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Messe de requiem P. Nzi Léon

Homélie 

Rm 14,7-12-Ps 22,1-6-Jn 10,11-18

 

Chant : J’entends ta douce voix ; Jésus je viens à toi ; Je viens mon sauveur lave moi dans le sang de la croix ; Jésus roi des rois qui mourut pour moi, je veux mourir avec toi, avec toi sur la croix.

Prière : Seigneur, tu nous vois ce matin remplis de douleur, de tristesse, de peur et même de révolte, au moment où Léon notre frère effectue sa dernière et décisive pâque. Mais au cœur de nos peines, nous voulons encore nous convaincre de ces convictions fortes, qu’il existe un au-delà de la douleur, un au-delà de la mort qui ouvre sur un ailleurs qui est toi et qui est en toi. (Ailleurs dont s’est fait chantre et héraut Léon ton serviteur et notre frère). En ces instants où le voile opaque de la mort tend à recouvrir les faibles lueurs de notre foi éprouvée, nous voulons t’inviter prestement au cœur de notre douleur pour la rendre supportable, au cœur de notre foi pour interpréter en grâce et en gloire, ce qui nous fait mal et nous ébranle. Toi le Dieu de la vie, viens nous fait vivre de ta vie qui demeure pour les siècles et des siècles Amen.

 

Frères et sœurs, chers amis dans le Christ, en foulant de nos pieds la cathédrale St Paul, centre spirituel et liturgique de l’archidiocèse d’Abidjan, nous devons profondément croire que nous ne sommes pas rassemblés au seul motif de la mort, mais au motif de la vie : La vie donnée et reçue. La vie reçue et rendue en action de grâce à celui qui en est l’origine puisque comme affirme le juste Job : « le Seigneur a donné le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni » (Jb1,21).

Devant le grand mystère de la mort, la sagesse populaire recommande de ne point parler. Si toutefois l’on tient à parler, alors il faut parler peu, juste et vrai. Parlerpeu, juste et vrai c’est «être prêts en toute circonstance à rendre compte de l’espérance qui est en nous » (1P3,16).

Pour nous chrétiens parler peu juste et vrai, c’est attester par notre foi que la mort n’est plus cet horizon implacable qui hante et angoisse les consciences humaines, mais plutôt une réalité vaincue et consumée dans l’ineffable évènement de la résurrection du Christ.

Dans la perspective de la résurrection, la mort est seulement perçue comme un tremplin, une passerelle, entre ce monde ci et ce monde-là ; entre ce terrestre ci et ce céleste là ; entre ce temporel ci et cet éternel-là ; entre ce mortel ci et cet immortel là que nous sommes appelés à être en vertu du baptême qui nous a fait passer de ce, monde ancien ci à ce monde nouveau là.

Frères et sœurs, chaque fois que nous participons à des obsèques chrétiennes, surtout aux obsèques d’un prêtre, ce prédicateur autorisé du kerygme pascal, de la résurrection, nous accomplissons un excercice de foi, en ce que nous nous engageons résolument dans l’espérance, à voir, à entrevoir et même à prévoir dans la résurrection du Christ notre propre résurrection. Exercice de foi et de témoignage car nous croyons profondément que derrière l’infranchissable que semble être la mort, se trouve l’insondable, qui est Dieu.

A cause de cet insondable qui remplit déjà nos vies, nous refusons que la mort ait le dernier mot, après tant d’espérance, tant d’amour et de joie partagés. C’est pourquoi, à l’intérieur de nous, nous nous sentons animés par ce désir profond qui appelle à répétition un ailleurs, un au-delà, plus haut et plus fort que le déchirement et la douleur que la mort peut nous infliger. Tout ne finit pas avec la mort tout commence avec la résurrection.

La nouvelle de la mort du Père Léon, comme un coup de massue nous est tombée drue sur la tête. Comme un coup de foudre dans un ciel serein ainsi l’avons-nous ressentie, car nous étions encore à nous souhaiter les bons vœux en ces premières semaines de l’année nouvelle quand nous en recevions la nouvelle. Nous avions cherché à nier et à renier la triste annonce, refuser d’accepter l’inacceptable. Mais à la tyrannie de la douleur nous n’avons pu résister longtemps. Les larmes qui perlaient sur nos joues désormais devenues moites avaient fini par convaincre de l’évidence de son départ.

Ainsi notre cher abbé Léon a souscrit à l’intransigeance du destin en entrant dans le repos éternel de Dieu ce Mardi 18 Janvier, pratiquement un mois avant la célébration de son 18ème anniversaire d’ordination que nous aurions célébrés ensemble le 21 Février prochain. C’est une vérité vraie, c’est une réalité intransférable, comme vrais et immuables ces souvenirs heureux que nous avions partagés avec lui et qui resteront comme la trace attestée de sa présence dans nos cœurs.

Frères et sœurs, il nous faut l’avouer, nous ne nous habituerons jamais à la mort. Elle ne nous paraitra jamais, normale et naturelle même pour les morts supposées évidentes, irréversibles à cause d’une maladie incurable ou du grand âge des personnes, encore moins pour des personnes comme le Père Léon qui avait tant et tant à donner en générosité, en disponibilité, en écoute, en grâce à travers la vie de Dieu distillée dans les actes sacramentels au nom de L’Église.

Mourir alors qu’on attend de vous que vous donniez la vie, que vous la chantiez et la célébriez peut faire très mal et paraitre à la limite injuste. La mort apparaitra toujours comme une infraction à l’ordre naturelle des choses, alors qu’elle s’offre comme la seule certitude de nos vies. La douleur et le déchirement que produit la mort en nous, traduit notre faim et notre soif d’aimés, car lorsque nous aimons les personnes, nous ne voulons pas les voir mourir, nous refusons qu’elles s’en aillent.

La mort nous surprendra toujours, nous fera toujours mal, parce que nous ne sommes pas faits pour mourir, mais pour vivre, de cette vie qui vient du Dieu de la vie. L’on peut comprendre à bon escient ces pensées optimistes et positivistes qui affirment que le contraire de la vie n’est pas toujours et nécessairement la mort. A la mort, ces pensées préfèrent opposer la naissance comme le moment où l’on entre dans l’existence et la mort comme la sortie de l’existence. La vie quant à elle précède, préside et transcende à ces différents moments de notre existence, puisqu’avant notre naissance nous vivions dans le sein de notre mère, et après notre mort nous vivrons dans le sein de Dieu, comme nous enseigne notre foi.

Frères et soeurs, dans la première lecture que nous avons entendus Saint Paul ne semble pas trop loin de cette ligne d’interprètation, lorsqu’il met en paralèlle la mort et la vie. Mais il reussit le tour de force de leur trouver un point commun. Pour lui en effet le problème n’est ni la mort, ni la vie, qui considéréés en elles mêmes et pour elles mêmes ne signifient rien puisque dira t-il, “personne ne vit pour soi même et personne ne meurt pour soi même”. Ce qui donne une plus-value, ou une valeur ajoutée à la vie et à la mort c’est leur rotation et leur ancrage en Jésus Christ. “Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur”.

Dès lors il nous faut rien absolutiser, même pas la mort si dramatique soit-elle, même pas la vie si lumineuse et belle soit-elle. Tout doit être lu et déchiffré relativement à la grâce agissante du Christ qui donne sens et consistance à toute chose. C’est pourquoi, il nous invite à reconsidérer le sens de notre vie, qui n’est pas une réalité renfermée sur elle même, mais constament ouverte à la grâce de Dieu.

En effet, si nous considérons notre vie comme quelle chose que nous avons gagnée de par nous même, alors la manière de la vivre et de la gérer dépendra de nous-mêmes et de personne d’autre. Cependant si nous la considérons comme un don reçu, alors n’avons pas d’autre choix que de la vivre en fonction de celui qui nous l’a donnée.

Cela signifie que la vie ne se mesure pas au nombre d'années passées sur terre, mais à la qualité et à l'intensité de la relation avec le Seigneur. Autrement dit, quelqu’un peut être vivant mais en réalité est déjà-mort, parce qu’il s’est libéré du lien vital existant entre lui et le Seigneur.  D'un autre côté, on peut sembler mort, mais jouir de la vie sans fin.

La vie ne s'apprécie vraiment qu'à la proximité de Jésus.  Et cela le P. Léon semble l’avoir bien compris, lui qui préférait très souvent à tort ou à raison, le silence du Tabernacle, aux couloirs de l’archevêché pour plaider telles ou telles situations qu’il pensait subir et qu’il n’arrivait pas toujours à se l’expliquer.

Être à l’écoute de la voix du Christ bon berger voici ce qui est semence de vie et de joie véritable. La typologie, ou le modèle du bon berger proposée dans l’évangile est la plus commune attribuée aux prêtres. Dans ce texte d’a peine 7 versets que nous avons entendu revient au moins quatre fois l’idée de “donner sa vie pour… “je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis ».

Ce qui fait de Jésus un bon berger, c’est sa mort pour les brebis. Le sens de la phrase n'est pas que ; c’est celui qui est déjà bon berger, qui donne sa vie pour les brebis : Mais c’est plutôt le fait de donner sa vie pour les brebis, qui constitue le statut de bon berger. Jésus est un bon berger par sa mort, et non simplement un bon berger qui meurt. C’est en mourant, que s’actualise et prend forme son rôle fondamentale de bon berger.

La qualité donc de « bon pasteur » n’est pas comme un dossard ou un maillot qu’on revêt pour entrer sur l’aire de jeu, mais une qualité qu’on acquiert sur le terrain, en donnant sa vie pour les brebis. A l’image du Christ, le prêtre bon pasteur est un homme qui se construit dans l’offrande de lui-même à ses frères pour la gloire de Dieu. Il n’épargne rien pour lui-même il est appelé à tout disposer en offrande fut-ce sa propre vie. Il génère la vie en mourant à lui-même, à travers renoncement et sacrifices quotidiens.

Cette capacité à se dépenser pour les autres, le P. Léon l’aura expérimenté à son humble niveau. Les témoignages entendus durant les obsèques révèlent une facette du personnage que beaucoup connaissaient très peu. Quelques fois et même très souvent malheureusement c’est la mort qui révèle la vie. Il faut très souvent que l’homme disparaisse pour que son essence apparaisse.

Les circonstances du rappel à Dieu de Léon sont un grand signe que nous ses confrères devrions savoir interpréter à notre avantage. Il est parti pratiquement au presbytère, après le déjeuner communautaire entre les mains de ses confrères. Je pense qu’un prêtre ne peut espérer la grâce d’une bonne mort que celle-là. Mourir au presbytère, entouré de prêtres. La crédibilité de notre vie sacerdotale passera à coups surs par le défi d’une vie communautaire réussie, inclusive tenant compte de tous et corrigeant fraternellement ensemble tout ce qui peut mettre à mal cet idéal de communauté.

En cette année du synode sur la synodalité où la consigne générale est à l’écoute communautaire sous la motion de l’esprit, nous les prêtres devrions persévérer à nous écouter mutuellement au lieu de nous fier à des aprioris réducteurs et stigmatisants qui laissent beaucoup d’entre nous dans l’antichambre du presbyterium. Le prêtre à besoin du soin pastorale du prêtre pour le relever, l’encourager, le reprendre charitablement quand il le faut, et non de l’enfermer dans des préjugés qui ne résistent pas  très souvent au tamis de l’expérience.

Éminence et cher Père, si quelque fois je me suis permis d’imaginer votre joie lors des ordinations presbytérales, je ne pus imaginer ce qu’est votre peine en ce moment, de voir partir Léon votre fils que vous avez préparé et envoyé en mission. Je ne pus vous dire que yako. Nous prions pour vous en ces instants car votre force nous rend forts et votre foi entraine nécessairement la notre.

A vous parents et familiers du Père Léon, vous perdez un fils, un frère, un ami. Je n’ai de mots que vous demandez de revisiter la vie de votre fils, dans ces lueurs et dans ces éclats. Vous réussirez certainement à comprendre et à accueillir que Léon n’est pas que regret et pleur, Léon restera joie et fou rire à tout déconcerter, imprévisible, spontané à plus d’un titre comme l’a été sa mort. Vous perdez un fils mais vous gagnez certainement un intercesseur auprès de Dieu. A vous également Yako. N’nan amou yako ni afê…animan mou amou yako ni afê

A nous tous frères et sœurs, je reste convaincu en vertu de la résurrection du Christ, que, le silence de la mort dans lequel s'endorment nos illustres défunts est déjà louange à la vie éternelle. C’est pourquoi, la perspective de la mort doit nous faire moins peur qu'une vie mal vécue ou peu vécue. Seule la célébration joyeuse de la vie, dans le service de Dieu et de nos frères comme à essayer de le faire le P. Léon, conjure la mort. Si nous aimons tant la vie, il parait absurde de se rendre compte uniquement de sa valeur que lorsque nous la perdons.

C’est par la mort que l’hommeentre dans la phase définitive de sa vocation. Avec la mort, s’ouvre pour l’homme, le début d’un jour, d’un autre jour, jour où l’horizon des possibilités commencent à se faire réalité, comme se plaisait à dire un grand théologien de l’Église quelques jours avant sa mort. Il me plait de réaffirmer ici les convictions profondes de ce bienfaiteur de l’Eglise.

«Un   jour les anges de la mort balaieront des méandres de notre esprit, tous ces déchets inutiles que nous disons notre histoire, notre vécu;

Un jour toutes les étoiles de nos idéaux et principes avec lesquelles nous avons drappé d’arrogance le ciel de notre existence, cesseront de briller et s’eteindront. Un jour toute notre vie passée, longue ou brève, nous apparaitra comme un unique et bref moment de l’explosion de notre liberté.

Ce jour-là, la demande se transformera en réponse, la possibilité en réalité, le temps en éternité, la liberté en offrande. Un jour nous découvrirons dans un terrible effroi et à la fois dans une joie ineffable que ce vide énorme et silencieux que nous sentons comme une mort, est en vérité rempli de ce mystère originel que nous appelons Dieu. Un jour de cet insondable mystère nous verrons émerger le visage de Jésus, le Béni de Dieu, nous le verrons qui nous regarde.. » . Pour le P. Léon ce jour est donc commencé. Pour lui je voudrais dire ces quelques vers.

Aujourd’hui le jour peut continuer à se lever,

Le soleil sans cesse ne se couchera,

La lune fera cortège et de son manteau d’éclat se vêtira

Le soir ne sera plus de repos mais d’éveil perpétué

Un jour au ciel et voici l’éternité qui s’ouvre…

Demandons à Dieu, de nous donner la grâce d’exorciser la mort, par la pratique de l’amour sincère.

Que par la miséricorde de Dieu l’âme du Père Léon N’Zi repose en paix.

 

Allocution du délégué UFRACI - Abidjan

Eminence, yako, condoléances. Nous mesurons toute la douleur, toute la souffrance qui vous étreignent en ce moment devant le corps inerte de votre fils, Monsieur l’abbé N’ZI Léon. Nous voudrions par ailleurs vous dire merci pour ce regard paternel que vous avez posé sur lui lorsqu’il se présenta à vous pour vous signifier son intention de réintégrer le presbyterium d’Abidjan après son départ inexpliqué. Sans condition, vous l’avez accueilli. Merci Eminence.

         Révérend Père Kouadio Kacou René, Curé de la paroisse Saint Michel d’Akoué Santai et son vicaire Diezou Mathurin, yako, condoléances. C’est un traumatisme que vous avez vécu en voyant mourir sous vos yeux votre confrère, avec qui pourtant, vous partagiez quelques minutes avant, la joie de vivre autour du déjeuner. Chers Pères, yako à vous, à votre conseil pastoral paroissial et à toute la communauté d’Akoué Santai.

Révérends Pères, Révérends frères, Révérendes sœurs, yako à nous tous.

Au nom de notre Union Fraternelle, UFRACI, je voudrais présenter toutes nos condoléances à tous les frères et sœurs du Père Léon. Nos condoléances à sa famille et à toutes ces personnes qui l’ont connu et aimé, yako à vous tous. Et je voudrais enfin finir en disant merci à vous tous qui l’avez aimé, et soutenu de quelque manière que ce soit.

Merci pour votre présence massive. Restons en prière pour son repos éternel.

 

                                                                  Père François MANDO