HOMELIE DE MONSEIGNEUR BONIFACE ZIRI A L’OCCASION DE LA MESSE D’ACTION DE GRACE SON EMINENCE JEAN PIERRE CARDINAL KUTWÃ

Cathédrale Saint Paul du Plateau
Samedi 18 avril 2015

Textes bibliques : 2 Co 4,5-11.14-18 ; Psaume 115 ; Lc 17,7-10

 

« Comment rendrais-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ; j’élèverai la coupe du salut en invoquant le nom du Seigneur ».

 

Cet extrait du Psaume 115 que nous avons l’habitude de chanter exprime bien le sentiment qui nous anime tous, en ce jour mémorable du 18 avril 2015. Jour de grâces et d’action de grâce pour la fidélité du Seigneur et pour sa bienveillante attention en faveur de notre pays.

 

-         Eminence Jean Pierre Cardinal KUTWÃ

-         Excellence Monsieur le président de la République et Madame,

-         Excellence Monseigneur Joseph SPITERI Nonce Apostolique en Côte d’Ivoire

 

-         Excellence Monseigneur Alexis TOUABLY YOULO, Evêque d’Agboville, Président de la Conférence des Evêques Catholiques de Côte d’Ivoire

-         Excellences Nosseigneurs les Archevêques et Evêques Catholiques de Côte d’Ivoire,

-         Monsieur le premier Ministre, 

-         Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

-         Messieurs et Madame les Présidents des Grandes Institutions de la République                                                         

-         Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,

-         Mesdames et Messieurs les membres du Corps Diplomatique,

-         Mesdames et Messieurs les Autorités politiques, administratives, militaires, coutumières et religieuses,

-         Chers frères membres du Forum des Confessions Religieuses de Côte d’Ivoire,

-         Honorables invités, 

-         Révérends Pères,

-         Révérends frères,

-         Révérendes sœurs,

-         Chers parents, amis et connaissances

-         Chers frères et sœurs en Christ et en humanité,

 

Tout ce que Dieu fait est bon et tout concourt au bien de celui qui aime Dieu.

 

Le 12 janvier 2014 le Saint-Père, le Pape François a élevé à la dignité cardinalice notre frère, Jean-Pierre Cardinal KUTWÃ.

 

Voilà donc environ un an que le peuple de Dieu attend de rendre grâce à Dieu pour cet honneur qu’il fait à notre pays en lui donnant son troisième cardinal. Dieu est Grand, le jour est arrivé. Peuple de Dieu et vous tous hommes et femmes de bonne volonté, laissons éclater notre joie, poussons des cris d’allégresse  en l’honneur de notre Dieu. Oui, honneur, gloire et Puissance à notre Dieu qui vit dans les siècles sans fin.

 

Voici l’homme, voici le serviteur de Dieu. Mais un serviteur conscient d’être inutile et fragile. La preuve, les lectures bibliques qui ont été choisies pour la circonstance par les soins de celui que nous sommes venus fêter, nous le montrent bien.

 

En effet, la parabole de Jésus dans l’évangile de saint Luc (chap. 17, 1-10) que nous venons d’entendre (et qui est la suite d’un certain nombre de consignes et de conseils de Jésus par rapport au service et à notre relation avec Dieu) nous dit que devant Dieu nous sommes de simples serviteurs : serviteurs inutiles, ordinaires, quelconques.

 

En choisissant de nous faire méditer ce texte, en ce jour de sa messe d’action de grâce, Son Eminence Jean-Pierre Cardinal KUTWÃ, humble serviteur de Dieu nous invite à comprendre que, tous autant que nous sommes, nous n’avons aucun mérite mais que tout est pure grâce : Seigneur, je ne suis rien, je ne peux rien et pourtant tu m’as appelé à ton service.

 

Serviteur inutile

 

Rappelons ici cette parole forte du Seigneur et faisons-la nôtre : « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16). Dans notre tâche missionnaire ou d’évangélisation, ne l’oublions jamais, le maître d’œuvre, c’est le Christ, le seul vrai prêtre, le grand prêtre qu’il nous fallait ; c’est par lui, avec lui et en lui que notre sacerdoce prend tout son sens. C’est lui le fondement et la source de notre fécondité apostolique.

 

Notre bien-aimé  Cardinal KUTWÀ a si bien compris cette vérité que pour lui, en toute chose il faut laisser Dieu être Dieu dans nos vies, le laisser agir dans nos vies en nous rendant dociles au souffle de l’Esprit Saint. Oui, vous avez raison Eminence. Car si nous abordons le service pour Dieu avec la pensée que nous sommes les éléments incontournables du plan de Dieu alors nous en sommes au même point que les pharisiens. Par contre, si nous laissons à Dieu la place qui lui revient dans le quotidien de notre vie, alors nous devenons le vase qui porte le trésor qu’est Dieu.

 

Finalement, nous n’avons pas à nous poser la question de savoir si nous sommes utiles pour Dieu, mais plutôt à le remercier parce que Dieu veut nous prendre à son service … malgré ce que nous sommes. Un pauvre vase de terre, fragile et sans valeur propre. « Je me réjouis de mes faiblesses car c’est en elles que Jésus montre sa puissance. » nous dit Saint Paul.

 

Oui frères et sœurs,

 

Les épreuves dans la vie d'un croyant contribuent à le dépouiller de tout éclat personnel afin que brille en lui la puissance de l’amour du Seigneur.

 

Tout est grâce. Tout est dans les mains du Seigneur. Et notre frère, avec l’humour que nous lui connaissons a vécu tout cela en ami de Dieu, en serviteur de Dieu. Disons-le tout net, avec la pauvreté de sa personne. Les textes de cette célébration confirment la grandeur spirituelle de ce pasteur qui a tout misé sur Dieu et qui a laissé Dieu regarder sa pauvreté, sa fragilité pour l’édification de son Eglise, par l’annonce de l’Evangile. C’est là le trésor de Dieu, mais comme le dit l’apôtre Paul, un trésor porté dans des vases d'argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de lui, non de nous.

C’est la symbiose parfaite entre le Christ qui choisit, appelle qui il veut à son service pour l’Evangile, et l’homme appelé qui constate toute la pauvreté de son être pour un si grand ministère de service : servir Dieu et les hommes.

 

Dans cette union au Christ, se vit le drame de toutes les persécutions, de toutes les difficultés, de la maladie, et j’en passe. Cependant, quand la foi est réponse à l’amour de Dieu, elle vit toutes ces épreuves dans la sérénité, comme le signe même de la puissance de l’amour de Dieu qui rassure, qui éclaire et qui nous fait passer sur l’autre rive, (rive de l’espérance et de la vie en Dieu).

 

« Pressés de toute part, nous ne sommes pas écrasés ; dans des impasses, mais nous arrivons à passer ; pourchassés, mais non rejoints ; terrassés, mais non achevés ; sans cesse nous portons dans notre corps l'agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps ».  

 

Pour Jésus, par amour pour lui, nous portons les croix de notre vie, pour être plus uni à lui et mesurer la grandeur de son amour pour nous.

 

Tel est l’itinéraire spirituel de son Eminence Cardinal KUTWÃ qui a accepté de répondre oui à l’appel de Jésus, malgré ses fragilités, malgré son handicap, malgré ses faiblesses.

 

Et ce matin, nous avons raison de nous réjouir avec lui. Car en dépit des multiples événements douloureux qui ont traversé sa vie de pasteur et l’ont aidé à prendre une conscience aigüe de la fragilité de la vie humaine, notre frère a persévéré dans la foi en Dieu, en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous et qui a fait de lui son prêtre, le 11 Juillet 1971. Archevêque de Gagnoa, le 02 Juin 2001, puis d’Abidjan, le 02 Mai 2006 et Cardinal, le 12 janvier 2014. Et notre frère, avec l’humour que nous lui connaissons a vécu tout cela en ami de Dieu, en serviteur inutile…

 

Je reste convaincu que l’action de grâce publique de ce jour succède à une autre, plus discrète, plus profonde, celle qui est passée inaperçue des hommes, celle que vous avez eu envers Dieu Eminence, ce 12 janvier 2014, après que le Pape eût annoncé la liste des Cardinaux qu’il venait de créer! Je le dis avec beaucoup de certitude et de conviction, pour avoir connu et travaillé avec l’homme que vous êtes.

Votre joie, votre action de grâce, vous l’avez voulu simple, profonde, intime avec Dieu. Et c’est ce qui fut !

 

Chers Frères et sœurs

 Comme Son Eminence Jean Pierre Cardinal KUTWA, nous sommes tous appelés à n’être que des serviteurs inutiles. C’est uniquement après avoir fait ce qui était commandé, après avoir fait preuve de sagesse, après avoir recherché la volonté de Dieu, après avoir assumé pleinement ses choix et ses responsabilités, après avoir mené les bons combats de la foi qu’on est serviteur inutile car toute la gloire revient à Dieu et à Dieu seul.

Serviteurs inutiles : C’est après avoir soulagé la misère et combattu l’injustice, après avoir lutté contre les erreurs et les plaies de notre monde, après avoir tout mis en œuvre pour transformer les épées en socles de charrue, après avoir utilisé toute son intelligence et sa foi  pour guérir toutes les maladies, après avoir épuisé sa salive pour expliquer, convaincre, pour transmettre la vie par la parole, que cette inutilité prend tout son sens car toute la gloire revient à Dieu et à lui seul.

 

Oui frères et sœurs, c’est dans cette attitude d’humilité, que le Seigneur veut voir tous ceux qu’il appelle à son service et de façon particulière, nous les prêtres, intendants des mystère du salut.

 

En cette célébration eucharistique, dans l’esprit qui la motive et qui nous rassemble, toute nomination dans l’Eglise est pour le service de Dieu et des hommes. Il n’y réside aucune gloire, aucun honneur, sinon le dessaisissement total de sa personne pour une consécration totale à Dieu, pour le service total des hommes. « De même, vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites : nous sommes des serviteurs quelconques. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire. »

 

         Chers frères et sœurs,

 

Nous ne devons rien attendre en retour, parce que nous recevons tout de Dieu et nous devons tout donner à Dieu par le service de nos frères et sœurs car, comme le dit l’apôtre Jean : « Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et qui n’aime pas ses frères qu’il voit est un menteur » (cf. 1Jn 4, 20). Le service mutuel est une exigence de la vie chrétienne. C’est ce que dit Jésus à ses disciples après leur avoir lavé les pieds : « Si votre Seigneur, votre Maître, vous lave les pieds, c’est que vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres ». c’est dire que l’homme devient la route, le chemin qui mène à Dieu, l’homme devient le sacrement de la rencontre de Dieu.

 

 

         Frères et sœurs,

 

La foi au Ressuscité de pâques est pour chacun de nous force d’amour pour notre prochain, force de communion dans nos communautés, force de fraternité universelle entre tous les hommes. Car la foi nous donne de servir Dieu et les hommes dans la seule fidélité à Dieu lui-même. Et le chrétien est, au nom même de sa foi, un serviteur. Un serviteur qui a reçu gratuitement et qui donne gratuitement pour que la justice et la paix atteignent tous les hommes, ses frères.

 

         Puisse la prière de la Vierge Marie, Notre Dame de la Paix, en communion avec les saints Apôtres Pierre, Jean et Paul, piliers de notre Eglise, nous soutenir et nous aider à imiter son Fils Jésus, le  serviteur par excellence, Lui qui règne pour les siècles et des siècles.

Amen !

 

                    +Boniface ZIRI

                      Evêque d’Abengourou 

 

 

 

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