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LA CELEBRATION DE LA CLOTURE DES 125 ANS DE PRESENCE DES SŒURS NOTRE DAME DES APOTRES EN COTE D’IVOIRE

HOMELIE DU CARDINAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE D’ABIDJAN

Paroisse Cathédrale Saint Paul du Plateau

Abidjan le 10 décembre 2023

Chant : Comme un enfant qui marche sur la route ; le nez en l’air et les cheveux aux vents ; comme un enfant que n’effleure aucun doute ; et qui sourit en rêvant

Me voici Seigneur ! Me voici comme un enfant !

Comme un enfant tient la main de son père ; sans bien savoir où la route conduit ; comme un enfant chantant dans la lumière ; chante aussi bien dans la nuit !

 

Me voici Seigneur ! Me voici comme un enfant !

Excellence Monseigneur Boniface ZIRI, Evêque d’Abengourou,
Monseigneur Pierre Claver Yessoh N’GUESSAN, Vicaire Général,
Révérende sœur Hélène GOURDON,
Révérende sœur Amélie YAPO,
Révérendes sœurs Responsables des Provinces du Ghana, du Tchad et du Togo,
Révérends Pères,
Révérendes sœurs,
Chers frères et sœurs en Christ,

A l’heure de la clôture des festivités marquant les 125 années de présence des Sœurs Missionnaires de Notre Dame des Apôtres en Côte d’Ivoire, le chant que nous venons d’exécuter traduit pour moi, l’élan dont elles ne devraient jamais se départir, pour répondre à leur vocation spécifique, dans l’œuvre d’évangélisation qui est la leur. En effet, un enfant restera toujours pour ses parents, et cela quelque soit son âge, un enfant, toujours objet de leur sollicitude et de leur bienveillance et ceci est un grand motif de joie.

Par ailleurs, se présenter à Dieu sous les traits d’un enfant, c’est affirmer, l’option préférentielle qui est la nôtre de Lui laisser le contrôle total de nos vies et de notre marche à la suite de son Divin Fils ! Et s’il arrivait que cet enfant se révolte, devient des chemins mais aussi des engagements qu’il a lui-même contracté librement et sans contrainte, jamais il ne devra oublier la sollicitude et la bienveillance dont je faisais allusion plus haut !

1-  Sœurs Notre Dame des Apôtres, vous méritez notre reconnaissance !

Bien chères sœurs Notre Dame des Apôtres,

125 années après, je dois avouer que vous méritez notre reconnaissance en tant que premières de cordée ! Comment ne pas me rappeler avec vous, les propos pleins d’affection et de reconnaissance que feu le Cardinal AGRE, d’affectueuse mémoire, tenait à votre endroit, à l’occasion de la célébration du premier centenaire de l’évangélisation de la Côte d’Ivoire ! Je le cite : ‘‘dans les marches guerrières, il est de coutume que l’homme précède. Ici, c’est une femme, étrange amazone, qui a dit oui à l’appel du Seigneur, avant feu Monseigneur René KOUASSI ordonné en mai 1934. Car, c’est en 1933 que sœur Générosa… avait décidé de prononcer ses vœux dans la Congrégation Missionnaire Notre Dame des Apôtres !

Un tremblement de terre, une révolution culturelle ! De mémoire d’homme en effet, a-t-on jamais entendu dire en pays akan qu’une jeune fille dispose de son propre sort, en rupture avec les attentes légitimes de sa famille ? il fallait Jésus-Christ pour opérer et justifier ces ruptures évangéliques, véritables signes précurseurs de la valorisation de la femme… Après sœur Générosa, d’autres toujours plus nombreuses emboîtent le pas pour se mettre au service du Dieu vivant.

Et puis en 1965, ce fut le geste historique majeur qui fondait pour la première fois en terre ivoirienne la Congrégation Notre Dame de la Paix, famille religieuse née dans le terroir de la jeune république de Côte d’Ivoire qui n’avait alors que cinq ans d’existence… Aujourd’hui, Notre Dame de la Paix n’est plus seule, une deuxième famille Notre Dame de l’Incarnation est née en terre ivoirienne. Et nous espérons que, comme dans les autres pays d’Afrique et d’ailleurs, Dieu suscitera, dans le sens de l’histoire, du sein de nos communautés, d’autres charismes pour réaliser petit à petit le projet de sainteté nourri par lui-même pour chaque peuple qui entre dans son plan de salut.’’ Fin de citation.

        Voici brièvement et sans être exhaustif, ce que j’ai voulu rappeler pour l’histoire et qui vaut notre reconnaissance à votre endroit. Mais les temps ont passé et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ! 125 ans après, l’exigence de l’appel à aller toujours de l’avant, à avancer en eaux profondes est toujours d’actualité, eu égard aux nombreux défis auxquels vous avez à faire face dans votre activité missionnaire. A propos d’activité missionnaire, je voudrais rappeler les paroles de votre fondateur, le Père Augustin PLANQUE, d’affectueuse mémoire : ‘‘vous avez été choisies pour continuer à votre manière, l’œuvre que Jésus a confiée à ses Apôtres’’.

2-  Sœurs Notre Dame des Apôtres : évitez la tentation de la passivité tout comme celle de l’abandon !

Révérendes sœurs Notre Dame des Apôtres,

Être choisie pour continuer à votre manière, l’œuvre que Jésus a confiée à ses Apôtres, quel beau défi ! 125 ans après votre arrivée en terre de Côte d’Ivoire, dans l’optique de l’élan missionnaire qui est le vôtre, nul doute d’autres défis et non des moindres, se dressent sur votre chemin, en interne tout comme à l’externe. Ces défis ont pour noms, en m’appuyant sur la première lecture de ce jour, la tentation de la passivité et de l’abandon. En effet, traîné en exil à Babylone, le peuple de Dieu semble désormais condamné à se diluer dans le monde païen et les interrogations ne manquent pas, tout comme la réponse de Dieu ! Au-delà des épreuves et de ce que son peuple peut croire, Dieu va libérer les siens ; Il manifestera ainsi sa fidélité et sa miséricorde envers ceux qu’il avait paru abandonner et bientôt, le peuple pourra repartir au pays. Ce sera un nouvel exode et la route s’ouvrira devant les exilés en marche vers Jérusalem.

Chères sœurs,

L’image du désert employée par le prophète est instructive à plusieurs égards : le désert, c’est le lieu de l’exode, le lieu de passage de la servitude à la liberté. C’est aussi le lieu de la rencontre de soi-même où les faux fuyants n’ont pas droit de cité, où l’homme est comme nu face à lui-même. Et c’est en ce lieu que l’appel du Seigneur se fait plus urgent : ‘‘préparez à travers le désert le chemin du Seigneur. Tracez dans les terres arides une route pour notre Dieu…car, voici le Seigneur Dieu : il vient avec puissance et son bras est victorieux.’’ Is.40, 3.10

        La tentation de la passivité tout comme celle de l’abandon surviennent quand on a l’impression d’avoir été abandonné, oublié. Si nous considérons votre Congrégation prise dans son ensemble, dans sa globalité, la vitalité qui est la sienne à travers les chemins nouveaux que le Seigneur a ouverts devant vous toutes ces années durant, on peut se satisfaire de votre présence en communautés internationales dans les 21 pays où vous êtes présentes, en Afrique, au Moyen Orient, en Amérique et en Europe.

Cependant, je voudrais m’interroger avec chacune de vous, prise individuellement, dans sa relation d’intimité avec le Seigneur : qu’en est-il et où en êtes-vous ? Que faites-vous quand vous êtes gagnée par ce sentiment de passivité qui annihile toutes vos forces dans l’exercice de votre vocation ? En toute vérité, où trouvez-vous les énergies nécessaires quand vous avez le sentiment d’être abandonnée : en communauté ? Dans le monde ? Auprès de Jésus ? Quel bilan personnel pouvez-vous dresser au moment où nous bouclons les festivités marquant les 125 ans de votre présence en terre ivoirienne ? Quelles sont les perspectives qui sont les vôtres à l’échelon personnel ? Comme vous le savez certainement, le Christ qui vient à Noël, vient en chacun de nous, sur le chemin que nous lui aurons préparé. Puis-je vous demander, quel chemin avez-vous préparé pour recevoir votre Seigneur ?

Toujours dans la première lecture que nous avons entendue, ‘‘consolez’’ souligne ici que Dieu décide de la fin du châtiment et fait survenir quelque chose de neuf. Il n’est plus besoin alors d’avoir peur du passé même s’il est chargé de fautes car ‘‘le fruit de la victoire du Seigneur l’accompagne et ses trophées le précèdent’’. Mais alors, il faut avoir pris sur soi de changer quelque chose dans notre vie sinon, la voix qui crie dans le désert se transforme pour nous, en une voix du désert, c’est-à-dire, une voix dont personne ne fait plus attention.

Par ailleurs, je vous exhorte également à regarder autour de vous, pour voir et comprendre que ceux vers qui vous êtes envoyées en mission, traversent aussi des déserts dans lesquels ils ont bien souvent l’impression que Dieu ne les écoute pas pour ne pas dire qu’il ne les écoute plus. Et alors, leurs vies deviennent comme des épaves sur les flots de la mer de leurs épreuves du moment, ballottées au gré des vagues et laissées à la merci de tous les diseurs de bonne aventure. Il nous faut agir pour prendre conscience que nos déserts peuvent se transformer en opportunités !

3-  Nous avons une obligation : prendre conscience que nos déserts peuvent être des opportunités !

Frères et sœurs,

C’est ici qu’il nous faut faire appel à la deuxième lecture que nous avons entendu : ‘‘le Seigneur n’est pas en retard pour tenir sa promesse, comme le pensent certaines personnes ; c’est pour vous qu’il patiente : car il n’accepte pas d’en laisser quelques-uns se perdre ; mais il veut que tous aient le temps de se convertir’’. Voici le nouveau chemin qui se dresse à vous, tout comme à chacun de nous : être porteurs d’espérance pour le monde dans lequel nous sommes ! Nous avons l’obligation de leur faire prendre conscience que le désert, leurs déserts peuvent être des opportunités !

Le désert ! Les foules qui y allaient, attirées par Jean le baptiste, devaient quitter un certain monde où elles vivaient, pour aller dans un autre monde. Se retirer au désert, c’est refuser la facilité, le confort. Le désert, c’est ce lieu ouvert à perte de vue, où les routes ne sont pas clairement tracées, c’est en un mot, une invitation à l’aventure. Invitation pour le peuple hier, mais urgence pour nous aujourd’hui. Oui, c’est à une nouvelle aventure que le Seigneur nous invite. Souvenez-vous les paroles du prophète Osée : ‘‘je le conduirai au désert, je parlerai à son cœur, je le séduirai’’. Et si le désert, c’est aussi le lieu de la solitude et du silence, le lieu de la rencontre intérieure, nous devons comprendre que c’est dans ce dépouillement et dans ce silence, que Dieu veut se faire entendre pour sa gloire et pour notre bonheur !

4-  Préparez le chemin du Seigneur : un appel, une mission !

Excellence,
Révérends pères,
Révérendes sœurs,
Chers frères et sœurs en Christ,

À l’appel du Seigneur à aller au désert, se trouve greffée la garantie, la certitude d’y trouver un très grand trésor ! Et si les incertitudes du désert que symbolisent les épreuves et autres difficultés que nous rencontrons dans nos efforts de conversion, peuvent nous décourager, nous ne devons jamais nous décourager car, comme nous dit Saint Paul dans la deuxième lecture de ce jour : ‘‘pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour’’.

Nous devons prendre au sérieux l’avertissement du même Paul : ‘‘faites donc tout pour que le Christ vous trouve sans tâche ni défaut, dans la paix. Finalement, ce qui est attendu de nous tous, c’est bien d’aplanir les routes qui préparent les chemins du Seigneur comme dit Jean le Baptiste dans l’évangile de ce jour.

Cette attente peut être comprise à la fois comme un appel et une mission. Un appel, car les paroles du Baptiste qui invitent à nous convertir sont en réalité un appel à aller au désert pour y rencontrer Dieu, ce Dieu qui aujourd’hui encore, continue d’avoir soif de notre présence ! Une mission également parce que le Christ viendra toujours par les chemins que nous lui préparerons. A chacun de nous alors d’aplanir les obstacles sur la route du Seigneur, de bousculer en nous et autour de nous, ce qui ne confesse pas son nom ! C’est bien ainsi qu’il nous faut comprendre le baptême qu’il propose !

En attendant, prions le Seigneur de puissance et de miséricorde, afin qu’il ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de son Fils ; mais qu’il forme en nous la sagesse d’en haut, qui nous fait entrer en communion avec Lui, qui règne dans les siècles sans fin. Amen ! Bonne fête à tous !

+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ
Archevêque métropolitain d’Abidjan