HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN A L’OCCASION DE LA FETE DE PAQUES Abidjan, dimanche 12 Avril 2020
Qu’éclate dans le ciel la joie des anges ! Qu’éclate de partout la joie du monde ! Qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu ! La lumière éclaire l’Eglise ! La lumière éclaire la terre ! Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Telle est notre foi ! Telle est la foi de l’Eglise que nous sommes fiers de proclamer solennellement, nonobstant les circonstances particulières que nous pouvons vivre et traverser, circonstances qui seront toujours passagères ! Christ est ressuscité !
Alors que notre monde vit contraint par les mesures restrictives que nous impose le Covid 19, le texte de l’annonce de la Pâques que nous entendons à chaque veillée pascale, et dont je viens de vous partager un extrait, traduit bien à mon sens, les temps dans lesquels nous sommes depuis que l’épidémie du coronavirus s’est muée en pandémie, une pandémie qui comme la mort, n’aura jamais le dernier mot sur l’histoire des hommes, car le Christ est et sera toujours vainqueur de la mort, de toute forme de mort! Oui cette pandémie passera certainement !
Ce que nous célébrons à Pâques, c’est d’abord pour Israël le grand passage, la longue marche vers la terre de liberté, où un peuple s’avance dans la nuit ! Ce que nous célébrons également à Pâques, c’est la victoire de Dieu qui se donne un nouveau peuple, victoire de l’Amour, victoire de la Vie, victoire définitive du bien sur le mal, du pardon sur la rancœur, de la fraternité sur l’égoïsme ! Ce que nous célébrons finalement à Pâques c’est la liberté pour tous les peuples, car le Christ ressuscité triomphe de la mort pour éclairer nos routes afin que nous avancions avec Lui, libres et vainqueurs ! Oui cette pandémie passera certainement ! Mais que nous aura-t-elle enseignée ?
Chers frères et sœurs,
Si à Pâques Dieu se donne un nouveau peuple, n’est-ce pas pour que celui-ci adopte finalement une nouvelle manière de vivre ? N’avons-nous pas fini par l’oublier ? La pandémie que nous traversons a dans une certaine mesure, redonné à la nature ses droits : l’univers respire à nouveau sans que les hommes qui l’agressaient hier ne disparaissent tous pour autant de la surface du globe terrestre ! Aujourd’hui, des familles se retrouvent, obligées de se créer des activités communes ! Les croyants, faute de pouvoir se retrouver dans leurs lieux de cultes habituels, sont devenus inventifs, généreux et plus responsables dans la prière ! Nos états, même les plus puissants sont obligés d’admettre leurs limites ! Les hommes et les femmes, qu’ils soient riches ou pauvres, se rendent compte de leur finitude et de la vanité de bien de choses, parce que tous sont logés à la même enseigne devant la mort implacable! Finalement, cette pandémie implique à mon avis pour nous aujourd’hui, un retour au sens premier dans la réalisation de notre vocation d’hommes et de femmes créés à l’image de Dieu et appelés à sa ressemblance ! Oui cette pandémie passera certainement !
Et quand elle aura disparue, que nous restera-t-il ? A reprendre les chemins de nos vies comme par le passé ? Comme si rien ne s’était passé ? A dresser encore des barrières entre nous, à élever plus haut les murs de méfiance et de défiance, de médisance et de replis de chacun sur soi? A laisser triompher le mensonge et la haine ? A continuer à nous gonfler d’orgueil là où un simple virus nous a tous réduits au confinement, au silence ?
Allons-nous continuer à regarder nos infrastructures sanitaires, pour ne citer que celles-là, en l’état où elles sont ? Allons-nous continuer à ne penser encore et toujours : avoir, pouvoir, et puissance ? Les élans de générosité et de sacrifice qui soutiennent les dons auxquels nous assistons en ce moment vont-ils se poursuivre pour offrir un mieux-être au quotidien à nos frères et sœurs ? Oui cette pandémie passera certainement, elle qui nous invite à des comportements nouveaux !
Ces comportements nouveaux, ce sont ceux que l’évangile nous présente : en restant près du tombeau comme Marie Madeleine et les disciples, nous ne contemplerons que le vide et la pierre du tombeau qui ne sont pas le message final de la Passion! Désormais, il nous faut être actifs, revoir l’échelle de nos valeurs individuelles et personnelles, communautaires et nationales et accepter de nous laisser interpeller par ce monde que Dieu nous offre à tous !
Frères et sœurs,
Pour voir le Ressuscité de Pâques, il nous faut nous mettre en route ! Comme pour les disciples d’Emmaüs hier, il nous faut comprendre que nous pouvons faire le chemin en sens inverse, vers les autres car c’est là que le chemin du Seigneur rencontre les nôtres ! Dès lors, le lieu définitif du Ressuscité ne sera ni Jérusalem, ni les bords du Jourdain mais bien la Galilée, terre étrangère par excellence, carrefour des païens, frontière de l’univers inconnu !
Et parce que cette pandémie prendra fin certainement, engageons-nous à prendre ce chemin de la Galilée, chemin qui mène à l’autre mais aussi au Tout Autre, pour rencontrer mais surtout découvrir la personne du Christ en chacun de nos frères ! Et quand cette pandémie prendra fin, nous pourrons en toute vérité, main dans la main, reprendre à notre compte les paroles du psalmiste : rendons grâce au Seigneur car Il est bon : Eternel est son amour ! Qu’ils le disent ceux qui craignent le Seigneur : Eternel est son amour !
Pour terminer, recommandons à la miséricorde de Dieu tous les défunts de cette pandémie ! Qu’Il apporte le réconfort à toutes les familles éplorées, la guérison aux malades ainsi que la force au personnel soignant à travers le monde ! Prions-Le pour nos gouvernants et pour tous ceux qui œuvrent à éradiquer cette pandémie ! Supplions-Le d’élever son bras, son bras qui est fort sur notre humanité et nous pourrons dire à notre tour : non je ne mourrai pas, je vivrai pour annoncer les actions du Seigneur, c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux !
Oui cette pandémie passera pour la gloirte de Dieu et pour notre bonheur, Lui le vivant, pour les siècles sans fin. AMEN !
Bonne fête à tous ainsi qu’à ceux et à toutes celles qui se prénomment Pascal ou Pascaline !
+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ
Archevêque d’Abidjan