SOLENNITE DU CHRIST-ROI DE L’UNIVERS Par P. Hippolyte AGNIGORI
En terminant l’année liturgique, l’Eglise notre Mère nous donne de célébrer la Solennité du Christ Roi de l’Univers. Deux points essentiels retiennent notre attention :
•Qu’est-ce que la Solennité du Christ-Roi de l’Univers ? Son Origine et son sens dans l’Eglise Catholique.
• Qu’espérer de cette fête pour nous, chrétiens d’aujourd’hui ?
I- QU’EST-CE QUE LA SOLENNITE DU CHRIST ROI DE L’UNIVERS ?
ORIGINE ET SENS
La solennité du Christ-Roi de l’Univers est la célébration qui affirme la domination du Christ sur toute la création. Elle clôt l’année liturgique et a été instituée par le Pape Pie XI le 11 décembre 1925 à travers l'encyclique Quas Primas.
L’Eglise par l’institution de cette fête rappelle que toutes les nations ont un seul Roi : Jésus. Le pape se dit troublé par les conflits mondiaux et propose le règne du Christ (par la paix du Christ). Cette fête met en exergue l'idée que les nations devraient obéir aux lois du Christ contenues dans le Nouveau Testament et véhiculées par la doctrine sociale de l’église. Cette fête, est par ailleurs, une arme spirituelle contre les forces de destruction, les conflits mondiaux et les forces du mal à l’œuvre, que l’Eglise identifie avec la montée de l'athéisme et des réseaux ésotériques disséminés dans le monde entier.
L'année 1925 était aussi le seizième centenaire du premier concile œcuménique de Nicée, qui avait proclamé l'égalité et l'unité du Père et du Fils, et par là même la souveraineté du Christ.
Après Vatican II, la fête du Christ-Roi vient clore le cycle liturgique, chaque année. La fête du Christ Roi de l'univers, fut d'abord célébrée le dernier dimanche d'octobre. Plus récemment, elle fut déplacée pour être mise le dernier dimanche de l'année liturgique. C'est un contexte qui lui convient bien, dans la mesure où les lectures bibliques des derniers dimanches de l'année mettent l'accent sur la fin des temps et le terme du pèlerinage de l'Église.
Sens : Cette fête nous invite à faire advenir dès aujourd’hui le Royaume de Dieu. Mais en quel sens peut-on dire que le Christ est roi ? Dieu présenté comme un roi, voilà qui est très fréquent dans l'Écriture. On peut s'en étonner : l'instauration de la royauté en Israël s'est faite contre la volonté de Dieu qui, comme toujours, s'est soumis au choix des hommes (1 Samuel 8). Dans les évangiles, le thème rebondit avec les multiples mentions du Royaume, ou du Règne, de Dieu, ou des Cieux. De plus, dire que Jésus est Christ, c'est dire qu'il est roi : christ signifie oint, celui qui a reçu l'onction royale. Avec une majuscule, le Christ est ce "fils de David" que l'on attendait et qui devait venir restaurer la royauté en Israël. Pourquoi une telle insistance sur la figure royale ? C'est que le roi est celui qui dépasse tous les autres, qui a pouvoir sur tout et sur tous. Il est aussi l'agent et le symbole de l'unité du peuple. De plus, affrontés à des nations gouvernées par des rois très puissants, les juifs se rassurent en se référant à une Puissance encore plus haute, à un Roi au-dessus de tous les rois.
II- QU’ESPERER DE CETTE FETE AUJOURD’HUI POUR NOUS CHRÉTIENS ?
Chrétiens du vingt-et-unième siècle, nous sommes tentés de trouver le titre de Christ-Roi désuet et dépassé. La royauté du Christ se démarque des modèles humains passés ou présents... D’ailleurs, Jésus n'a jamais revendiqué le titre de roi terrestre : "Ma royauté ne vient pas de 3 ce monde". Il est venu pour servir, non pour être servi. A Pilate qui le presse de questions, Jésus répond : "Tu l'as dit, je suis roi..." en précisant naturellement de quelle manière, ce qui ne fait qu'accroître la perplexité du procurateur. L'évangéliste Jean nous fait percevoir l'aspect paradoxal de cette royauté du Christ en présentant les événements de la Passion comme un cérémonial inédit d'investiture. Jésus est revêtu d'un manteau de pourpre ; il est couronné d'épines et assis sur une estrade. La croix est le lieu de l'élévation où Jésus "attire tous les hommes à lui" (Jean 12, 32).
Le Royaume du Christ ne "vient pas de ce monde", mais il est au cœur de ce monde. C'est le Royaume de l'intériorité : "Le règne de Dieu est parmi vous" (Luc 17, 21). Ce Royaume n'est pas habité par des sujets, des soldats, des fonctionnaires et une cour, mais par des fils. Les "fils du Royaume", ainsi que Jésus les nomme, sont ceux qui cherchent la vérité, ceux qui prennent son chemin, les bénis du Père proches de leurs frères. C'est un "royaume d'amour, de justice et de paix", comme le dit la préface eucharistique.
La porte du Royaume s'ouvre pour nous dans le baptême et les sacrements. Mais l'entrée effective n'est pas à chercher seulement dans nos églises ou dans le secret de notre prière. Elle s'opère aussi dans le concret de notre vie, dans le vif de notre actualité traversée par ses misères et ses espoirs. Le Royaume est présent et en construction dans chaque écoute patiente, chaque sourire encourageant, chaque fardeau partagé, chaque regard respectueux et aimant, chaque geste de paix et de réconciliation... Le passeport en est l'amour et le service au nom du Seigneur Jésus. Nous sommes les ambassadeurs de ce Royaume...
Le trésor du Royaume, ce sont les pauvres et les humbles ; ce sont tous les êtres humains pour lesquels le Christ Jésus est venu servir et donner sa vie.
Mais en quoi consiste le "pouvoir" de Jésus Christ- Roi ? (Pape Benoit XVI)
En ce dernier dimanche de l'Année liturgique, nous célébrons la solennité de Jésus Christ Roi de l'Univers, une fête instituée de façon relativement récente, mais qui a des racines bibliques et théologique profondes. Le titre de "roi", appliqué à Jésus, est très important dans les Évangiles et il permet de donner une lecture complète de sa figure et de sa mission de salut. On peut remarquer à ce propos une progression : on part de l'expression "roi des Juifs" et on arrive à celle de roi universel, Seigneur de l'univers et de l'histoire, donc très au-delà des attentes du peuple juif lui-même. Au centre de ce parcours de révélation de la royauté de Jésus Christ, il y a encore une fois le mystère de sa mort et de sa résurrection. Lorsque Jésus est mis en croix, les prêtres, les scribes et les anciens le tournent en dérision en disant : "Il est le roi d'Israël ; qu'il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui" (Mt 27, 42). En réalité, c'est justement parce qu'il est le Fils de Dieu que Jésus s'est remis librement à sa passion, et la croix est le signe paradoxal de sa royauté qui consiste dans la volonté d'amour de Dieu le Père sur la désobéissance du péché. C'est justement en s'offrant lui-même en sacrifice d'expiation que Jésus devient le Roi universel, comme il le déclarera Lui-même en apparaissant aux apôtres après la résurrection : "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre" (Mt 28, 18).
Mais en quoi consiste le "pouvoir" de Jésus Christ Roi ? Ce n'est pas celui des rois et des grands de ce monde ; c'est le pouvoir divin de donner la vie éternelle, de libérer du mal, de vaincre le pouvoir de la mort. C'est le pouvoir de l'Amour, qui sait tirer le bien du mal, attendrir un cœur endurci, apporter la paix dans le conflit le plus âpre, allumer l'espérance dans les ténèbres les plus épaisses. Ce règne de la Grâce ne s'impose jamais, et respecte toujours notre liberté. Le Christ est venu "rendre témoignage à la vérité" (Jn 18, 37) - comme il l'a dit devant Pilate - : qui accueille son témoignage se place sous son "étendard", selon l'image chère à saint Ignace de Loyola. Un choix - ce "oui" - est donc nécessaire pour chaque conscience : qui est-ce que je veux suivre ? Dieu ou le malin ? La vérité ou le mensonge ? Choisir le Christ ne garantit pas le succès selon les critères du monde, mais assure cette paix et cette joie que lui seul peut donner. C'est ce que manifeste à chaque époque l'expérience de tant d'hommes et de femmes qui, au nom du Christ, au nom de la vérité et de la justice, ont su s'opposer aux flatteries des pouvoirs terrestres et de leurs différents masques, jusqu'à sceller cette fidélité par le martyre.
Chers frères et sœurs, lorsque l'Ange Gabriel a apporté l'annonce à Marie, il lui a annoncé que son Fils aurait hérité du trône de David, et qu'il aurait régné à jamais (cf. Lc 1, 32-33). Et la Sainte Vierge a cru avant même de l'offrir au monde. Elle a ensuite dû certainement se demander quel nouveau genre de royauté serait celle de Jésus, et elle l'a compris en écoutant ses paroles et surtout en participant intimement au mystère de sa mort sur la croix et de sa résurrection. Demandons à Marie de nous aider nous aussi à suivre Jésus, notre Roi, comme elle l'a fait elle-même, et à lui rendre témoignage par toute notre existence.
(Benoit XVI, Place Saint-Pierre, Dimanche 22 novembre 2009, Angelus)