HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA CELBRATION DU TRENTENAIRE DE LA COMMUNAUTE MERE DU DIVIN AMOUR
Maison Générale Saint François
Dimanche 3 février 2019
Chant : Comment ne pas te louer…
Excellences,
Révérends Pères,
Révérendes sœurs,
Révérends frères,
Chers frères et sœurs,
Oui, comment ne pas louer le Seigneur quand nous considérons les merveilles qu’il accomplit au quotidien dans l’histoire des hommes et des nations ? Comment ne pas Lui rendre grâce pour la Communauté Catholique Mère du Divin Amour, cette merveilleuse aventure née sur notre terre de Côte d’Ivoire comme un essaim d’abeilles et qui a pour vocation de répandre partout le miel de l’évangile, Bonne Nouvelle pour les hommes de tous les temps ? Oui, à Dieu soit rendue toute la gloire, comme nos prédécesseurs l’ont fait hier, comme nous le faisons aujourd’hui et comme le feront les générations futures !
Excellences,
Frères et sœurs,
Il est heureux que la célébration de ce trentenaire se déroule au lendemain de la célébration de la fête de la présentation du Seigneur, un autre signe venant de Dieu, tant cette fête est celle qui nous invite à porter notre attention sur la Lumière qu’est Jésus-Christ, pour devenir à notre tour des êtres de lumière. Devenir des êtres de lumière, c’est comprendre qu’il ne s’agit pour nous, d’être des extralucides, mais bien des gens lucides qui perçoivent dans leurs vies, les traces de l’Invisible, des êtres qui n’ont pas peur de la Lumière mais au contraire, qui la cherche sans se contenter de la suffisance de leurs certitudes.
En effet et comme vous le savez certainement, le monde d’aujourd’hui vit moins grâce à ceux qui se ‘‘mettent en lumière’’ que grâce à ceux qui montrent le lieu où se trouve la vraie Lumière, le Christ notre Seigneur Jésus ! C’est ainsi que nos petites lumières de chrétiens révèleront l’existence de la grande Lumière qu’est le Christ et de sa mystérieuse présence agissante au milieu de nous. Cela est une exigence des temps dans lesquels nous sommes car, le monde d’aujourd’hui est de plus en plus ébloui par toutes sortes d’artifices, depuis les jeux de lumières en passant par les guirlandes qui luisent sans jamais rien révéler à l’homme moderne sinon, que ce qu’il y a de superficiel ! Dès lors, il nous faut faire en sorte que ces lumières que nous sommes désignent Celui qui est caché au milieu de nous, Jésus-Christ, qui nous invite à nous convertir, c’est-à-dire, à nous retourner littéralement pour l’apercevoir, Lui qui se tient à la porte du cœur de chacun de ses frères et sœurs que nous sommes !
A l’occasion de la célébration du trentième anniversaire d’existence de votre Communauté, il m’a paru nécessaire de revisiter pour vous, les différents messages que je vous ai adressés, depuis la cérémonie de reconnaissance définitive de votre communauté jusqu’à ce jour. Ce retour à ces différents messages, s’appuiera sur les textes de ce jour qui sont particulièrement riches d’enseignements dans notre marche à la suite du Christ !
Excellences,
Frères et sœurs,
La première lecture de ce jour que l’on peut situer à une époque troublée de l’histoire d’Israël nous présente le prophète Jérémie invité à s’engager dans le projet du Seigneur, un projet qui concerne en premier lieu Israël mais qui a une portée universelle. L’histoire nous enseigne que comme Moïse avant lui, Jérémie n’accepte pas immédiatement la mission que Dieu Lui confie parce qu’il est confronté à deux obstacles majeurs : il n’est pas certain d’être crédible et il porte un message impopulaire ! Cependant, Dieu promet d’être à ses côtés comme Il le fera pour tous ceux qu’il choisit et appelle à le suivre. Et comme tout soldat qui se prépare au combat, Jérémie doit se préparer à affronter son propre peuple et à lui tenir tête envers et contre tout ! Mais Dieu lui ordonne de s’engager avec confiance, courage et détermination, car Il le rendra invincible !
Quant à la deuxième lecture de ce jour, qui fait suite à celles que nous avons lues ces deux derniers dimanches, elle nous rappelle que Saint Paul avait terminé son énumération des dons en annonçant une voie qui les englobe tous, une voie infiniment supérieure, celle de l’Amour qui ici n’est pas à comprendre comme un sentiment, une qualité humaine sinon Dieu Lui-même, sans qui, nous chrétiens, nous sommes du cuivre qui résonne, des cymbales retentissantes. En effet, qui mieux que Dieu Lui-même patiente avec son peuple, avec l’humanité, avec nous ? Et donc si ce qui est dit de l’Amour est dit du Christ qui aime les autres tels qu’ils sont, n’est-ce pas une invitation pour nous ses disciples aujourd’hui, a l’imiter pour notre monde, pour nos sociétés très peu enclines à aimer gratuitement ?
Enfin, dans l’évangile, Jésus expose solennellement le sens de sa mission : le temps du salut qu’annonçait le prophète Isaïe, la libération attendue par les pauvres, c’est maintenant ! Avec Jésus ! C’est aujourd’hui ! Mais pour les gens de Nazareth, cela n’est pas sans poser de questions : comment reconnaître en cet homme familier et si proche, le prophète puissant qu’ils espèrent ? Pour toute réponse, Jésus rappelle que le projet de salut de Dieu est pour tous les peuples, pour les Juifs mais aussi, pour les païens !
Excellences,
Frères et sœurs,
Chers membres de la Communauté Mère du Divin Amour,
En m’adressant à vous aujourd’hui, je m’adresse plus largement à toutes les communautés nouvelles qui exercent une activité sur le territoire de notre Archidiocèse d’Abidjan ! Le 1er janvier 2013, dans l’avant-propos du livre du frère Jean Emmanuel Clément AKOBE, fondateur de la Communauté Mère du Divin Amour, j’avais fait remarquer que ‘‘le phénomène’’, pour parler de la Communauté Mère du Divin Amour, a intrigué plus d’uns dans ses débuts et peut-être continue-t-il encore aujourd’hui d’intriguer. Quelles sont ces nouvelles manières de faire ? N’est-on pas en train de donner dans le folklorique, le spectaculaire ? L’Eglise catholique se reconnaît-elle vraiment dans cette manière d’être et de pratiquer sa foi ?...Fin de citation.
Dans la première lecture, le prophète Jérémie était invité à s’engager dans le projet du Seigneur. J’ose croire que vous aussi, êtes toujours préoccupés par ce même projet du Seigneur ! En effet, je continue de croire que la reconnaissance définitive de la Communauté Mère du Divin Amour avait suscité et continue de le faire, beaucoup d’espoirs dans une nouvelle forme d’annonce de l’évangile du Christ. Cependant, nous sommes nombreux à nous interroger quant aux thèmes de vos nombreuses campagnes d’évangélisation. Dans l’ensemble, beaucoup de ces thèmes sont inspirés d’écrits vétérotestamentaire, comme si la révélation biblique s’était brusquement interrompu avec l’Ancien Testament !
Je crois pour ma part qu’après la naissance d’un enfant, le plus difficile porte sur son éducation. Cela pose l’inéluctable question du suivi-évaluation de vos activités. Quel est le Christ que vous annoncez finalement à vos frères et sœurs ? Le 19 mai 2012, je m’étais autorisé à vous avertir sur les dangers qui planent sur vous en vous invitant à résister aux chants des sirènes de la division qui ont pour nom : l’argent, le pouvoir et le refus de se réconcilier.
Sans être pessimiste, beaucoup de nos concitoyens s’interrogent à tort ou à raison sur votre rapport à l’argent. A cet effet, je vous faisais remarquer que ‘‘si l’argent est utile dans notre monde d’aujourd’hui, je vous invite à avoir avec lui, la distance nécessaire qui caractérise les vrais disciples du Christ. En effet, la tentation est grande aujourd’hui de vouloir faire du Christ, un fonds de commerce juteux et rentable à tous égards.
Votre vocation au sein de l’Eglise et du monde vous interdit de chercher à tirer profit financièrement parlant, de la souffrance de vos frères et sœurs, et du regain de spiritualité qui gagne nos états africains. L’argent n’est pas et ne sera jamais votre raison d’être et ce qui vous motive le plus. Je le dis en pensant à tous ceux qui verraient dans leur présence à la Communauté, un moyen infaillible pour se faire de l’argent rapide et facile.’’ Fin de citation.
Dans la deuxième lecture, Saint Paul après son énumération des charismes dont peuvent se prévaloir les chrétiens de Corinthe leur annonce une voie infiniment supérieure, sans laquelle nous sommes du cuivre qui résonne, des cymbales retentissantes, en un mot, rien ! N’avez-vous pas l’impression que certains parmi vous sont devenus du cuivre qui résonne et sonne faux, des cymbales retentissantes et qui embrouillent tout le monde au sens propre comme au figuré, par des tournures aussi discutables que crédibles ? Allons-nous continuer à laisser édulcorer la parole de Dieu contre espèces sonnantes et trébuchantes ?
Non chers amis des communautés nouvelles ! Non nous ne pouvons plus nous satisfaire de ces propos, de ces attitudes, qui choquent le bon sens ! Oui il est temps pour vous de vous réveiller par le sérieux de votre engagement ! Il se dit même que certains parmi vous n’ont de catholique que le nom, dédaignant la sainte messe et le sacrement de pénitence ! Rappelez-vous, dans l’évangile, ce sont les mêmes qui rendaient témoignage au Christ, qui l’ont poussé hors de la ville jusqu’à un escarpement de la colline !
C’est dire que les chrétiens d’aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons s’il a soif d’authenticité, ne s’accommode plus avec ceux dont la bouche dit une chose et dont les actes démontrent le contraire !
Sur la question du pouvoir, j’indiquais aussi que ‘‘désormais, la Communauté Mère du Divin Amour, c’est une grande famille ayant en son sein, des laïcs mariés, des laïcs célibataires, des laïcs consacrés dans le célibat, un Institut de religieux comprenant des clercs et des frères, et un Institut de religieuses. Je voudrais inviter tous ses membres et particulièrement les responsables à garder toujours à l’esprit, les paroles du Christ : ‘‘ celui qui veut être le premier, qu’il se fasse le serviteur de tous’’.
Sachez que les éternels permanents finissent toujours par agacer et les disciples du Christ que nous sommes doivent acquérir la sagesse de prendre sereinement leur retraite lorsque le temps est venu, car la passion de dominer est encore plus grande que celle de l’argent. Il vous faut donc savoir partir, passer la main aux autres, passer le flambeau. Sachez que la joyeuse acceptation de votre inutilité est un service grandiose. En agissant ainsi, vous manifesterez la sagesse divine aux gens qui vous regardent et qui vivent avec vous.’’ Fin de citation.
Excellences,
Frères et sœurs,
C’est à dessein que j’ai voulu remettre au goût du jour, les propos que j’avais tenu lors de la célébration de la reconnaissance définitive de la Communauté Mère du Divin Amour. Quelqu’un a dit que si l’on ne peut réécrire l’histoire, sur la base de cette même histoire, nous pouvons nous projeter vers des lendemains meilleurs ! Je crois fortement, et je m’adresse encore à toutes les communautés nouvelles, que notre seule objectif, c’est d’êtres productifs, de donner du fruit, de porter du fruit, un fruit qui demeure ! Cela est encore possible si nous savons nous remettre en question quant aux dérives que nous pouvons constater ici et là !
La solution ? C’est de revenir à Jésus et à son projet pour nous ! Revenir à Jésus, c’est comprendre qu’on ne peut créer la qualité de la vie divine qu’en la reflétant. Mais pour cela, il faut devenir transparent. Pour ce faire, tout ce qui est opacité en vous doit donc disparaître. Ainsi, le Christ doit-il être votre unique nécessaire. Désormais, laissez-Le aimer et agir en vous ! ; C’est seulement de cette façon que vous deviendrez de bons sarments. Faites en sorte que votre amitié avec Lui soit l’élément fondamental et reconnaissable de votre marche à sa suite. Comme vous le savez bien, Jésus vivait en constante union avec son Père. Je vous engage dorénavant, à cultiver davantage votre intimité avec Lui, à demeurer dans son amour, en faisant place à l’écoute de sa parole. Que la prière soit pour vous, le premier témoignage à rendre.
En terminant, je voudrais reprendre pour vous les propos de Monseigneur Boniface ZIRI à l’occasion de la célébration de votre 25ème anniversaire. Je le cite : ‘‘les Corinthiens auxquels Saint Paul écrit se sont bien convertis au Christ. Mais en fait, ils sont très vite retombés dans leurs querelles partisanes. Ainsi, ils ont constitué de petits groupes, de petits clans fermés et rivaux dont chacun se réclame d’un apôtre particulier. C’est là un scandale contre lequel Paul réagit vigoureusement. Pour lui, il n’y a qu’un Christ qui nous arrache à nos vues humaines. Il est mort pour nous, en lui nous avons été sauvés. La division n’a donc plus de place. Laissons-nous donc transformer par l’Esprit de Jésus, le briseur de frontières qui nous invite à mourir à tous nos préjugés qui nous séparent les uns des autres, et finalement de Dieu, bâtisseur de fraternité universelle.’’ Fin de citation.
C’est sur ces paroles que je vous redis ma détermination à vous accompagner toujours dans votre marche. Je crois et je continuerai de croire que vous êtes encore cet essaim d’abeilles qui a pour vocation de répandre partout le miel de l’évangile, Bonne Nouvelle pour les hommes de tous les temps ! Je prie pour vous et vous recommande à Marie, Mère du Divin Amour et de Saint François, patron de cette chapelle qui nous accueille.
Bonne fête à tous et qu’advienne le cinquantenaire ! Affection et bénédiction à tous !
+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ
Archevêque d’Abidjan