MESSAGE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA FETE DE NOEL Abidjan, mardi 25 décembre 2018
Chant : Alléluia Noël, Noël Alléluia, aujourd’hui nous est né notre Sauveur ; Alléluia Noël, c’est le Messie Seigneur, c’est une grande joie pour Noël ; Noël, Allé…, réjouissons-nous, aujourd’hui nous est né notre Sauveur ; Alléluia Noël, c’est le Messie Seigneur, c’est une grande joie pour Noël !
Révérends Pères, Révérendes sœurs,
Frères et sœurs en Christ,
La joie de Noël qui nous habite depuis la nuit dernière et qui se poursuit aujourd’hui encore, c’est celle qui se fonde sur le fait qu’à Noël, il nous est né un Sauveur, le Messie Seigneur, Celui qui porte les aspirations profondes de notre humanité, une humanité trop souvent abonnée aux mauvaises nouvelles et qui vit les convulsions d’un monde qui ne cesse de jouer à se faire peur, justement parce qu’il n’a jamais su se référer à son Créateur !
Oui, nous avons raison de crier haut et fort notre joie, car Noël nous indique que Dieu ne désespère pas du genre humain en continuant, année après année, de Lui offrir ce qu’Il a de plus cher, son Fils, son Unique, afin que quiconque croit en Lui, ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle ! Oui, laissons éclater notre joie, car Noël nous indiquera toujours que Dieu continue de faire confiance à ses créatures que nous sommes, au point de se faire l’un de nous, par l’Incarnation de son Fils ! Oui, Noël, c’est Dieu qui désormais se fait l’un de nous comme pour nous dire qu’Il n’abandonne jamais l’œuvre de ses mains.¨
1- Dieu qui n’abandonne jamais l’œuvre de ses mains
C’est bien ce que nous dit le prophète Isaïe dans la première lecture de ce jour quand il laisse entrevoir que le temps des lamentations a pris fin et que la libération d’Israël est proche. Une fois de plus, Dieu a fait preuve de puissance, Il a montré la force divine de son bras, Il a délivré son peuple comme Il l’avait libéré d’Egypte ! Et comme si cela ne suffisait pas, voici que Dieu Lui-même prend la tête de ce convoi retour ! Le Seigneur revient à Sion comme nous dit le prophète ; Il marche au milieu de son peuple et Il continue de Lui parler!
Continuer de parler à son peuple, c’est bien là aussi, le message que nous livre la Lettre aux Hébreux que nous avons entendu en deuxième lecture : ‘‘à bien des reprises et de bien des manières, Dieu dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, Il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes.’’
Communiquer est donc dans la nature même de Dieu et le Prologue de l’évangile selon Saint Jean que nous lisons aujourd’hui nous le montre assez clairement. En effet, en parcourant l’histoire des origines, Saint Jean nous propose un nouveau regard sur le monde : c’est le lieu où Dieu parle. Mais face à cette parole de Dieu, deux groupes se forment parmi les humains qui restent libres face à cette Parole : certains préfèrent leur autonomie et refusent de se lier à la parole qui les interpelle. D’autres accueillent cette même parole et reçoivent grâce à elle, une vie nouvelle qui les transforme.
Frères et sœurs,
Refuser la Parole de Dieu, c’est refuser le Verbe de Dieu fait chair pour notre salut et finalement, refuser Dieu Lui-même ! Voici où se trouve à mon sens, le drame de notre monde, ce monde dans lequel l’homme est devenu un véritable loup pour son frère, ce monde où l’on mange sans jamais être rassasié et où l’avidité et la cupidité semblent prendre le pas sur toute autre considération ! Reconnaissons que si nos sociétés sont devenues de véritables jungles où c’est la loi du plus fort qui l’emporte, cela est bien le fait des hommes de ce temps pour qui il n’y a de dieu que l’argent, le pouvoir et les dominations !
2- Noël, invitation à ouvrir son cœur et ses mains pour changer la vie de ses frères
Il est donc important que la joie de Noël impulse pour notre monde de nouvelles attitudes de la part des chrétiens que nous sommes. Oui, la naissance de Jésus à Noël nous invite, nous chrétiens, à annoncer par nos actes et en paroles, aux hommes nos frères, que ‘‘Jésus prend naissance quand l’homme commence à ouvrir son cœur et ses mains pour changer la vie de ses frères !’’
Il me plaît cette année encore de reprendre les propos du Pape François : ‘‘là où naît Dieu, naît l’espérance ; et là où naît l’espérance, les personnes retrouvent la dignité’’, [nonobstant le fait que] ‘‘encore aujourd’hui, de nombreux hommes et femmes sont privés de leur dignité humaine et, comme l’Enfant-Jésus, souffrent du froid, de la pauvreté et du refus des hommes.’’ (Pape François, message pour Noël 2015).
Frères et sœurs,
Comme l’an dernier, je prie pour qu’en cette fête de Noël, notre proximité rejoigne ceux et celles qui sont le plus sans défense, les victimes de la traite des personnes, les exilés, les marginaux de nos sociétés, les désespérés de la vie… ! Oui, en contemplant longuement l’enfant de Bethléem, qu’Il nous fasse la grâce en retour d’être transformés au plus profond de nous-mêmes ; qu’Il nous apprenne à renoncer à nos projets de grandeur humaine, projets bien souvent dictés par des ambitions démesurées, par l’égoïsme !
‘‘Au commencement, était le Verbe…’’ nous dit Saint Jean. Cette référence à la genèse n’est pas fortuite. Elle nous indique que ce qui commence, c’est ce qui doit commander toute l’histoire de notre humanité, c’est bien l’origine, le fondement de toutes choses ! Dès lors, la vocation de notre humanité c’est de vivre un parfait dialogue d’amour avec notre Créateur mais également les uns avec les autres !
Si le Christ vient à nous sous les traits d’un petit enfant sans défense, n’est-ce pas pour nous rassurer ? En effet, qui donc a peur d’un enfant ? Noël cette année, contribuera-t-elle à rassurer les ivoiriens que nous sommes ainsi que tous ceux qui habitent notre cher et beau pays ? Si le Christ se donne à nous à Noël, n’est-ce pas une invitation à nous dépenser nous aussi au service de nos frères et sœurs, frères de Jésus ? Si Dieu ne désespère pas de nous, devons-nous désespérer de nos frères ?
Frères et sœurs,
Noël, c’est le rêve de tout un peuple qui, le temps d’une saison, se met à rêver d’un monde meilleur, fait de bonheur simple et de joie partagée. Aujourd’hui encore, il nous est possible de traduire ce rêve en un vouloir vivre mieux et durablement avec les autres, en donnant à la vie, toute l’importance et tout le respect qui lui reviennent, en cultivant l’amour du sacrifice, en aimant et en privilégiant le travail bien fait, compris comme un service à rendre avec abnégation à toute une communauté, pour lui garantir prospérité et stabilité.
3- Noël 2018 : l’invitation à sortir des ténèbres pour marcher dans la lumière véritable qui vient de Dieu.
Noël, c’est surtout Dieu qui se souvient de la grande solitude de l’homme suite à son péché et à la misère qui s’en est suivie parce qu’il s’est coupé de son Créateur. Il se souvient et décide de le sauver parce que l’homme se croyait perdu. Mais Dieu a noué entre l’humanité et Lui, un lien nouveau si fort que rien ne pourra le défaire. Ainsi, malgré les échecs qui vont marquer Dieu dans son amour pour l’homme, Il continuera de l’entourer et de croire que l’aventure est possible. C’est donc porté par une volonté librement consentie, que Dieu a pris le parti de l’homme et qu’Il l’accompagne depuis l’aube des temps et l’accompagnera toujours.
Frères et sœurs,
Le temps n’est-il pas venu pour nous, filles et fils de Côte d’Ivoire, de saisir l’occasion de ce temps de Noël 2018, après cette crise qui a mis à mal la vie en nous, et autour de nous, après nos angoisses et nos désarrois, pour nous rappeler que Dieu s’est fait proche de nous pour nous sauver ? Le temps n’est-il pas venu pour nous d’analyser davantage ce qui nous est arrivé et ce bonheur d’être ensemble qui nous fait tant défaut et dont la mauvaise perception ou une compréhension insuffisante nous conduit dangereusement sur des chemins qui nous inquiètent tous ?
Si l’horizon 2020 nous interroge tous, un regard rétrospectif sur notre vivre ensemble ainsi que les dernières élections d’octobre et de décembre 2018, nous commande de renouer au nom de Dieu avec cette sagesse qui a fait le bonheur et la joie de vivre sur cette terre de Côte d’Ivoire. Rappelons-nous que la crise postélectorale a semé désarroi et désolation. Elle a meurtri le cœur des hommes et éprouvé la foi des croyants. A tous, elle a imposé chagrin et fardeau et mis à mal ce goût d’éternité que Dieu nous propose à tous en nous donnant son Fils !
Noël, c’est finalement l’invitation à sortir des ténèbres pour marcher dans la lumière véritable qui vient de Dieu. Il s’agit désormais pour nous de refuser d’habiter le pays de l’ombre pour être avec les autres, objet de la bienveillance de Dieu car l’enfant-Dieu qui nous est donné à Noël, c’est l’assurance que Dieu nous porte dans sa grâce et veut nous décharger de tout ce qui nous peine.
Si tous autant que nous sommes, nous portons une souffrance, comprenons que le Fils de Dieu est toujours là pour nous accueillir, que son amour nous est toujours offert. Il ne demande qu’à nous accompagner car Il est parmi nous, Il est avec nous. Il a vaincu la violence. Il a vaincu la mort. Il nous propose son exemple pour vaincre nos peurs et ruiner tout ce qui nous fragilise. Il nous faut comme lui, être désormais doux et humble de cœur, plein de douceur et de patience les uns avec les autres !
‘‘… Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde… mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez Lui, et les siens ne l’ont pas reçu…’’ Prions afin de ne pas manquer ce rendez-vous où Dieu se donne à nous. Que par l’intercession de la Vierge Marie et de Saint Paul, avec la puissance de l’Esprit Saint, Noël soit pour nous une destinée d’amour qui se manifeste dans la solidaritéet le partage !
Joyeux Noël à toutes et à tous !
Bonne fête à tous ceux qui se prénomment Noël !
+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,
Archevêque Métropolitain d’Abidjan