HOMELIE DE MONSEIGNEUR JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CONFIRMATION DES JEUNES DE L’ARCHIDIOCESE D’ABIDJAN
Cathédrale Saint Paul du Plateau Dimanche 12 Juin 2011
Révérends Pères,
Révérendes sœurs,
Frères et sœurs,
Chers confirmands,
Il ya de cela dix jours, nous célébrions l’Ascension de notre Seigneur au ciel. Ce jour-là, Jésus ressuscité s’était manifesté aux Onze qui vivaient des sentiments mêlés d’adoration et de doute. Il leur signifiait qu’Il allait les laisser, mais leur promettait d’être avec eux d’une autre manière, et cela jusqu’à la fin des temps. Cette absence du Christ est le signe manifeste qu’Il laisse désormais à ses disciples, le soin d’achever la mission qu’Il a Lui-même commencée.
Cette mission, consiste à faire entrer toutes les nations dans le royaume par le baptême : ‘‘allez donc ! De toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit’’ leur avait-il commandé. Les Apôtres reçoivent donc de Jésus, et la mission, et le pouvoir pour cette mission. Telle est le sens de la fête de l’Ascension : elle est à la fois célébration de la gloire du Christ et inauguration de la mission de l’Eglise, mission qui n’est autre que celle de faire monter chacun vers le Père, de donner à chaque personne, à travers le monde et à travers l’histoire, la possibilité d’accéder à la vie divine.
Cependant, cette mission que le Christ a confiée aux Apôtres hier et qui est celle confiée à l’Eglise aujourd’hui, n’est pas sans risque. En effet, le Christ qui sait que les Apôtres vont être privés de sa présence physique, qu’ils risquent de se décourager, qu’ils n’auront pas toujours ni la force, ni l’intelligence, ni le courage de faire tout ce qu’Il leur a confié, les rassure en ces termes : ‘‘Je ne vous laisserai pas orphelin. Je vais vous envoyer le Saint Esprit que mon Père a promis’’. Puis il ajoute ‘‘vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre’’ (Ac.1, 8)
1- De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie
Chers confirmands, depuis le moment où Jésus a appelé ses disciples, par ses gestes et par ses paroles, par sa prière et par sa présence, Il les préparait pour ce jour de la Pentecôte. Comme Lui, ils ont une mission à accomplir, un message à répandre, un ministère à exercer. L’œuvre qu’il a commencée ne doit pas être interrompue ; cette transformation, cette re-création de la vie de l’homme doit être poursuivie ; les peuples et les nations de tous les temps ont le besoin et le droit de savoir que Dieu les aime. Ces quelques personnes, récemment encore si peureuses et perdues, sont donc aujourd’hui, lancées par Jésus. Si nous ne connaissions ni les apôtres, ni la suite de l’histoire de l’Eglise, si nous n’avions pas vu plusieurs fois Dieu se servir de petits commencements et de choses modestes pour faire comprendre sa grandeur, nous aurions sans doute des raisons d’être septiques quant à la réussite de cette mission.
En effet, comment comprendre que le Christ ait pu confier l’œuvre d’évangélisation du monde à des hommes si faibles et si peureux ? Comment vont-ils s’y prendre, ces pêcheurs ? Comment comprendre qu’une telle mission à l’échelle de toutes les nations du monde soit confiée uniquement à une poignée d’hommes pareils ? Plus grave encore, Jésus a aussi parlé de ‘‘brebis envoyés au milieu des loups’’. C’est qu’Il mesure parfaitement l’hostilité, le refus ou l’indifférence que ses missionnaires et son message vont provoquer chez les hommes. Il ne les envoie donc pas les mains vides : ‘‘Recevez le Saint Esprit’’.
Par ces paroles, les disciples ont à leur disposition les armes que Dieu a déjà confiées à son Fils, des armes qui ne tuent pas mais, au contraire, des armes qui font vivre. Désormais pénétrés de l’Esprit Saint, les Apôtres vivent dans le monde du pardon et de la miséricorde. Leur mission se résume en un ordre simple : aller proclamer cette bonne nouvelle de la réconciliation et du pardon.
Cependant, il est arrivé que les dons de l’Esprit Saint aient été la cause d’incompréhensions et de divisions à l’intérieur des communautés, alors que la multiplicité des dons dans l’Eglise prouve non seulement que chacun y a sa place mais bien plus, que ces dons sont pour le bien de toute la communauté.
2- Les dons du Saint Esprit pour aider la communauté à se construire dans l’amour.
Frères et sœurs,
Dans la deuxième lecture de ce jour, Saint Paul nous raconte comment, soulevés par l’enthousiasme de la conversion, les Corinthiens sont tentés d’accorder une importance excessive à certaines manifestations de l’Esprit. Il leur rappelle que ces dons n’ont de sens et de valeur que dans la mesure où on les utilise pour aider la communauté à se construire dans l’amour. L’avertissement est clair : que personne donc ne s’autorise de ses dons particuliers ou de ses fonctions pour se croire supérieur aux autres. Chacun a sa place irremplaçable dans un corps animé par un seul et même Esprit. C’est celui-ci qui se manifeste de façon unique en chacun et réunit tous les hommes dans l’amour.
Enfin, une bonne lecture et une étude minutieuse de la première lecture nous montrent qu’il est très riche d’enseignements d’une part et regorge d’autre part de nombreux symbolismes. Le rassemblement dans un même lieu témoigne de l’unité des Apôtres et de toute la communauté réunie. Cette unité rappelle celle du peuple d’Israël réuni au pied de la montagne du Sinaï pour accueillir les dix commandements donnés par Dieu à Moise (Ex 19,8).
Même si les premiers bénéficiaires de l’Esprit sont les Apôtres, d’autres, plus nombreux, venus de plusieurs pays, reçoivent eux aussi l’Esprit Saint ce jour-là. Comme les Apôtres, ils reçoivent le don de comprendre chacun dans sa propre langue. Ainsi, l’Esprit à été répandu sur les étrangers venus des quatre coins du bassin méditerranéen comme pour montrer que Dieu ne fait pas de différence entre ses fils et sait se montrer attentifs à ceux qui croient en Lui. Le vent qui souffle avec force, manifeste que Dieu intervient avec puissance en ce moment précis dans la vie des disciples. C’est le signe que les Apôtres ont besoin d’une grande force pour faire démarrer l’Eglise. Par ailleurs, l’Esprit Saint est comme un feu qui va ‘‘chauffer ’’ le cœur des Apôtres, pour faire d’eux les témoins du Seigneur Jésus avec qui ils ont vécu. Il va enlever d’eux toute peur et brûler tout égoïsme en eux.
Enfin, les langues de feu signifient aussi que l’Esprit de la Pentecôte est un Esprit essentiellement missionnaire, apostolique : il fait annoncer l’Evangile du salut au monde entier : c’est l’appel de tous les peuples à recevoir la Bonne Nouvelle de Jésus. Désormais l’Eglise est pour toutes les races, pour toutes les d’ethnies, pour tous les pays, pour toutes les régions du monde.
3- Pentecôte aujourd’hui, pour une nouvelle Côte d’Ivoire
Frères et sœurs, chers confirmands,
La fête chrétienne de la Pentecôte est particulièrement votre fête à vous les confirmands aujourd’hui. Jésus va envoyer son Esprit Saint sur vous pour vous donner la force de vivre comme il le demande. Cet Esprit qui fera de vous des témoins de Jésus Christ et des messagers de la Bonne Nouvelle, vous commande de transformer votre cadre de vie par l’instauration d’un ordre nouveau de justice, de fraternité, de concorde et de paix. Cela passe par un engagement concret dans la société ; engagement qui consiste à renoncer à la violence, à la loi du moindre effort, à dénoncer la corruption et tous les autres maux du même genre, qui minent notre société.
Il va sans dire qu’il vous faut du courage pour arriver à cet idéal. Vous vous devez désormais de chasser la peur en vous. L’exemple des Apôtres devrait en ce sens vous stimuler. Pierre le peureux et ses amis annoncent Jésus sans peur. A sa suite, je vous invite, au nom de votre baptême et de l’Esprit de Dieu qui est encore à l’œuvre dans notre monde, à sortir de vos craintes pour dénoncer tout ce qui empêche la liberté individuelle, nie la dignité humaine et menace le bien commun.
Chers fils, en ce sens, il vous faudra accepter d’être sel de la terre et lumière du monde. C’est uniquement à ce prix que l’on reconnaîtra que quelque chose de nouveau est advenu dans vos vies. Et même si cela devrait vous conduire à la mort, écoutez le Seigneur vous rassurer: ‘‘n’ayez pas peur de celui qui tue le corps et qui, après cela, ne peut rien faire de plus’’ (Mc12,4-6). Je termine en souhaitant que la Pentecôte 2011 inaugure pour chacun de vous ici présents, pour vos familles, pour notre pays, une ère nouvelle où Dieu aura priorité sur tout. Bonne fête à tous !
+ Jean Pierre KUTWÃ Archevêque d’Abidjan