HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CONFIRMATION DES JEUNES DE L’ARCHIDIOCESE D’ABIDJAN

Cathédrale Saint Paul du Plateau
Dimanche 15 mai 2016

Chant : ‘‘Ouvrez vos cœurs au souffle de Dieu,
Sa vie se greffe aux âmes qu’Il touche ;
Qu’un peuple nouveau Renaisse des eauximage d' archive
Où plane l’esprit de vos baptêmes !
Ouvrons nos cœurs au souffle de Dieu
Car Il respire en notre bouche
Plus que nous-mêmes !

Frères et sœurs en Christ,

Quelle belle aventure serait pour notre humanité, si tous les chrétiens prenaient sur eux d’ouvrir large les portes de leurs cœurs au souffle de Dieu, pour que sa vie se greffe aux âmes qu’Il touche et qu’ainsi, un peuple nouveau renaisse des eaux où plane l’esprit de son baptême ! Quelle avancée énorme serait pour nos églises et pour notre bien-être, si nous acceptions d’offrir nos corps aux langues de Feu de la Pentecôte, de sorte que brûle enfin le cœur de la terre ! Nos fronts seront alors marqués des signes sacrés et nos vies annonceraient le mystère de notre gloire! 

 

Quel bon prodigieux vers l’avant ferait notre pays, si tous ensemble, chacun à son niveau, décidait, en cette fête de la Pentecôte, de livrer son être aux germes d’Esprit venus se joindre à toute souffrance. Nous comprendrions alors que le Corps du Seigneur est fait des douleurs de l’homme écrasé par l’injustice. Enfin, quel bonheur cela serait pour la gloire de Dieu et pour notre salut, si nous tournions nos yeux vers l’Hôte intérieur, sans rien vouloir que cette présence ! Oui, c’est vraiment notre intérêt, car il habite nos silences et nos prières !

Révérends Pères,
Révérends frères,
Révérendes sœurs,
Chers amis jeunes,
Chers confirmands,
Chers fils,
Chers frères et sœurs,   

En cette fête de la Pentecôte, je prie pour que Dieu nous prenne tous en grâce et nous bénisse ! Je prie pour que la Pentecôte cette année, soit différente de toutes celles que nous avons célébrées jusqu’à ce jour ! Je supplie le Seigneur, afin qu’en faisant descendre son Esprit sur nous, qu’Il nous fasse à tous, le merveilleux cadeau, de l’Esprit de miséricorde, pour que nous en vivions réellement, et que notre pays continue sa marche allégrement vers des lendemains qui chantent !

 Chers confirmands,                                                                                                                                                                                                                                       

Je reste convaincu qu’il y a dans la vie de tous les hommes, des dates, des lieux, des événements qui doivent être compris comme des signes qui restent à jamais gravés dans votre mémoire comme des moments particuliers, inoubliables, des clins d’œil que Dieu fait à des hommes, à des nations. Ces dates, ces événements et ces lieux peuvent paraître commun en général mais, pour celui qui sait lire et interpréter les signes des temps, ces événements deviennent semblables à des fils d’or dont on se sert pour coudre les événements majeurs d’une vie.

Le fait que votre confirmation intervienne en cette année si spéciale du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde doit être compris comme un de ces signes, comme un merveilleux double clin d’œil que Dieu vous fait à vous particulièrement. Vous n’ignorez pas que le sacrement de la confirmation que vous allez recevoir dans quelques instants, vient clôturer pour vous un cycle, celui de l’initiation chrétienne.

En parlant  tantôt d’un double clin d’œil que Dieu vous fait,  j’avais en mémoire d’abord la grâce qui est la vôtre de recevoir après votre formation, le sacrement qui vous rend adultes, mais aussi, le fait que ce sacrement vous soit donné en cette année spéciale du Jubilé de la Miséricorde ! Ainsi donc, par votre confirmation, vous entrez dans le cercle des adultes de notre église, des adultes à qui l’on devrait pouvoir confier désormais des charges, en comptant bien sûr, sur les grâces liées à cette année spéciale. Vous le savez certainement, un adulte à qui l’on ne confie aucune responsabilité, pose problème et pour lui-même, et pour la société dans laquelle il vit.

Comme je le crois fermement, si par le don de l’Esprit Saint, en cette fête de la Pentecôte, la joie de Pâques inonde encore notre monde pour offrir à tous les hommes le pardon, la paix et l’amour, il appartient à tous les chrétiens que nous sommes, et particulièrement pour vous confirmands de cette année, d’être pour notre pays, ceux et celles qui portent ces messages de pardon, de paix et d’amour ! Ainsi,  j’ai décidé de vous nommer sur toute l’étendue de notre Archidiocèse d’Abidjan, ambassadeurs de Miséricorde, de Paix et d’amour ! Mais que peut bien signifier pour vous être ambassadeurs ?

1-   Ambassadeurs de Miséricorde de Paix et d’amour !

Chers confirmands,

Un ambassadeur est par définition, un représentant d’un Etat  auprès d’un autre, ou parfois auprès d’une organisation internationale. C’est le rang le plus haut au sein de la hiérarchie diplomatique. Mais il tient son pouvoir d’un gouvernement et ne l’exerce qu’au nom de ce gouvernement et sur sa demande expresse. Cela va sans dire qu’il n’agit pas de son propre chef. Dans l’exercice de ses fonctions, il se tient informé de l’évolution et de la situation du pays dans lequel il a été nommé pour en informer son propre gouvernement.

Il est en outre, responsable de l’unité et de la cohérence de la représentation de son pays, chargé de promouvoir des relations amicales et de développer les relations économiques… Il se doit aussi de protéger les ressortissants de son pays, de négocier avec le gouvernement local et de défendre les intérêts de son pays ! Un ambassadeur, c’est donc quelqu’un qui compte et sur qui l’on peut compter. Sa mission est toute à la fois noble mais délicate, passionnante mais exigeante, et elle requiert savoir-faire, savoir-être et savoir-faire-être !

Amis jeunes,
Chers fils,

En vous nommant à cette responsabilité, je mesure tout le poids que je pose sur vos épaules ! Mais jamais, le doute ne traverse mon esprit, parce que je sais en qui j’ai mis ma confiance et connais Celui à qui je vous recommande dans l’aventure qui sera désormais la vôtre ! Je vous envoie et vous exhorte à vous mettre en mouvement, pour impulser à vos paroisses, à vos quartiers, à notre archidiocèse, l’élan nécessaire pour que le feu de la miséricorde gagne chaque lieu, chaque endroit où vous vous trouverez et où l’appel de Dieu vous placera !

Je voudrais, pour ce faire, compter sur votre nombre, quelques 2500 confirmands ! Imaginez avec moi que chacun de vous prenne très au sérieux l’engagement d’œuvrer de toutes ses forces à contribuer à ce que deux personnes se réconcilient véritablement et que comme par un effet de boule de neige, cela se poursuive ! Je crois qu’il nous faudrait très peu de temps pour que les fils et filles de notre beau pays soient réconciliés les uns avec les autres !

Je sais que cela peut paraître une aventure difficile et même utopique pour certains! Mais parlons-nous bien de la force que donne l’Esprit Saint que nous allons recevoir ? Rappelons-nous qu’ils étaient douze au début! Qui aurait pu parier que leurs paroles parviendraient jusqu’à nous et partout dans le monde ? Qui aurait pu croire en la force de persuasion de ces simples pêcheurs ? Et pourtant, ils y sont parvenus, justement parce que quelque chose de nouveau s’est produit dans leur vie ! Aujourd’hui, je vous invite à accueillir à bras ouvert, la nouveauté qu’inaugure la Pentecôte en cette année de la Miséricorde !

2-   Tous invités à une nouvelle Pentecôte !

Chers frères et sœurs,

Historiquement, la Pentecôte juive était une fête très importante : c’était la fête du don de la Loi, l’une des trois fêtes de l’année pour lesquelles on se rendait en pèlerinage à Jérusalem ! On y allait dans la ferveur, la foi et l’enthousiasme pour renouveler l’Alliance avec Dieu. Le pèlerinage à Jérusalem dont il est question dans la première lecture de ce jour, en cette année là, était donc comme tous les autres et cette fête de la Pentecôte juive était certainement bien parti pour être comme toutes les précédentes.  Mais pour un groupe d’hommes, les disciples du Christ, noyés dans la foule immense venue en pèlerinage à Jérusalem, cette fête de la Pentecôte, cinquante jours après la Pâques de Jésus, ne ressemblera à aucune autre ! 

La première lecture de ce jour qui nous raconte comment l’Esprit Saint qui a été à l’origine du ministère de Jésus, descend sur les Apôtres et ainsi, ils reçoivent le même baptême de l’Esprit venant du ciel où Jésus est monté. Et là, quelque chose de nouveau se produit. En effet, alors que les Apôtres ‘‘se trouvaient réunis tous ensemble’’, l’Esprit Saint descend sur eux sous la forme de ‘‘langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient pour se poser sur chacun d’eux.’’ Et voilà que la foule des gens venus à Jérusalem les entend chacun dans son propre dialecte et sa langue maternelle !

Si les langues de Feu de la Pentecôte, de même que le bruit pareil à celui d’un violent coup de vent suggèrent que nous sommes dans la ligne de ce qui s’était passé au Sinaï, il s’agit pour nous aujourd’hui de comprendre, en relation avec la Résurrection du Christ, que la Pentecôte déjà en cette année là, était beaucoup plus qu’un pèlerinage traditionnel ! Dès lors, la Pentecôte devient signe d’unité dans la diversité justement parce que désormais, par le don de l’Esprit Saint, toutes les nations qui sont sous le ciel entendent dans leurs diverses langues, l’unique message, celui des merveilles que Dieu réserve à son peuple.

Frères et sœurs,

A la vérité, ce n’est pas seulement à ces futurs confirmés que je devrais confier cette mission d’ambassadeurs de Miséricorde, de Paix et d’amour. Vous tous ici présents, prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs du Christ et hommes et femmes de bonne volonté venus prier avec nous, je vous engage vous aussi et vous nomme ambassadeurs de Miséricorde, de Paix et d’amour pour notre pays ! Pour y parvenir, deux conditions s’imposent à vous : d’abord, vous défaire du vieil homme qui sommeille en chacun de vous et ensuite vous laisser envahir de l’amour même qui est en Dieu.

3-   Appelés à devenir ce que le Christ a fait de nous !

         Dans la deuxième lecture, Saint Paul nous enseigne que croire en Jésus-Christ mort et ressuscité affranchit du pouvoir du péché et rend juste devant Dieu. Cependant, cette libération doit s’épanouir dans le comportement du croyant qui est appelé à devenir ce que le Christ a fait de lui : héritier de Dieu, héritier avec le Christ ! Vous le savez certainement,  le risque de se laisser entrainer par sa faiblesse et de retomber dans le péché existe toujours.

Il vous faut aspirer à une certaine qualité de vie sans laquelle, vous êtes aspirés par le tourbillon des vents contraires à votre foi. Suivre le Christ, cela suppose oser des ruptures dans nos vies ! L’Esprit de Dieu vient au secours de la faiblesse humaine et l’aide à vivre comme des enfants de Dieu, et non comme des esclaves. Celui qui se laisse conduire par l’Esprit Saint, peut à la suite de Jésus, appeler Dieu du nom de Père et partant, considérer les autres comme des frères, des frères à aimer ! En fait, pour Paul, il y a deux attitudes opposées : vivre selon la chair, c’est se conduire vis-à-vis de Dieu en esclaves, ce qui se traduit par un manque de confiance car l’esclave se soumet à son maître par obligation et par peur des représailles ! Au contraire, vivre selon l’esprit, c’est se conduire en fils, dans une relation de confiance et de tendresse.

Il s’agit plus simplement pour nous, pour vous, d’arrêter de vivre de fausses espérances : le monde qui veut se réaliser sans Dieu, offrira aux hommes les magies du virtuel, des vidéo-téléphones, des télés murales aux dimensions toujours impressionnantes. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de paradis artificiels ! Nous devons refuser de combler nos existences de gadgets ! Si nous voulons répondre à notre vocation dans le monde de ce temps, il nous faut nous défaire du vieil homme qui sommeille en chacun de nous pour devenir ce que le Christ a fait de nous par le don de l’Esprit Saint.

La seconde condition pour répondre à votre vocation d’ambassadeurs, consiste à vous laisser envahir par l’amour même qui est en Dieu.

 

         4- Remplis de l’Esprit Saint, envahis de l’amour même qui est en Dieu.

         Frères et sœurs,

         Il peut paraître surprenant que pour la fête du don du Saint Esprit, l’évangile qui nous est proposé ne nous parle que d’amour ! Avez-vous remarqué que souvent, nous sommes tentés de penser à l’Esprit Saint en termes d’inspiration, d’idées, de discernement alors qu’il est l’Amour personnifié. Ce qui signifie en fait que quand les disciples ont été remplis de l’Esprit Saint, c’est l’amour même qui est en Dieu qui les a envahis ! Dès  lors, nous comprenons pourquoi à la Pentecôte, le message des Apôtres est entendu par chacun dans sa propre langue maternelle car en fait, il n’était question que d’amour !

         L’amour, sachez-le, est la seule valeur, la seule monnaie forte qui ait cours dans l’éternité ! Le prix d’une vie ne s’apprécie pas en dollars ou en euros, ou en quantité d’héritages laissés, mais en amour. L’amour est et sera toujours la ceinture qui lie des personnes dont les centres d’intérêts peuvent être différents. Il nous faut alors nous référer à la source de l’amour : Dieu dont  l’amour de Père est sans mesure ; c’est un amour infini et même si notre capacité d’accueil de cet amour est limitée, elle peut grandir à mesure que nous l’exercerons !

Oui, aujourd’hui, par le don de l’Esprit Saint, en cette fête de la Pentecôte,  la joie de Pâques inonde notre monde pour offrir à tous les hommes la paix, l’amour ! Alors, ouvrons large nos cœurs au souffle de Dieu pour qu’Il respire en notre bouche plus que nous-mêmes ! Offrons nos corps aux langues de Feu, pour qu’ils annoncent le mystère de notre Gloire ! Livrons notre être aux germes d’Esprit, pour qu’il nous donne sa violence à son service ! Enfin, tournons nos yeux vers l’hôte intérieur… car Il habite nos silences et nos prières !’’

En terminant, je voudrais vous souhaiter à tous, une bonne fête de la Pentecôte ! Je vous donne rendez-vous à Yamoussoukro, dans le cadre du Pèlerinage national. Je vous bénis et vous recommande tous à l’intercession de la Vierge Marie et Saint Paul !

 

 

+ Jean Pierre Cardinal KUTWà
Archevêque Métropolitain d’Abidjan

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