho favorable à leurs oreilles. Le dialogue direct qui avait suscité beaucoup d’espoirs, nous a laissé l’impression de s’être mué en un dialogue de sourds, même s’il a fini par nous donner les élections présidentielles tant attendues.
Mais alors que tous, ivoiriens et habitants de ce pays, nous attendions de ces élections qu’elles nous offrent le merveilleux cadeau de la paix, notre pays va écrire, cette fois, avec le sang de ses propres fils, l’une des pages les plus sombres de son histoire, nous plongeant ainsi dans une crise sans précédent. Tous autant que nous sommes, nous nous sommes retrouvés égaux face aux dangers suscités par les tirs d’obus et autres armes lourdes. Tous, nous portons aujourd’hui, une souffrance devant laquelle, nous nous découvrons impuissants, car la souffrance constitue un mystère, même si elle est aussi un chemin vers Dieu


Un peu partout sur toute l’étendue du territoire, des hommes, des femmes, des enfants sont morts dans des conditions atroces, découpés à la machette pour les uns, brûlés morts ou vifs pour les autres. Certains de nos frères et sœurs ont perdu le fruit de nombreuses années d’économies, alors qu’ils croyaient pouvoir jouir maintenant d’un repos mérité. D’autres vivent en exil ou emprisonnés, en attendant leurs procès. Pour beaucoup de nos concitoyens, l’avenir est un gros point d’interrogation. L’horizon semble toujours sombre, du fait de l’insécurité, malgré les gros efforts déployés ces derniers jours. Partout, c’est la hantise et la peur des hommes en armes et très souvent incontrôlés.


Loin de moi, par ce rappel, l’idée de vouloir rouvrir les blessures qui peinent à cicatriser. Mon unique et profond souhait, c’est de voir recollés durablement les morceaux d’une Côte d’Ivoire possédée par toutes sortes de démons. Cela passe à mon sens, par une appréciation saine de ce que nous avons vécu. Une appréciation sans laquelle, toute projection ne serait que pur leurre, les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets.


Si nous voulons sortir définitivement de cette crise qui n’a que trop duré, il nous faut impérativement éduquer nos populations et particulièrement, notre jeunesse à la justice et à la paix. L’avenir de toute nation repose sur sa jeunesse dit-on. C’est certainement fort de cette assertion que le Saint Père, le Pape Benoît XVI, dans son message à l’occasion de la 45ème journée mondiale de la paix, nous propose le thème suivant : ‘‘Eduquer les jeunes à la justice et à la paix’’.


La pertinence d'un tel thème pour le monde en général, empêtré dans une crise pluridimensionnelle et pour notre pays en particulier, aux lendemains de la crise postélectorale en fait plus qu'une urgence. Loin de s’adresser uniquement aux jeunes, ce message est également un clin d’œil adressé aux responsables de l'éducation que sont la famille, les Institutions, les responsables politiques et les médias.


2- Appel aux responsables de l’éducation.

1- Pour le Saint Père, la famille étant la première école où on est éduqué à la justice et à la paix, les parents sont donc les premiers éducateurs. Dans un monde où la famille, et aussi la vie elle-même sont constamment menacées et fréquemment brisées, le Pape exhorte les parents à ne pas perdre courage, mais que par l'exemple de leur vie, ils exhortent leurs enfants à placer leur espérance avant tout en Dieu, source de justice et de paix véritables.


Combien de parents aujourd’hui, trouvent-ils eux-mêmes, le temps de s’occuper de l’éducation de leurs enfants. Beaucoup, dans le souci légitime de gagner décemment leurs vies, ont confié cette mission qui est la leur, au mieux à l’école, sinon, aux répétiteurs et autres filles de ménages, qui elles-mêmes, sortent à peine de l’enfance. Chers parents, qu’avez-vous fait de l’éducation de vos enfants ?


2- Les Institutions ont un rôle central en matière d’éducation. Voilà pourquoi le Saint Père recommande à leurs responsables de veiller à ce que la dignité de chaque personne soit respectée et valorisée en toutes circonstances, en aidant chaque jeune à découvrir sa propre vocation, afin de faire fructifier les dons que le Seigneur lui a accordés. Le Pape insiste pour dire que chaque structure éducative doit être un lieu d'ouverture au transcendant et aux autres, un lieu de dialogue, de cohésion et d'écoute pour la construction d'une société plus humaine et fraternelle.


Chers responsables des Institutions, il vous revient donc de faire le maximum pour être pour vos jeunes frères et sœurs, non de simples éducateurs, mais de véritables maîtres, occupés à bâtir l'homme valable pour les défis d'aujourd'hui et de demain. Pour ce faire, vous vous donnerez la dimension requise pour accomplir votre tâche. Engagez-vous de toutes vos forces à créer de bonnes conditions de travail pour les jeunes qui vous sont confiés, afin de faire d’eux, des hommes et des femmes conscients de leur responsabilité d'aujourd'hui et de demain.


3- Aux responsables politiques, le Saint Père demande d'aider concrètement les familles et les institutions éducatives à exercer leur droit et leur devoir d'éduquer. Qu'ils offrent aux jeunes une image limpide de la politique, comme un service véritable pour le bien de tous.
Chez nous, n’avons-nous pas l’impression que l’on donne aux jeunes, l’image dégradée de la politique comme moyen le plus sûr de se servir et non de servir les autres ? Quelle alternative leur propose-t-on alors que l’université est aujourd’hui fermée ?


4- Le Saint Père en appelle aussi au monde des médias afin qu'il donne sa contribution éducative. En effet, les moyens de communication de masse non seulement informent, mais ils façonnent aussi l'esprit de leurs destinataires et peuvent de façon notable contribuer à l'éducation des jeunes de manière positive ou négative.
On ne le dira jamais assez, les moyens de communication constituent pour toutes les nations, le quatrième pouvoir. Il appartient donc aux médias de s’inscrire dans la droite ligne de la déontologie. Certains communicateurs et hommes de médias donnent l’impression chaque jour que ce qui les préoccupe le plus, ce sont les gros titres, les titres à sensation qui font bien vendre leurs journaux. Est-ce vraiment là le rôle de la presse qui est d’informer, d’éduquer et de former?


5- Enfin, le Pape invite les jeunes eux-mêmes à être les protagonistes de leur propre éducation en ayant le courage de vivre en premier ce qu'ils demandent à ceux qui les entourent et en faisant un usage bon et conscient de leur liberté.


Chers amis jeunes, je voudrais à la suite du Pape vous rappeler qu’il faut que vous soyez physiquement forts, intellectuellement brillants, moralement structurés et spirituellement solides et performants. Il est grand temps que vous laissiez la politique aux politiciens pour vous consacrer en premier à vos études. Par ailleurs, sachez que c'est par le sérieux de vos diplômes que vous aurez obtenus sans tricherie que vous serez respectés. Le monde qui parle de globalisation et de mondialisation vit en fait en cercle fermé. Il faut, pour s'y introduire, présenter des lettres de créances. Si vous y allez la tête et les mains vides, vous vous contenterez des miettes qui tombent de la table des convives cooptés.


Frères et sœurs, cet appel du Pape aux responsables de l’éducation est surtout un appel pour une éducation à la vérité et à la liberté, à la justice et à la paix pour s’achever dans le recours ultime qu’est la prière fervente et constante à Dieu.


3- Eduquer à la vérité et à la liberté, à la justice, à la paix.


Eduquer à la vérité pour le Saint Père, c'est répondre à la question fondamentale : qui est l'homme ? Un être qui porte dans son cœur une soif d'infini, une soif de vérité capable d'expliquer le sens de la vie et de reconnaître la vie comme un don inestimable. Cela commande d’avoir un respect profond pour tout être humain et d’aider les autres à avoir une vie conforme à la dignité humaine.


Eduquer à la liberté, c'est apprendre à l'homme à dépasser l'horizon relativiste et à connaître la vérité sur lui-même, sur le bien et le mal. Il doit pour ce faire obéir à la loi morale naturelle, de caractère universel, qui l'appelle à aimer, à faire le bien et à fuir le mal, à assumer la responsabilité du bien accompli et du mal commis en jetant les bases d'un vivre ensemble juste et pacifique entre les personnes. Le juste usage de la liberté est donc central pour la promotion de la justice et de la paix, qui requièrent le respect pour soi-même et pour l'autre, même s'il est loin de son mode d'être et de vivre.


Eduquer à la justice dans notre monde où la valeur de la personne, de sa dignité et de ses droits est sérieusement menacée par la tendance généralisée à recourir exclusivement aux critères de l'utilité, du profit et de l'avoir, requiert de ne pas couper le concept de justice de ses racines transcendantes. La justice en effet n'est pas une simple convention humaine, car ce qui est juste n'est pas déterminé originairement par la loi positive, mais par l'identité profonde de l'être humain. C'est la vision intégrale de l'homme qui permet de ne pas tomber dans une conception contractuelle de la justice et d'ouvrir aussi, grâce à elle, l'horizon de la solidarité et de l'amour.
Pour ce qui est de la paix, le Saint Père affirme qu’elle n'est pas seulement absence de guerre et elle ne se borne pas à assurer l'équilibre des forces adverses. Elle ne peut pas s'obtenir sur terre sans la sauvegarde des biens des personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la fraternité. La paix est un fruit de la justice et un effet de la charité. Elle est avant tout un don de Dieu.


Toutefois, la paix n'est pas seulement un don à recevoir, mais bien également une œuvre à construire. Pour être vraiment des artisans de paix, nous devons nous éduquer à la compassion, à la solidarité, à la collaboration, à la fraternité. La paix pour tous naît de la justice de chacun. Ce ne sont pas les idéologies qui sauvent le monde, mais c'est seulement le fait de se tourner sans réserve vers le Dieu vivant, le garant de ce qui est véritablement bon et vrai, Lui, la mesure de tout ce qui est juste.


Chers frères et sœurs,
Avec le Pape, je redis à tous et particulièrement aux jeunes : N’ayez pas peur de vous engager, d'affronter l'effort et le sacrifice, de choisir des chemins qui exigent la fidélité et la constance, l'humilité et le dévouement. Jeunes, vivez avec confiance votre vie et les désirs profonds de bonheur, de vérité, de beauté et d'amour vrai que vous éprouvez !
Prenez conscience d'être vous-mêmes des exemples stimulants pour les adultes. Plus vous vous efforcez de vaincre les injustices et la corruption, plus vous désirez un avenir meilleur et vous vous engagerez à le construire, alors, vous le serez vraiment. Ayez conscience de vos potentialités et ne vous repliez jamais sur vous-mêmes, mais sachez travailler pour un avenir plus lumineux pour tous. Vous n'êtes jamais seuls. L'Eglise a confiance en vous, elle vous suit, elle vous encourage et désire vous offrir ce qu'elle a de plus précieux : la possibilité de lever les yeux vers Dieu, de rencontrer Jésus Christ, Celui qui est la justice et la paix.


Frères et sœurs,
Comme un costume taillé sur mesure, ce message du Pape dont je vous ai fait part de quelques extraits, sied bien à notre situation post crise et peut servir dans la mise en place des différents chantiers de reconstruction du tissu national profondément déchiré par tant d'années de crise. Les ivoiriens n'aspirent qu'à une chose, la paix ; et éduquer tout le monde à la justice et à la paix, est une bonne chose.


Merci au Saint Père pour la pertinence et l'actualité de ce message pour notre pays. Puissions-nous nous en approprier pour les chantiers futurs.
Merci à vous, Monsieur le Président de la République, pour ce qui est fait pour que les ivoiriens vivent ensemble et mieux dans la réconciliation, la justice, la vérité et la paix. Nous vous encourageons à aller le plus loin possible dans les prises de décisions futures, pour que la justice, la vérité, la réconciliation et la paix, ne soient pas des vœux pieux, mais une réalité concrète et palpable dans le comportement de chaque citoyen de ce pays. Cela exige, de la part de tous, cette capacité à savoir demander pardon et accorder le pardon aux autres, dans une démarche d'humilité et de foi profonde. Qu'en levant nos yeux vers Dieu dans une prière fervente et sincère, il nous exhausse et nous bénisse.
A tous et à chacun, je souhaite que le Seigneur nous fasse emprunter le chemin du pardon et de la réconciliation et nous donne de vivre dans sa paix !


Bonne, Heureuse et Sainte Année 2012.




+ Jean Pierre KUTWÃ
Archevêque d’Abidjan

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