HOMELIE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWA ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CELEBRATION DU VINGTIEME ANNIVERSAIRE DE LA PAROISSE SAINTE CECILE DU VALLON

Paroisse Sainte Cécile du Vallon Abidjan le 5 février 2012


Eminence,

Excellences,

Révérends Pères,

Révérendes sœurs,

Chers frères et sœurs,

Vous le savez certainement : lorsque l’homme rencontre Dieu, cela ne le met pas uniquement en présence de l’Absolu, mais cette rencontre le comble et transforme sa vie. L’action de grâce apparaît comme la réponse à cette grâce progressive et continuelle qui s’épanouira un jour dans le Christ. A la fois prise de conscience des dons de Dieu, élan très pur de l’âme saisie d’émerveillements par cette générosité et reconnaissance joyeuse devant la grandeur divine, l’action de grâce est essentielle dans toute vie et surtout pour le croyant, parce qu’elle est une réaction de la créature découvrant, dans la joie et la vénération, quelque chose de son Créateur.

Vous auriez pu attendre que votre paroisse atteigne ses vingt-cinq ans d’existence pour célébrer le Seigneur. Mais en décidant de Lui rendre grâce aujourd’hui, vous manifestez clairement que c’est tous les jours qu’il nous faut dire merci à Dieu, Lui l’origine et le terme de toute chose. Vous comprendrez alors pourquoi je n’ai pas voulu me faire compter l’événement. En fait, je suis venu vous dire par ma présence que je m’associe pleinement à tout ce qui concerne mes frères que vous êtes, vivant sur cette portion de terre qu’est notre Archidiocèse d’Abidjan, et que Notre Saint Père, le Pape a bien voulu me confier comme Archevêque.

Je suis venu vous dire, chrétiens de Sainte Cécile du Vallon, que vos joies et vos espoirs, de même que vos tristesses et vos angoisses, sont et seront toujours les miennes et que rien, pas même les soubresauts inhérents à toute vie, ne doit vous enlever votre joie d’avoir pour Maître et Seigneur, Jésus-Christ, et de le célébrer.

Chant : ‘‘Le Seigneur a fait pour moi des merveilles…’’

Oui, le Seigneur a fait pour vous des merveilles, depuis un certain 5 avril 1982, lorsque feu le Cardinal Barnard YAGO, d’affectueuse mémoire, annonçait la création d’un Centre Paroissial au Vallon. Depuis, beaucoup de choses ont changé, notamment, la construction de votre église, du presbytère, des salles de réunions etc.

Je voudrais avec vous me souvenir que dans un passé récent, on disait de Sainte Cécile qu’elle était stérile en matière de vocation, retard que vous avez vite comblé en donnant à notre église diocésaine, déjà cinq prêtres et peut-être bientôt, un sixième. La cour de la paroisse elle-même, n’est plus ce qu’elle était il ya de cela quelques années : le gazon et quelques fois la boue ont fait place à un dallage qui lui donne un véritable air de propreté.

La rigueur avec laquelle vos finances sont tenues, vous vaut aujourd’hui, d’être citée en exemple dans tout le diocèse, même si je vous sais capable de mieux encore. La qualité de vos célébrations eucharistiques, de même que l’animation au quotidien de votre paroisse ne sont pas en reste. Vraiment, quelque chose de bien, de grand et de beau s’est passée ici au Vallon, depuis l’érection du centre paroissial en paroisse de plein exercice le 8 juillet 1991.

‘‘Sainte Cécile, la Paroisse en mouvement !’’ Tel est le slogan par lequel vous voulez vous identifier dans notre Archidiocèse d’Abidjan et vous avez raison, car tout mouvement qui part de Dieu vers les hommes et des hommes vers Dieu, traduit l’option préférentielle qu’ils veulent avoir, de ne rien préférer à l’amour de Dieu et au service de leurs frères et sœurs. Peut-être est-il trop tôt pour faire un bilan et qu’il nous faudra attendre dans cinq années, lors de la célébration de votre jubilé d’argent pour le faire. Mais à tout le moins, nous pouvons rendre hommage à tous les artisans, prêtres et laïcs, qui rendent possible cette cérémonie de ce jour.

Je pense à tous ceux qui nous ont précédés dans la maison du Père Eternel : feu le Père Jacques NOMEL, alors Curé de Saint Jacques qui a assuré les premières permanences. Je n’oublie pas aussi Messieurs Pierre DAILLY, anciennement Président du Conseil Paroissial, Charles BEDA, chargé des finances, Séraphin Dieudonné NIANGORAN PORQUET, dont la Compagnie théâtrale porte si fièrement le nom, SEGUEDA Jean Paul qui fut sacristain de longues années durant, et j’en oublie certainement.

D’autres sont aujourd’hui encore avec nous : les Pères Pierre NIAVA, Emmanuel ZABSONRE, Marcelin N’Cho KOUADIO, Marcel AKMEL, Richard KISSI, Eric Norbert ABEKAN, Siméon ATSIN, Philibert AKO ainsi que tous leurs collaborateurs, affectés ici en qualités de vicaires, eux qui chacun avec son charisme propre, a œuvré au rayonnement de la Parole de Dieu.

Comment oublier les Gisèle N’ZORE, première Présidente du Conseil Paroissial, les ODI Etienne, KOFFI René, GOLY Monique, N’ZEBO Jacqueline, COULIBALY Hortense, Patrice ZOUNGRANA, ATTA Germaine, YAO KRA Henri, Albert TAGO, Marius DJAMA, BROU Faustine, ASSALE Augustin, René Eugène LAUBOUET, HARDING Philipe, Marcel YAMEOGO, BILE Diéméléou, Alexandre BAHI ZOGBO…, OUATTARA Monique, Marie Brigitte KANTIONO, ADOUKO Elie Clément, Alfred KOUAKOU, KOCOGNI Alphonse… Non, vraiment, je ne peux les citer tous ici. Que tous reçoivent de Dieu la récompense qu’Il promet à ses bons et loyaux serviteurs.

Excellences,

Chers frères et sœurs,

Je voudrais avec vous, à la suite des textes que la liturgie propose à notre méditation en ce jour, que nous puissions dès aujourd’hui, jeter les bases du bilan que nous ferons lors du jubilé d’argent de votre paroisse, car ces textes sont assez significatifs de ce que Dieu attend de nous.

La première lecture de ce jour nous pose une question essentielle : face au mal, pouvons-nous trouver une explication qui dissiperait le sentiment de scandale que nous ressentons ? La pensée juive de cette époque a cherché à donner à la souffrance une telle explication en la considérant comme le châtiment de la faute. Mais l’auteur du livre de Job fait éclater la vanité de ce discours prétendument théologique qui écarte en réalité la difficulté sans la résoudre.

En contant l’histoire du juste qui souffre, il dénonce le caractère trompeur de toutes les tentatives humaines pour dissoudre le mystère : il est finalement impossible de justifier le mal. Au terme de la réflexion, Job doit simplement reconnaître les limites de son intelligence et s’en remettre à Dieu. Mais c’est au moment où il affirme ainsi sa confiance que Dieu le sauvera. Purifié par l’épreuve, cessant d’exiger des comptes à son Créateur, il échappe à l’emprise du mal.

Dans la deuxième lecture, le Pharisien Saul avait vécu dans une perspective religieuse selon laquelle, Dieu se devait de récompenser celui qui obéissait à la Loi. En fait, cette vision des choses avait fait de lui un fanatique persécuteur des chrétiens. Converti par la suite sur le chemin de Damas, il a alors fait l’expérience de la miséricorde gratuite de Dieu. Il en a été totalement renouvelé. Il est désormais capable de supporter toutes les difficultés sans plus jamais calculer ce que pourrait être sa récompense, car c’est en se vouant totalement au service des autres qu’il fait l’expérience directe de ce qu’est le salut.

Enfin dans l’évangile, en guérissant le jour du sabbat des personnes liées par la maladie, Jésus montre que le véritable sens du sabbat est bien la libération des humains. Certains Lui reprocheront de ne pas respecter la loi du sabbat alors que dans l’évangile, le coucher du soleil et l’apparition des premières étoiles indiquaient la fin du sabbat : il était alors permis de se déplacer.

Frères et sœurs,

De toutes ces lectures, je voudrais retenir trois pistes de méditation : à savoir que face à la question du mal, nous ne pouvons pas exiger de Dieu qu’Il nous fasse des comptes, que sa miséricorde est gratuite et enfin, que son Fils est venu pour nous libérer de tout ce qui nous encombrent dans notre marche à sa suite.

1- Face à la question du mal, quelle explication ?

Il nous faut faire un constat : c’est que le mal existe, gigantesque, odieux, insupportable parfois. Il est inséparable de l’existence humaine. Mais le mal est mystère, comme Dieu ! Sommes-nous assez persuadés que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, que Dieu est le Tout-Autre et qu’Il voit les choses d’une façon radicalement différente de la nôtre, et donc que Lui demander des comptes est insensé car trop de paramètres nous manquent.

Il arrive que face à la question du mal, nous jugeons Dieu un peu comme nous jugeons les chefs du monde ou de l’Eglise, sans avoir tous les éléments en main. Qui pourrait donner une réponse satisfaisante au problème du mal, puisqu’il n’a pas le plan d’ensemble du projet de Dieu. En disant qu’il n’ya pas de Dieu, on a une réponse facile au problème du mal : le monde est absurdité surgie du hasard et de la nécessité ! En niant Dieu, on peut expliquer le mal, mais on n’explique pas le bien. Or il faut expliquer et le bien et le mal et c’est là que se trouve tout le mystère.

Cependant, je voudrais vous inviter à faire en sorte qu’à l’heure du bilan, nous nous posions la seule question qui en vaut la peine à mon sens : Quels efforts ai-je consentis pour que le bien règne dans notre communauté paroissiale ? C’est qu’en jugeant Dieu à partir du mal, on oublie la fin heureuse prévue pour le monde. Dès lors, il nous faut comprendre que le mal n’est pas forcément une punition du péché.

2- De la miséricorde gratuite de Dieu.

Quand l’homme prend conscience qu’il est malheureux ou pécheur, alors se révèle à lui, de façon plus ou moins net, le visage de la miséricorde infinie de Dieu. Mais la miséricorde, ce n’est pas que le pardon ou la compassion. Elle oscille entre amour, tendresse, pitié, compassion, clémence, bonté et même grâce et appelle la conversion.

Si Dieu consent à se détourner de nos péchés et de la misère dans laquelle ils nous entrainent, c’est qu’Il désir par dessus tout, le retournement du pécheur vers Lui et sa conversion. Non Dieu ne garde pas une rancune éternelle mais Il veut que le pécheur reconnaisse sa malice. Enfin, si Dieu est tendresse, comment n’exigerait-il pas de ses créatures, la même la tendresse mutuelle ?

Vingt années se sont écoulées depuis l’érection du Centre paroissial du Vallon en paroisse de plein exercice. N’avons-nous aujourd’hui des pardons à donner ? A recevoir ? A quand remonte notre dernière confession ? Sommes-nous sincères et vrais dans nos relations interpersonnelles ? Que se cachent-ils derrière nos sourires et nos embrassades chaque fois que nous nous rencontrons ? Que pensons-nous aujourd’hui des paroles que nous prononçons à toutes nos eucharisties : ‘‘pardonne-nous, comme nous pardonnons aussi, à ceux qui nous ont offensé ?’’

3- De la liberté des enfants de Dieu que nous sommes.


‘‘Frères, vous avez été appelés à la liberté’’ nous dit Saint Paul (Ga.5, 3) : c’est là, un des aspects essentiels des évangiles. Jésus est venu ‘‘annoncer aux captifs la délivrance, et rendre la liberté aux opprimés nous dit Saint Luc (Lc.4, 18). Cette intervention du Christ est efficace pour tous : païens de jadis, qui se sentaient régis par une sorte de fatalité, Juifs qui refusaient de s’avouer esclaves, et aussi homme d’aujourd’hui, qui aspirent confusément à une libération définitive.

Mais il y a liberté et liberté et la bible affirme que l’homme est doté du pouvoir de répondre, par un choix libre, aux intentions de Dieu sur lui. Si dans l’Ancien Testament, pour assurer la libération de son peuple, Dieu Lui-même intervient, dans le Nouveau Testament, la grâce du Christ apporte à tous les hommes la liberté des enfants de Dieu.

A quelques années de la célébration de votre jubilé d’argent, je voudrais vous inviter à chercher les liens dont il faudra vous défaire pour être véritablement libres pour le Christ. Quels sont les bagages dont nous avons à nous délester pour que notre rencontre avec le Christ nous procure les grâces que nous sommes en droit d’attendre de Lui ?

Les pistes de méditation que je soumets à votre réflexion pour le prochain jubilé d’argent de Sainte Cécile ne sont pas exhaustives. Je vous encourage à en dégager quelques unes encore pour que la fête soit belle. En attendant, tout en bénissant, je vous recommande à la prière bienveillante de Sainte Cécile.

Bonne fête à tous !


+ Jean Pierre KUTWÃ,

Archevêque d’Abidjan

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