Solennité Immaculée Conception

L'Immaculée Conception "s'impose"-t-elle ?

L’Immaculée Conception est le dogme 1  qui définit la Vierge Marie comme pure du péché originel dont hérite automatiquement le genre humain à la naissance. Elle a été conçue sans péché en fonction de sa future mission de mère du Sauveur. Alors, aux origines, pourquoi cette vérité de fois'impose-t-elle ?

Aborder directement le fait marial dans l’Eglise catholique par une question si directe n’obéit absolument pas à la démarche chrétienne. Le sujet marial dans le christianisme ne constitue pas un chapitre ou une réflexion à tenir en dehors de l’Eglise : c’est dans la Constitution dogmatique sur l’Église (LumenGentium), au chapitre 8, que l’on traite de la « Sainte Vierge Marie », de son rôle de Mère de l’Église (Corps du Christ), et qu’en prônant l’unique médiation du Christ pour notre salut, l’on attribue à Marie le titre de servante du Seigneur, associée au Seigneur. On cerne de prime abord que le fait Marial n’est pas abordé au-delà des limites de l’Eglise, mais à l’intérieur de celle-ci. Parce que fille de l’Eglise, le Concile Vatican II ne la voit pas comme une autre divinité mais comme une simple servante.

Mais d’où nous vient donc l’interrogation ‘’ Marie est-elle sans péché’’ ? Si tous les hommes sont frappés par le péché originel dès leur naissance (comme souligné plus haut), pourquoi et comment peut-on parler de Marie comme étant conçue sans péché ?

Notre argumentation se fera en trois parties essentielles:
- La nécessaire compréhension du péché originel.
- Marie dansles premierstemps de l’Eglise.
- La proclamation du dogme de l’Immaculée conception : Marie conçue sans péché.


1 Un dogme est une vérité de foi solennellement proclamée par le Pape pour être accueillie par l’Église.


 

I- La nécessaire compréhension du péché originel

Avec les enseignements catéchétiques, il est enseigné à tout chrétien que le baptême efface le péché originel contracté depuis notre naissance. Mais qu’est-ce que le péché originel pour que nous puissions tous le contracter dès notre naissance ? Cette question est importante car elle nous renseigne sur notre compréhension du fait marial. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique au paragraphe 7 traite de la chute de nos premiers parents et exprime la doctrine du péché originel. On peut résumer cette doctrine en des termes suivants : Dieu a créé l’homme à son image (Gn 1,26-27).Dieu est donc Créateur et l’homme est la créature. L’homme doit donc être soumis au Créateur dans la joie, dans le respect des lois du Créateur. Cependant, quand le Créateur interdit à Adam (Créature) de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn 2,17), Adam désobéit ; cet interdit évoque symboliquement la limite infranchissable que l’homme en tant que créature doit librement reconnaitre, respecter avec confiance. Dieu qui est Créateur sait ce qui est bien pour l’homme qui est créature,mais l’homme a transgressé la loi divine. Dans ce péché, Adam s’est préféré lui-même à Dieu et a donc méprisé Dieu en désobéissant à son Créateur. Ainsi, l'on peut facilement se poser une autre question :

ce péché qui est commis, propre à Adam et Eve, comment et pourquoi le contractons-nous à notre naissance ?

Adam et Eve sont les premières créatures humaines désirées et voulues par Dieu. C’est vrai, en cédant au tentateur, ils commettent un péché personnel, mais dans la mesure où ils sont les premières créatures humaines qui donneront naissance à d’autres humains ; leur péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans un état déchu, privée de la sainteté. Cette transmission de la nature humaine privée de sainteté et de justice originelle est appelée péché originel : péché contracté (état) par tous les hommes à leur naissance, non pas commis(acte).

Par ailleurs, c’est uniquement la grâce du Baptême (mort et Résurrection du Christ) qui redonne à l’homme corrompu dès sa naissance, son image d’antan (Image de Dieu).

Alors si tous les hommes sont atteints par ce péché à la naissance, qu’en est-il de la Vierge Marie, humaine israélite du premier siècle ?

II- Marie dans les premiers temps de l'Eglise

Un fait important est à souligner : Marie n’est pas tombée du ciel, elle n’est aucunement une invention, elle a réellement existé.

Ce serait donc périlleux de parler de Marie sans regarder les premiers siècles de l’Église.

Ces premiers siècles nous renseignent sur la figure de Marie : elle est fille unique de Anne et Joachim selon le Protévangile de Jacques(écrit apocryphe).
- Marie dans les Evangiles.
- Marie dansla littérature des Pères pré-nicéens.
- Marie dans la confession de Foi.

1- Dans la littérature évangélique

Dans la littérature évangélique, il faut considérer l’image de la vierge Marie comme intervenant en seconde position. La figure emblématique des Évangiles est bien évidemment « Le Seigneur Jésus Christ ». Cependant dans les différentes trames évangéliques, le présupposé marial s’impose comme figure nécessaire dans la vie de Jésus et surtout dans sa naissance. Parler de la Naissance de Jésus sans faire mention de Marie serait tronquer l’histoire. On reconnaît aisément que, les évangiles, mêmes s’ils abordaient le fait marial, l’évoquaient juste pour situer l’avènement de Jésus dans une histoire qui impliquait nécessairement l’énoncé de Marie. Tous les évangélistes sont unanimes sur ce sujet : St Luc, met en évidence, dans l’enfance de Jésus le rôle important et le choix de Dieu qui se réalise en Marie (Annonciation : comblée de grâce). Les autres évangélistes, plus sobres, l’évoquent dans la trame évangélique comme donnée historique. Les livres apocryphes, quant à eux, parleront d’elle avec ampleur.

2- Marie chez les Pères pré-nicéens

Les Pères de l’église avant le concile de Nicée de 325,reconnaissent la place de la Vierge Marie dans l’énoncé de la Christologie : c’est un regard droit sur le Christ qui incite à parler de la Vierge Marie comme mère de Jésus, Christ et Sauveur, qui est Dieu. Pour eux, il fallait d’abord affirmer la divinité du Christ et faire découler, par la suite, le supposé de la destinée de laVierge Marie :
Ignace d’Antioche (Vers 110): Notre Dieu, Jésus Christ a été porté dans le sein de Marie… Irénée de Lyon (Vers 180) : l’Emmanuel né de la Vierge… (la suprématie de la Vierge par rapport à Eve) Origène (vers 185) : … Marie n’a pas eu d’autres fils que Jésus selon ceux qui pensent sainement d’elle…

3- Marie dans la confession de Foi

Dans les symboles de foi, qui connaissent une lente genèse… Au IIIe, apparaît de manière définitive le symbole dit des Apôtres qui comporte de manière explicite le nom de la Vierge Marie : …est né de la Vierge Marie (attestation de la Virginité de Marie).

Au IVe siècle naît un autre credo : il fut promulgué lors du concile de Nicée de 325 et complété au concile de Constantinople de 381 : de là l'expression symbole de Nicée-Constantinople : … s’est incarné par le Saint- Esprit, de la Vierge Marie et s’est fait homme … ( Incarnation par le biais de la Vierge Marie : affirmation de la Virginité de Marie)

Il est donc aisé de comprendre que dans le symbole, par la qualification de «Vierge », Marie témoigne du Mystère de l’Incarnation. Dans les deux symboles, l’expression Vierge Marie, fait professer la Foi en Jésus Seigneur. On cerne densément que pour nous sauver, le Verbe de Dieu a pris chair de la Vierge Marie…La vénération mariale n’est pas loin. 

4- La particularité du Concile d’Éphèse

Au Concile d’Ephèse, l’image de la Vierge Marie va grandir. Le concile définit que JESUS est Vrai-Dieu et Vrai Homme. Si Jésus est ainsi défini, la Vierge Marie devient par conséquent la mère du Vrai Dieu et du Vrai Homme. Elle est donc reconnue Theotokos (Mère de Dieu).

En plus d’être Vierge, Marie est désignée comme Mère de Dieu. A partir de cet instant, la piété mariale va battre son plein. Les chrétiens vont commencer à vénérer Marie parfois même avec même des extrapolations et déviations (Mariolâtrie avec les collyridiens 3 et les philomarianites 4).

Mais tout cela ne dit passi Marie estsans péché ou pas.

III- La proclamation du dogme de l’Immaculée conception : Marie conçue sans péché.

Après avoir défini la Vierge Marie comme Mère de Dieu au Ve siècle, les chrétiens commenceront à se poser la question relative à l’Immaculée conception de Marie. C’est au Moyen-âge, entre XI-XVe siècle, que nombre de chrétiens se poseront trois questions fondamentales sur la Vierge Marie :
- Marie est-elle ou non dans le péché, à l’instar de toute créature humaine ? La question de l’immaculée conception prend de l’ampleur.
- Quel type d’Assomption Marie a-t-elle connu ? On avance vers le Dogme.
- Quel rôle Marie exerce en faveur des croyants ? (Intercession de Marie)

En ce qui concerne l’immaculée conception de la Vierge, c’est-à-dire la naissance sans le péché originel de la Vierge Marie, une question resta posée au XIIe siècle (et cette question intrigue aujourd’hui beaucoup de chrétiens) : Marie avait-elle été « conçue sans péché » ou conçue d’abord, puis délivrée du péché ensuite ? Tout le monde se pose cette question encore aujourd’hui.

Déjà aux IIe et IIIe siècles, les Pères de l’Eglise avaient commencé à élaborer la suprématie de la Vierge Marie par rapport à Eve.


3 Collyridiens.- Secte chrétienne du IVe siècle, dont le siège paraît avoir été en Arabie. Leur nom vient de ce qu'ils rendaient à la Vierge un culte dont la cérémonie principale était l'offrande de gâteaux (kollurides). Cette cérémonie était faite par des femmes. Epiphane (Panarium contra haereses) la réprouve, parce qu'il la trouve associée à un culte dans lequel il voit une adoration, qui place Marie au rang de la divinité, et parce qu'elle fait participer des femmes au sacerdoce. 4 Le nom ‘’philomarianites’’ signifie amoureux de Marie.


 La tradition dont les Pères sont les garants a toujours interprété la salutation de l’ange, « comblée de grâce », comme ce don spécial fait à Marie. Dès les premiers siècles du christianisme, l’Église célèbre donc la pureté de Marie. Au fil des siècles, l’Église a pris conscience que Marie, « comblée de grâce » par Dieu (Lc 1,28), avait été rachetée dès sa conception.

Marie, parce qu’elle est vierge, pure et Mère de Dieu, très tôt a été considérée comme conçue sans le péché de la race humaine.Non qu’elle soit née avec ce péché, mais que dès sa conception, elle ait été épargnée par Dieu Lui-même.

Dès sa naissance, Marie est donc sans péché. Cette conception, les chrétiens du XIIIe siècle la connaissaient. Cependant, il fallait la défendre devant la naissance des universités et de la scolastique (elle vise à concilier l'apport de la philosophie grecque avec la théologie chrétienne héritée des Pères de l'Église.) Les chrétiens du moyen-âge qui avaient grandi avec cette croyance désiraient maintenant passer à une étape supérieure : en faire un dogme. Mais qu'est-ce qu'un dogme ?

C’est une doctrine dans laquelle l'Église propose de façon définitive une vérité révélée. Autrement dit, un dogme est une vérité de foi, contenue dans la Révélation divine, ou en lien étroit avec celle-ci. Le dogme de l’Immaculée est ici en lien étroit avec la Divinité de Jésus. Luther, Père du protestantisme, dira à cet effet: «Marie fut libérée du péché originel pour que la chair du Rédempteur ne fût pas non plus effleurée par l'ombre du péché. 5 »

Luther au XVIe siècle soutient donc que ce serait une aberration de voir naître le Fils de Dieu d’une Mère qui porte le péché originel. Si on admet que Jésus-Christ est DIEU, on ne peut penser qu’il ait pu être en contact avec le péché originel ; de ce fait l’Immaculée conception est déjà l’action salvifique la plus parfaite et efficace du Christ à l’endroit de laVierge Marie. Elle est préservée du péché parce que Jésus-Christ est VraiDieu et Vrai-Homme.

Le Dogme de l’Immaculée conception fut proclamé en définitive le 8 décembre 1854 parle Pape Pie IX : Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre


5 COLLO, C., Maria nel pensiero di Luther, Theotokos 1996, n° 1, p. 223-226.


humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement, et constamment par tous les fidèles. ( Ineffabilis Deus)

Par ailleurs, Cette proclamation fut encadrée par deux signes célestes qu’il convient de signifier:
- En 1830, précisément le 27 Novembre, la Vierge apparaissait à une religieuse du Nom de Catherine LABOURE et lui demanda de faire frapper des médailles portant la mention suivante : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avonsrecours à vous » (Pourtant leDogme n’était pas encore proclamé)
- Le 25 mars 1858, fête de l’Annonciation : lors de la 16e apparition à Lourdes, Marie révèle son nom à Bernadette SOUBIROUS qui ne sait rien de l’Immaculée conception : "Que soy era Immaculada Counceptiou" (« Je suis l'Immaculée Conception »)

Ces deux apparitions mariales ont été des signes forts qui attestent que la proclamation du dogme de l’Immaculée conception est un clin d’œil divin. C’est en comprenant les signes des temps que l’homme cerne que Dieu parle encore aujourd’hui.

Pour conclure, le document conciliaire Lumen Gentium du Concile Vatican II, en son numéro 53, nous révèle un fait important :
Par l’Immaculée conception, « Marie est rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils».Il faut aisément ici comprendre que la Vierge Marie n’est pas sans péché par ses propres mérites mais par ceux de son Divin Fils. Il faut donc éviter, dans ce dogme ou cette croyance, de la voir comme une divinité ; c’est plutôt la Divinité du Christ qui éclaire ce mystère de l’Immaculée conception. Marie est sans péché parce que voulu par Dieu.

L’Immaculée Conception est ce qui rend la sainteté de Marie tout à fait unique. En effet, bien que sauvée comme nous tous par la mort et la résurrection du Christ, ce salut lui est accordé dès sa conception. Elle est choisie par Dieu dès « l’origine des temps » et le Verbe s’incarne en elle à « la plénitude des temps ». Ces événements dépassent la simple contingence des événements de ce monde. Ce sont des événements qui ont leur source au-delà des temps, dans la volonté du Père Tout-Puissant.

Comme le bienheureux Pie IX l’a déclaré dans sa lettre apostolique ‘’Innefabilis Deus’’ de 1854, Elle « fut préservée par une grâce et un privilège particulier du Dieu Tout-Puissant, exempte de toute marque du péché originel, en prévision des mérites de Jésus Christ Sauveur du genre humain ». Cette vérité de foi est contenue dans les paroles de la salutation que lui a adressée l’archange Gabriel : « Réjouis-toi pleine de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). L’expression « pleine de grâce » indique l’œuvre merveilleuse de l’amour de Dieu, qui a voulu nous redonner la vie et la liberté, perdues avec le péché, grâce à son Fils Unique incarné, mort et ressuscité.

(Benoit XVI, Jeudi 8 décembre 2011, Place Saint Pierre)

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