погода Донецке
купить регистратор

MESSAGE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CÉLÉBRATION DE LA 51ème JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

Cathédrale Saint Paul du Plateau Abidjan
Jeudi 28 décembre 2017

 

Comme chaque année, nous nous retrouvons ensemble, sensiblement à cette même période de l’année civile, pour prier particulièrement pour la paix dans notre pays. Bien plus qu’une simple convenance, cette célébration doit nous faire prendre davantage conscience que c’est notre intérêt à tous de vivre dans un climat de paix, pour le bien-être de tous. Parce que la paix est le préalable à tout développement, nous devons fédérer toutes nos énergies pour y parvenir et ainsi nous donner une chance, dans la quiétude et la sérénité, pour relever les nombreux défis qui se présentent à nous et dont celui de la paix n’est pas des moindres.

 

La célébration de ce jour est aussi pour nous l’occasion d’entendre le message que notre Saint Père le Pape livre au monde entier à l’occasion de la journée mondiale de la Paix, message dont je me fais toujours l’agréable devoir de  présenter et de  commenter pour tenir compte de la situation spécifique qui est la nôtre en Côte d’Ivoire.

Pour l’année 2018, le Pape François nous invite à porter notre regard et notre attention sur la situation de ceux qui souffrent le plus de l’absence de paix dans le monde, et parmi ceux-ci, les quelques ‘‘250 millions de migrants, dont 22 millions et demi sont des réfugiés’’. Migrants et refugiés, ‘‘ces hommes et ces femmes, ces enfants, ces jeunes et ces personnes âgées en quête de paix et qui cherchent un endroit où vivre en paix’’. Pour trouver cet endroit, le Pape nous fait remarquer que ‘‘beaucoup d’entre eux sont disposés à risquer leur vie au long d’un voyage qui, dans la plupart des cas, est aussi long que périlleux ; ils sont disposés à subir la fatigue et les souffrances, à affronter des clôtures de barbelés et des murs dressés pour les tenir loin de leur destination.’’ Fin de citation.

En plus de ces migrants et de ces réfugiés, le Pape fait aussi un clin d’œil à ‘‘tous ceux qui fuient la guerre et la faim ou qui sont contraints de quitter leurs terres à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale.’’ Pour tous ceux-là, le Saint Père nous invite à comprendre que ‘‘ouvrir nos cœurs à la souffrance des autres ne suffit pas [car] ‘‘il y aura beaucoup à faire avant que nos frères et nos sœurs puissent recommencer à vivre en paix dans une maison sûre.’’

Continuant sur cette lancée, le Pape François nous instruit : ‘‘accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées.’’

Pour réussir cet accueil, le Souverain Pontife recommande aux gouvernants, qui ‘‘ont une responsabilité précise envers leurs communautés, dont ils doivent assurer les justes droits et le développement harmonieux,’’… de pratiquer la vertu de prudence, celle qui assure de pouvoir ‘´ accueillir, promouvoir, protéger et intégrer ´´tous ces migrants et réfugiés , ´´en établissant des dispositions pratiques, dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, pour s’intégrer’’. Refuser de les accueillir selon le Pape,

c’est ‘‘être comme le constructeur imprévoyant qui fit mal ses calculs et ne parvint pas à achever la tour qu’il avait commencé à bâtir.’’

Quant à la question du nombre sans cesse croissant des réfugiés dans le monde, elle est interprétée par le Pape, citant Saint Jean Paul II,  ‘‘comme une des conséquences d’une interminable et horrible succession de guerres, de conflits, de génocides, de “ purifications ethniques’’ qui avaient marqué le XXème siècle.’’ Et le Pape de conclure : ‘‘le nouveau siècle n’a pas encore connu de véritable tournant : les conflits armés et les autres formes de violence organisée continuent de provoquer des déplacements de population à l’intérieur des frontières nationales et au-delà de celles-ci.’’

A cette raison, le Pape ajoute celui du ‘‘désir d’une vie meilleure, en essayant très souvent de laisser derrière eux le “ désespoir ” d’un futur impossible à construire.’’ Certains partent, poursuit-il, ‘‘pour rejoindre leur famille, pour trouver des possibilités de travail ou d’instruction : ceux qui ne peuvent pas jouir de ces droits ne vivent pas en paix.’’

         En ce qui concerne l’accueil qui est réservé aux migrants et aux réfugiés dans de nombreux pays de destination, le Pape fait remarquer que ‘‘une rhétorique s’est largement diffusée en mettant en exergue les risques encourus pour la sécurité nationale ou le poids financier de l’accueil des nouveaux arrivants, méprisant ainsi la dignité humaine qui doit être reconnue pour tous, en tant que fils et filles de Dieu.’’

Cette situation est d’autant plus dramatique comme dit le Pape que, ‘‘ceux qui fomentent la peur des migrants, parfois à des fins politiques, au lieu de construire la paix sèment la violence, la discrimination raciale et la xénophobie, sources de grande préoccupation pour tous ceux qui ont à cœur la protection de chaque être humain.’’ Il en résulte alors que les migrants et les réfugiés sont considérés ‘‘comme une menace’’. A ceux qui pensent ainsi, le Pape oppose d’avoir sur les migrants, un regard contemplatif ! 

Ce regard contemplatif, c’est celui qui rend ‘‘capable de prendre conscience que nous appartenons tous à une unique famille, migrants et populations locales qui les accueillent, et [que] tous ont le même droit de bénéficier des biens de la terre, dont la destination est universelle, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Église.’’ D’où l’invitation du Pape François à ‘‘les regarder avec un regard rempli de confiance, comme une occasion de construire un avenir de paix.’’

Ce regard contemplatif, c’est aussi celui qui permet de ‘‘découvrir qu’ils n’arrivent pas les mains vides : ils apportent avec eux un élan de courage, leurs capacités, leurs énergies et leurs aspirations, sans compter les trésors de leurs cultures d’origine. De la sorte, ils enrichissent la vie des nations qui les accueillent.’’

A partir de ce même regard, nous sommes également invités à ‘‘découvrir la créativité, la ténacité et l’esprit de sacrifice d’innombrables personnes, familles et communautés qui, dans tous les coins du monde, ouvrent leur porte et leur cœur à des migrants et à des réfugiés, même là où les ressources sont loin d’être abondantes.’’ Enfin, ce regard contemplatif c’est celui qui ‘‘saura guider le discernement des responsables du bien public, afin de pousser les politiques d’accueil jusqu’au maximum de la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, c’est-à-dire en considérant les exigences de tous les membres de l’unique famille humaine et le bien de chacun d’eux.’’

Et le Pape de conclure pour dire que ‘‘ceux qui sont animés par ce regard seront capables de reconnaître les germes de paix qui pointent déjà et ils prendront soin de leur croissance. Ils transformeront ainsi en chantiers de paix nos villes souvent divisées et polarisées par des conflits qui ont précisément trait à la présence de migrants et de réfugiés.’’

Comme stratégie pour offrir à ces demandeurs d’asile, à ces réfugiés, à ces migrants et à ces victimes de la traite d’êtres humains une possibilité de trouver cette paix qu’ils recherchent, le Saint Père propose une stratégie qui conjugue quatre actions : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Cela signifie concrètement d’une part ‘‘d’étendre les possibilités d’entrée légale, de ne pas repousser les réfugiés et les migrants vers des lieux où les attendent persécutions et violences, et d’équilibrer le souci de la sécurité nationale par la protection des droits humains fondamentaux.’’

D’autre part, il s’agit ‘‘de reconnaître et de garantir l’inviolable dignité de ceux qui fuient un danger réel en quête d’asile et de sécurité, et d’empêcher leur exploitation’’. Je pense en particulier [poursuit le Pape] aux femmes et aux enfants qui se trouvent dans des situations où ils sont plus exposés aux risques et aux abus qui vont jusqu’à faire d’eux des esclaves.

Troisièmement, il s’agit selon le Pape de comprendre que ‘‘ promouvoir renvoie au soutien apporté au développement humain intégral des migrants et des réfugiés [ainsi que] l’importance d’assurer aux enfants et aux jeunes l’accès à tous les niveaux d’instruction : de cette façon, ils pourront non seulement cultiver et faire fructifier leurs capacités, mais ils seront aussi davantage en mesure d’aller à la rencontre des autres, en cultivant un esprit de dialogue plutôt que de fermeture et d’affrontement.

Enfin, ‘‘ intégrer signifie, permettre aux réfugiés et aux migrants de participer pleinement à la vie de la société qui les accueille, en une dynamique d’enrichissement réciproque et de collaboration féconde dans la promotion du développement humain intégral des communautés locales’´.

Pour terminer, le Pape fait une proposition pour deux pactes internationaux dont ‘‘l’un, pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, et l’autre concernant les réfugiés [qui] soient inspirés par la compassion, la prévoyance et le courage, de façon à saisir toute occasion de faire progresser la construction de la paix.’’

Frères et sœurs,

L’invitation du Pape François à porter notre regard et notre attention sur la situation de ceux qui souffrent le plus de l’absence de paix dans le monde est celle qui m’autorise à jeter un regard sur la situation interne de notre pays. Comme vous le savez certainement, la Côte d’Ivoire, notre pays, est demeurée, pendant au moins trois décennies, un eldorado des étrangers et un pays symbole de l’intégration de populations diverses, venant notamment de la sous-région ouest africaine.

La politique migratoire menée en Côte d’Ivoire au début des indépendances avait hissé le pays aux premiers rangs des pays à très forte immigration en Afrique et dans le monde. Les chiffres qui l’attestent sont éloquents, qui montrent que durant trente années, cette politique migratoire a ouvert les frontières ivoiriennes à un nombre de plus en plus croissant d’étrangers venant notamment de la sous-région Ouest-africaine.

         Cependant, il serait faux de penser que ces mouvements migratoires ne provenaient uniquement que des pays limitrophes de la Côte d’Ivoire. En effet, le pays a connu et continue de connaître encore aujourd’hui des mouvements de populations : ce sont des mouvements confondus des ethnies vers les villes d’autres régions ethniques et vers les campagnes d’autres groupes ethniques.

         Les raisons de cette politique migratoire se fondaient sur le choix d’un système économique ayant recours à une forte main d’œuvre. Par ailleurs, les capacités des milieux géographiques à offrir du champ au développement de ce système, l’offre d’accès illimité faite aux ressortissants de pays frères, la volonté étatique de construire une communauté nationale dépassant les particularismes ethniques et, enfin, le succès financier de l’économie de plantation expliquent en partie l’effectif de ces migrations. 

Tout ceci a fini par faire de notre pays un melting-pot avec en sus, une soixantaine de langues autochtones. Cela ne va pas sans poser de problèmes en termes de multiplication des conflits entre les autochtones et leurs hôtes. En d’autres termes, d’une situation calme, d’acceptation et de respect mutuels, l’on est passé à une phase d’insécurité latente ou le moindre geste de la part de l’autre est mal interprété, où la moindre faute et le moindre petit commentaire deviennent souvent sources de conflits.

On peut donc trouver de nombreuses raisons de réfléchir sur ce pays. On en dit parfois trop comme si brusquement tous les maux d’Afrique s’étaient cristallisés en ce pays ; parfois on n’en dit pas assez, parce que les problèmes sont plus complexes qu’ils ne paraissent et appellent souvent des analyses plus approfondies. 

En le disant, je pense à la situation sécuritaire dans notre pays et particulièrement à l’ouest, où les déplacements de populations qui fuient les atrocités sont devenus presque monnaie courante ! S’il nous faut reconnaître que beaucoup de choses ont été faites en matière de sécurité, le constat est qu’aujourd’hui encore, trop d’armes circulent dans notre pays et menacent dangereusement la paix et la sérénité de nos populations! Les attaques répétées à mains armées, les braquages, le phénomène des coupeurs de routes, des enfants en conflit avec la loi,(dits microbes) ne sont pas de nature à créer la paix mais bien à engendrer les situations de déplacements des populations, toute chose que nous réprouvons !

Peut-on passer sous silence, comme situation qui menace la paix, la question toujours récurrente du foncier rural, véritable épée de Damoclès sur nos têtes ? Par le passé, le code foncier de 1998 avait semblé donner un début de solution. Comment en sommes-nous arrivés à la situation qui est le nôtre aujourd’hui et qui divise même des enfants d’une même fratrie ? Nos vies ne valent-elles pas plus que les revenus de la terre ? Que faisons-nous de ces revenus ?

Puis-je me permettre d’insister aussi sur l’épineuse et délicate question des exilés, des prisonniers sans jugement, de l’école ivoirienne et de ses débouchées ? Que dire de la croissance dont les effets semblent ne pas être partagés? Je ne  le dirai jamais assez que notre monde est toujours déchiré par les passions de toutes sortes : la cupidité, l’envie, l’emportement, la haine, la lutte des classes, la lutte pour le pouvoir et le refus primitif de tout compromis érigé en principe de vie, sont et seront toujours sources de conflits ! Si nous voulons être crédibles aux yeux des générations futures, nous devons comprendre que l’unité s’impose pour raffermir la crédibilité de notre pays qui marche vers l’émergence que nous appelons de tous nos vœux !

Frères et sœurs,

 

Puisque l’on ne détruit pas ce que l’on aime pour assouvir son égoïsme, et si vraiment nous aimons la Côte d’Ivoire, notre beau pays, si nous sommes réellement conscients que le destin de notre nation est dans nos mains à tous, alors ne sacrifions pas l’avenir lumineux de notre patrie sur l’autel de nos ambitions personnelles, qui divisent et qui portent en elles, des situations confligènes.

 

Oui, la Côte d’Ivoire notre pays n’appartient à personne en propre ! Elle appartient à tous ceux qui veulent la construire, des plus illustres aux plus inconnus. Elle appartient à tous ceux qui veulent la voir rayonner dans la justice et la tolérance, dans la patience et la sérénité, dans l’amour et la prospérité, et enfin dans la paix, celle que Dieu propose à tous les hommes de bonne volonté,aujourd’hui,demain et dans les siècles des siècles. Amen!

 

 

+Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,
Archevêque Métropolitain d’Abidjan

Imprimer

женский журнал
cправочник лекарств