Homélie du 15 Août 2010 Sanctuaire Marial

Chant : Un grand signe est apparu dans le firmament, une femme vêtue de l’éclat du soleil, elle marchait sur la lune couronnée de douze étoiles.

Chers frères, chères sœurs.

Aujourd’hui, la Vierge Marie, la Mère de Dieu est élevée dans la gloire du ciel. Voilà pourquoi comme tous nos frères chrétiens à travers le monde, nous nous sommes retrouvés nombreux dans ce lieu dédié à Notre de toute grâce.
L’Eglise veut que ce jour du 15 août soit pour elle et pour chacune de nos vies comme un moment privilégié. Voilà pourquoi elle nous invite à regarder plus loin que notre premier souci. Ce jour du 15 août nous est donné non pas tellement pour célébrer le Seigneur qui est capable de sauver l’humanité, mais l’humanité qui de fait, par la grâce de ce même Seigneur, accueille ce salut et entre dans la gloire de la Trinité.

Il n’y a pas de gloire si personne n’est glorifié. La gloire n’existe pas s’il n’y a pas de fait quelqu’un qui est glorifié par quelqu’un d’autre. Il y a la gloire dans le ciel parce que Jésus est ressuscité, parce qu’Il est assis à la droite du Père, parce qu’Il domine toutes les puissances du mal qui parcourent la terre. Il y a la gloire dans le ciel parce que quelqu’un, Jésus Christ, habite auprès de Dieu son Père avec le réalisme de son humanité.

Aujourd’hui, nous célébrons quelqu’un qui est accueilli. Ce quelqu’un c’est une femme dont on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’on a peu parlé d’elle, parce qu’on a surtout parlé de son Fils. Nous célébrons donc une femme qui n’a revendiqué qu’un titre tout au long de sa vie sur la terre : servante du Seigneur. Une femme qui avait un projet de vie : partager l’attente ardente de toute femme en Israël et rejoindre les pauvres de son époque, les stériles que l’on considérait comme punies de Dieu.
Cette femme est élevée aujourd’hui dans la gloire du ciel. Elle est étonnée par l’événement qui lui arrive et en même temps parfaitement accordée à la gloire qu’elle reçoit et la mission qui est désormais la sienne. Celle que personne ne cherchait à voir est aujourd’hui regardée par tous ceux qui nous ont précédés. Elle est regardée par tous les chrétiens aujourd’hui à travers le monde. Et dans ce regard il n’y a ni envie, ni jalousie mais admiration et imploration.
Cette femme c’est Marie l’humble fille de Nazareth, fille de Anne et de Joachim à qui Elisabeth sa cousine dit :
« Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »

Chant : Ô Quel admirable échange, Dieu se donne à nous, Dieu pour nous s’est fait pain et vin pour habiter en nous.

Ref : O quel beau mystère, Amour merveilleux c’est le créateur qui s’unit à sa créature.

Ou : Ave Maria o fille de Dieu le Seigneur t’a comblé de grâces et de beauté.

Pour mériter cet honneur, Marie ne s’est pas laissé corrompre. Elle s’est attachée au Seigneur malgré les pressions, les difficultés, les regards. Elle a toujours eu ces paroles magnifiques d’abandon total à Dieu : « Faites tout ce qu’Il vous dira », « Que tout se passe pour moi selon ta Parole ». Marie nous donne ici l’exemple du disciple qui veut marcher à la suite du Christ. Il doit s’abandonner totalement à Dieu, témoigner de Lui au milieu de ses frères pour pouvoir être glorifié.


1- Que signifie s’abandonner à Dieu pour nous aujourd’hui ?

Notre monde aujourd’hui fourmille d’hommes et de femmes troublés, joyeux, qui ne savent pas tourner leur regard vers Dieu pour reconnaître en Lui l’auteur de toute chose. Ils sont nombreux ceux qui sont découragés des épreuves, des difficultés rencontrées sur leur chemin. Marie est là aujourd’hui pour nous dire que Dieu est au départ et à la fin de toute chose. Il est l’Alpha et l’Oméga c’est Lui qui « déployant la force de son bras disperse les superbes, renverse les puissants de leurs trônes, élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. » Quoi de plus naturel que de s’abandonner à Lui ! Malheureusement certains frères comptant sur eux-mêmes corrompent leur âme et leur esprit par des actes ignobles ternissant ainsi l’image de Dieu reçue à leur baptême.

2- Comment témoigner de Dieu au milieu de nos frères ?

Le constat que nous faisons aujourd’hui est que la désintégration progressive ou brutale des valeurs traditionnelles basées sur le bien communautaire, a créé une plate forme où l’intérêt de la communauté jadis prôné, a laissé la place à l’intérêt particulier avec des slogans et des pratiques qui deviennent un nouveau code de conduite. L’on s’enrichit sans scrupule. Les slogans comme « l’argent n’a pas d’odeur ni de couleur », « il faut respecter le contexte », « il faut graisser le circuit », « il faut parler français » et toute la litanie que vous connaissez et qui courent dans les bureaux et les instances politiques ont pour corolaire un nouveau code de conduite dans la pratique au quotidien.
Ainsi le personnel de la santé, malgré son salaire de fin de mois peut laisser mourir un patient parce qu’il attend que celui-ci lui donne quelque chose avant de s’occuper de lui.

Le fonctionnaire payé pour faire un travail réclamera toujours quelque chose pour faire avancer le dossier. L’élève ou l’étudiant réussira à son concours avant même de le passer parce qu’il aura donné de l’argent à des inspecteurs véreux. Plus grave encore avec les élections qui approchent, des vendeurs d’illusions viendront à vous pour acheter votre conscience à coups de billets de banque. Certains parmi nous vendront leur conscience pour des miettes.
Oui, je sais que la pression de notre monde est si forte que de véritables structures de péchés se sont installées. Parmi celles-ci, nous pouvons noter la corruption, le mensonge, les demi-vérités. Si vous dénoncez la corruption dans les bureaux, à la police, sur les routes, à la justice, à la douane, etc… c’est votre droit le plus strict. Mais dans le même temps apprenez à renoncer aux privilèges, aux passe-droits, aux interventions intempestives qui minent nos institutions. Si vous dénoncez, si vous renoncez, alors vous serez les témoins et les collaborateurs de la vérité qui annonce un monde nouveau. Vous deviendrez alors témoins et porteurs de la Bonne Nouvelle. « Marchez devant ma face et soyez des saints. » dit le Seigneur.

Chers frères et sœurs, l’homme n’a pas été créé et jeté dans le monde sans boussole et soumis à toutes les intempéries. Son identité d’image et de ressemblance de Dieu en fait un fils de Dieu, en fait un Dieu qui doit respecter sa dignité. Respecter sa dignité, c’est témoigner de Dieu au milieu de nos frères et sœurs. C’est être sel et lumière et le rester quelque soient les épreuves. Malgré l’opposition de toutes les forces du mal, malgré le serpent à sept têtes et dix cornes St Jean dans le texte de l’Apocalypse dont nous venons d’entendre le passage, nous certifie que la femme a pu mettre au monde son enfant. Frères et sœurs rappelez-vous celui qui met sa confiance dans le Seigneur et marche selon ses voies ne sera jamais déçu. Marie a placé sa confiance dans le Seigneur, elle a été glorifiée.


En la regardant aujourd’hui chacun de nous doit se découvrir pécheur et mesurer la distance, le chemin qui lui reste à parcourir, la conversion qui lui reste à faire pour avoir le visage qui doit être le sien.
En regardant Marie, nous découvrons que cela vaut la peine de se convertir même quand on se déclare croyant. La fête de l’Assomption invite donc l’Eglise et chacune de nos vies à rectifier dans la joie, sa visée et sa trajectoire, à se réajuster dans la joie, à la mission qui est la même que celle de Marie : être la servante du Seigneur, donner Jésus au monde.
Amen !

+Jean Pierre KUTWA
Archevêque d’Abidjan

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